Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’ordre du jour de ce premier Conseil européen de l’année comporte deux des principaux défis que l’Union aura à relever dans les mois qui viennent.
Il s’agit évidemment, en premier lieu, de la réponse à la question de la crise migratoire. Ces flux que nous ne parvenons pas à maîtriser, ces questions sur l’avenir de l’espace Schengen, sur la création d’une force de gardes-frontières et de garde-côtes et sur une optimisation des contrôles aux frontières, notamment à travers l’utilisation des fichiers SIS – système d’information Schengen – et EURODAC, sont autant de défis que nous devons relever.
Il s’agit d’un sujet très important sur lequel mes collègues du groupe Les Républicains auront l’occasion de revenir plus en détail. Pour ma part, je me concentrerai sur le Royaume-Uni.
Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la sortie de ce pays de l’Union européenne serait potentiellement une chance pour l’Europe.
Bien au contraire, au-delà de ses conséquences économiques, une telle issue porterait un coup très dur à la cohésion européenne, ainsi qu’à l’image et à l’exemplarité du projet européen dans le monde. Il s’agirait vraisemblablement d’une nouvelle crise que nous devons, autant que possible, nous efforcer d’éviter.
La décision reviendra bien sûr au peuple britannique et à lui seul. Toutefois, la recherche d’un compromis équilibré sur les demandes – que vous avez rappelées, monsieur le secrétaire d’État – formulées par le gouvernement de ce pays semble un préalable essentiel à son maintien dans l’Union.
Il s’agit d’un sujet difficile, puisqu’il nous faudra tout à la fois défendre des principes, préserver ce projet européen et mettre le chef du gouvernement britannique dans une position sinon confortée, du moins respectée, vis-à-vis de ses concitoyens afin de préparer le référendum dans une perspective positive.
Ce débat est d’ailleurs une occasion utile de nous interroger sur les réformes souhaitables pour l’Union européenne. Certaines des demandes du Royaume-Uni, loin d’être excessives, peuvent même parfois sembler plutôt constructives.
Si la négociation qui s’est ouverte doit être menée de bonne foi, dans un esprit de bonne volonté, elle ne doit pas conduire à franchir des lignes rouges ni à remettre en cause des principes fondateurs de la construction européenne.
Dans plusieurs États membres, la démarche entreprise par David Cameron peut trouver des résonances. Il faut être conscient que le processus dans lequel nous sommes engagés représente en soi un précédent. Si cette démarche devait aboutir à de trop larges concessions, cela pourrait non seulement aller à l’encontre de plusieurs principes fondateurs de l’Union, mais aussi constituer une incitation pour certains États membres à exiger des renégociations au gré de leur vie politique intérieure.
Eu égard à ce risque non négligeable, le bon équilibre entre ouverture et fermeté vis-à-vis du Royaume-Uni, certes difficile à trouver – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État –, est essentiel.
Avec des propositions formulées par le président du Conseil européen, Donald Tusk, les discussions sont entrées dans leur dernière ligne droite et les contours de l’accord se sont largement précisés. Ils devront être mis au point, demain et après-demain, par les chefs d’État et de gouvernement.
Les demandes britanniques sur le premier thème, celui de la compétitivité, ne sont pas problématiques. Nous pouvons y souscrire. Elles correspondent d’ailleurs largement aux orientations déjà adoptées par la Commission européenne – approfondissement du marché intérieur dans les domaines du numérique et de l’énergie, simplification de la réglementation, réduction de la charge administrative… J’ai noté que vous n’aviez même pas évoqué ce sujet dans votre propos, monsieur le secrétaire d’État, tant ces demandes ne posent pas de problème.
La question des rapports entre la zone euro et les États qui n’en sont pas membres est beaucoup plus délicate. Il convient d’être prudent.
Le Royaume-Uni a fait le choix de ne pas adopter la monnaie unique, ce qui lui accorde de fait un statut dérogatoire, car, quoi qu’il en pense, l’euro est, selon les traités, la monnaie de l’Union européenne. Il serait dès lors inimaginable qu’il obtienne en sus la possibilité d’entraver les initiatives ou décisions que la zone euro serait amenée à prendre pour maîtriser son propre avenir.
Les choix souverains faits par les Britanniques ne sauraient avoir pour conséquence de restreindre, de quelque manière que ce soit, la capacité des membres de la zone euro à faire leurs propres choix. Il s’agit là d’un point fondamental sur lequel, monsieur le secrétaire d’État, je crois qu’il n’est pas possible de transiger.
S’agissant de la souveraineté, justement, nous partageons naturellement la volonté britannique de mieux appliquer le principe de subsidiarité et, surtout, de donner un plus grand rôle aux parlements nationaux dans le processus législatif européen – notre commission l’a souvent rappelé. Cette évolution semble indispensable pour mieux servir l’objectif d’union plus étroite entre les peuples, objectif auquel, contrairement – peut-être – aux Britanniques, nous sommes très attachés.
Le président Donald Tusk a proposé qu’une majorité de 55 % des parlements nationaux puisse obliger, au sens constructif du terme, le Conseil à modifier une proposition. Voilà une application très intéressante du principe de subsidiarité. On pourrait peut-être regretter, monsieur le président de la commission, avec nos amis de la chambre des Lords, que le président du Conseil n’ait pas profité de cette question pour concevoir également une possibilité d’action positive des parlements nationaux, c’est-à-dire un mécanisme de proposition conduisant le Conseil ou le Parlement européen à examiner un dossier.
Le quatrième thème concerne la question sensible de l’immigration intracommunautaire. Il s’agit d’un principe fondamental de la construction européenne, celui de la libre circulation, déjà largement mis à mal par la crise migratoire actuelle.
S’il ne vient à l’idée de personne de prétendre que ce principe doit pouvoir produire des effets déstabilisateurs sur le marché du travail ou sur les systèmes sociaux ou de santé d’un État membre sans que celui-ci ait les moyens de réagir, nous devons toutefois nous montrer extrêmement attentifs.
Prenons garde à ce que les préoccupations légitimes des gouvernements nationaux n’ouvrent pas la voie à une discrimination injustifiée entre citoyens européens sur laquelle se briserait la libre circulation, le recours à l’exception devenant un droit trop souvent utilisé.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, notre attitude vis-à-vis des négociations engagées avec le Royaume-Uni n’est pas hostile ou fermée, elle est vigilante. Tel est le sens de la résolution adoptée par notre commission des affaires européennes et par la commission des affaires étrangères.
Conserver nos amis Britanniques au sein de notre union doit être notre objectif partagé, mais pas au prix du sens même de cette construction européenne.
Un éventuel accord lors du prochain Conseil européen ne fera pas changer d’avis les partisans du Brexit. Il aura sans doute du mal à convaincre les sceptiques, voire les indécis. Espérons néanmoins que l’indéniable talent politique de David Cameron, mis au service du maintien de son pays dans l’Union, saura bien mieux faire.
Toutefois, au moment où le Brexit semble gagner du terrain, une sortie du Royaume-Uni ne peut pas être exclue. Bien évidemment, nous ne la souhaitons pas.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous faire un point sur la négociation en cours ? Je pense notamment aux éléments d’actualité les plus récents, comme l’entretien d’hier entre François Hollande et David Cameron.
Nous avons tout intérêt à ce que la négociation entre les Vingt-Sept et le Premier ministre britannique place ce dernier en position de force pour convaincre ses compatriotes de rester avec nous, au cœur de l’Union européenne.