Intervention de Christian Cambon

Réunion du 17 février 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 18 et 19 février 2016

Photo de Christian CambonChristian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’exception de ceux qu’a tenus l’orateur qui m’a précédé, beaucoup de propos ont été consensuels quant à l’orientation que devra adopter le Gouvernement, à la veille de ce Conseil européen, saisi du « paquet Tusk » qui répond aux demandes britanniques de réforme de l’Union européenne. Cette réunion se déroulera avec, au-dessus de la tête de ses participants, l’épée de Damoclès du référendum britannique sur l’appartenance à l’Union, qui se tiendra sans doute le 23 juin.

Nous comprenons tous la part de politique intérieure qui a conduit le gouvernement de David Cameron à nous placer dans une telle seringue et à demander aux vingt-sept États membres de se prononcer en trois semaines sur des réformes importantes, qui, accessoirement, ont déjà été « prévendues » à l’opinion publique britannique.

L’Europe risque gros, sur ce que l’on peut qualifier de coup de dés !

L’Union européenne est en effet au plus mal, ses pieds d’argile se fissurent un peu plus contre les vagues des crises qu’elle rencontre : l’euro est malmené par un dollar chaque jour un peu plus dominant ; la PAC est au point mort et nos agriculteurs sont dans la rue ; Schengen n’existe plus – l’Autriche a annoncé hier la mise en place de douze points de passage de ses frontières avec l’Italie, la Slovénie et la Hongrie, afin de ralentir les entrées de demandeurs d’asile sur son territoire – ; l’équation du chômage de masse semble impossible à se résoudre ; l’Europe, à l’image des îles grecques, italiennes ou de la ville de Calais, semble submergée par un afflux de migrants qui la dépasse.

Le Brexit serait un coup de plus porté à une Europe qui n’en a vraiment pas besoin, alors que la crise de la dette n’est pas encore définitivement soldée.

Alors qu’il a fallu tant d’énergie, de vision, de ténacité, de courage pour construire l’Europe, il semble toujours plus facile de détruire que de construire.

Inutile de commenter ce qu’inspire la désolante demande d’exemption de l’« union sans cesse plus étroite entre les peuples », fondement même du projet philosophique et politique européen que défend la France depuis soixante ans au sein de l’Union européenne ! Nous sommes, hélas ! bien loin des Schuman, des Monnet, des pères fondateurs. Où est la vision ? Qui donnera le souffle ? Prenons acte, toutefois, du fait qu’il n’est heureusement plus question, aujourd’hui, de modifier le préambule du traité sur ce point.

Dans ce contexte, la commission des affaires étrangères a adopté à l’unanimité une résolution, devenue hier résolution définitive du Sénat, prenant acte des demandes britanniques et prônant un maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, mais pas à n’importe quel prix, ainsi que beaucoup l’ont rappelé ce soir.

Hier, lors des questions d’actualité au Gouvernement, vous évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, les sujets principaux à discuter entre le Royaume-Uni et l’Europe : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et l’immigration. Dans chacun de ces domaines, des améliorations sont souhaitables et nombre de règles doivent – et peuvent – être clarifiées afin d’éviter tout abus. Il convient néanmoins de préserver les principes essentiels : la non-discrimination et la libre circulation.

Parce que nous croyons à l’Europe, nous ne voulons pas d’un accord qui ébranle ses principes fondateurs. Certains murs porteurs ne peuvent pas être abattus sans que l’édifice entier s’écroule. Dans notre résolution, nous avons rappelé les lignes rouges, ou orange, qui ne peuvent, à notre sens, être franchies. Nous souhaitons que cette résolution puisse appuyer le gouvernement français dans la négociation.

Oui à l’Europe plus compétitive, oui à la convergence fiscale et sociale ! Oui à l’approfondissement du marché unique ! Oui à un rôle accru pour les parlements nationaux, oui au « carton orange » sur la subsidiarité !

Nous ne sommes pas opposés à la mise en place d’un « frein d’urgence », visant à suspendre, de façon proportionnée et temporaire, les prestations sociales des nouveaux migrants intracommunautaires en respectant la libre circulation et la non-discrimination.

Soyons toutefois attentifs à l’intégrité de la zone euro et à son autonomie de décision. La mise en œuvre dans ce domaine de tout mécanisme de type « Ioannina ter » – qui préside à la détermination des majorités qualifiées – devra se conformer à ces impératifs et ne pas entraver le développement futur de la zone euro.

Mes chers collègues, tout le monde mesure bien les conséquences d’un Brexitpour l’Europe. Elles seraient également lourdes pour nos amis anglais. Soyons optimistes, le Royaume-Uni est un partenaire pragmatique et fiable. Nous le mesurons chaque jour au Conseil de sécurité de l’ONU, dont nous sommes membres permanents avec nos amis britanniques, ou en matière de défense, où les accords de Lancaster House nous unissent dans un partenariat bilatéral très étroit et dans une coopération inégalée avec aucun autre de nos alliés. Le prochain sommet bilatéral du 3 mars devrait le confirmer.

La commission des affaires étrangères souhaite donc que le Conseil européen trouve une issue rapide à un épisode qui ne doit pas fragiliser l’Europe plus longtemps.

Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez votre feuille de route, elle vous a été largement rappelée sur toutes les travées ce soir. Vous devez, certes, améliorer les mécanismes européens existants, mais aussi respecter strictement les principes qui ont fondé l’Europe.

Il vous faut donc trouver le compromis qui permette à nos amis anglais de rester dans l’Europe et de relancer une nouvelle fois cette marche vers l’Union européenne dont la paix et le développement économique ont tant besoin

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