Intervention de Harlem Désir

Réunion du 17 février 2016 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 18 et 19 février 2016

Harlem Désir, secrétaire d’État :

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’ont dit MM. Christian Cambon et Jean Bizet à l’instant, ce débat a montré une grande convergence d’analyse sur les enjeux de la négociation avec le Royaume-Uni. Pour reprendre l’image utilisée par Christian Cambon, je dirai qu’il faut trouver les aménagements de la maison commune sans ébranler les murs porteurs, sans remettre en cause les principes fondamentaux de l’Union européenne, la commission des affaires européennes et le président Bizet ont également insisté sur ce point.

Une feuille de route découle de nos échanges. Elle a été rappelée sur les différentes travées. Il faut trouver un compromis avec le Royaume-Uni sans que cela nous empêche d’aller de l’avant, en particulier pour ceux des États membres qui sont très attachés au projet européen, qui ont l’euro en partage et qui veulent approfondir l’intégration économique, mais aussi la dimension sociale de l’Union européenne, sur laquelle a insisté Éric Bocquet, ainsi que l’harmonisation fiscale, le financement de projets en commun et, finalement, la dimension politique de l’Union européenne.

C’est là toute la difficulté de la discussion qui est engagée. Comme plusieurs orateurs l’ont souligné, parmi les quatre sujets qui ont été mis en avant par le Premier ministre britannique, si certains ne posent pas de grande difficulté, d’autres en revanche méritent une assez grande vigilance.

Concernant la gouvernance économique, ses enjeux tiennent aux relations entre les pays de la zone euro et les pays qui sont en dehors. Nous sommes à cet égard attachés à deux grands principes.

En premier lieu, nous respectons le choix du Royaume-Uni et d’autres États membres de ne pas rejoindre la zone euro, même si la plupart des États membres ont vocation à la rejoindre. Nous sommes tout à fait d’accord pour faire preuve de transparence et d’ouverture sur les décisions prises par la zone euro et pour ne rien imposer aux États qui sont en dehors de la zone euro, notamment en matière de financement du sauvetage d’un État de la zone euro en difficulté, situation à laquelle nous avons été confrontés cet été avec la Grèce.

En second lieu, il ne doit exister en revanche aucune forme d’empêchement, de veto ou de blocage venant d’États qui ne sont pas dans la zone euro à l’égard de ceux qui ont l’euro en partage et qui veulent pouvoir prendre des décisions pour améliorer le fonctionnement de la zone euro.

Je le redis, nous serons particulièrement attentifs à ce que les États qui ne sont pas membres de la zone euro n’utilisent pas ce prétexte pour bloquer des mesures de régulation des marchés financiers et d’intégrité du marché intérieur prises selon les règles de l’Union à vingt-huit, c’est-à-dire selon les règles de la majorité qualifiée. De ce point de vue, un certain nombre de clarifications doivent être apportées au texte.

Concernant les conséquences qu’il faudra tirer de ce débat pour l’avenir, l’Europe différenciée qui existe de fait sera, je le pense, confirmée par ce Conseil européen et par la décision qui permettra au Premier ministre David Cameron de préparer son référendum. Cela se manifeste notamment dans le débat sur l’immigration et au travers des considérations sur la lutte contre les abus sociaux. Je répète que nous ne souhaitons pas remettre en cause les principes fondamentaux de l’Union européenne, en particulier le principe de libre circulation.

J’en viens aux deux derniers points, la compétitivité et la souveraineté. Sur la première, un consensus se dégage pour améliorer le fonctionnement du marché unique dans des domaines comme l’énergie, le numérique, le marché des capitaux ou encore le financement des entreprises par une Union des financements et de l’investissement.

Sur la souveraineté et l’interprétation qu’il faut donner à l’expression d’« union sans cesse plus étroite », je pense que nous allons également parvenir à une formule qui convienne à tout le monde. Si la France souhaite continuer à pousser l’intégration, le Royaume-Uni ne sera pas contraint d’aller vers une union « sans cesse plus étroite ».

De fait, une Europe différenciée naîtra de ces discussions. Nous respectons encore une fois les opt out et les dérogations qui ont été accordés au Royaume-Uni et qui seront confirmés dans le cadre de cet accord. Toutefois, si nous ne voulons pas que l’Europe s’affaiblisse, si nous ne voulons pas assister à une déconstruction de l’Union européenne au moment où elle est confrontée à tant de défis, dont la crise des réfugiés qui est également à l’ordre du jour de ce Conseil européen, mais aussi les défis du bon fonctionnement économique de la zone euro, de l’investissement, de la croissance et de l’emploi, il faut que les pays du cœur de l’Europe aient la perspective de franchir une nouvelle étape dans leur intégration.

C’est la réponse que je ferai à Fabienne Keller et la conclusion que nous devrons tirer de cette discussion : il faut que l’accord soit positif pour l’ensemble de l’Europe, qu’il aide le Premier ministre britannique dans la campagne du référendum, mais qu’il ouvre aussi des perspectives pour les pays de la zone euro.

La question de l’agriculture qui a été soulevée par Jean-Claude Requier est effectivement au cœur de l’actualité, et elle sera probablement évoquée lors du Conseil européen, même si elle ne fait pas partie de ses conclusions. Dans le cadre du conseil européen des ministres de l’agriculture qui a eu lieu le 15 février dernier, Stéphane Le Foll a souhaité que les échanges portent sur le diagnostic de la crise agricole.

Il s’agit d’une crise de l’organisation des marchés à l’échelle internationale, mais également à l’échelle européenne. Cette crise n’est pas uniquement française, notamment parce qu’un certain nombre de mesures de régulation qui existaient auparavant n’existent plus, comme les quotas laitiers. Elle tient aussi à une espèce de course à la production qui perdure, alors même que la demande est inférieure à l’offre et que les prix se sont effondrés.

Nous avons obtenu qu’une analyse plus consensuelle de ce diagnostic soit retenue. Le commissaire européen, M. Phil Hogan, sera reçu par le Premier ministre le 25 février prochain.

Nous avons transmis un mémorandum, avec un certain nombre de propositions, qui sont actuellement en discussion à l’échelle européenne et dont nous souhaitons qu’elles puissent être adoptées rapidement : relèvement temporaire du prix d’intervention sur le lait, …

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