Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le plus souvent, l’approbation d’une convention internationale par le Parlement ne pose pas de problème et s’apparente à une formalité. Mais, en l’occurrence, tel n’est pas le cas.
Ne tournons pas autour du pot : le nœud du problème réside dans la substitution du parquet au juge du siège pour la mise à exécution des demandes de raccompagnement des mineurs roumains émanant des autorités de leur pays d’origine.
Ne passe-t-on pas d’une logique de protection de l’enfance à une pure logique de lutte contre l’immigration clandestine ? Le traitement réservé aux enfants roumains isolés en France s’inscrirait, par ce biais, dans le cadre d’une politique volontariste de reconduite à la frontière.
D’un autre côté, depuis l’arrivée à échéance du précédent accord, signé en 2002, la coopération franco-roumaine en la matière est abandonnée, ce qui est très dommageable, je le reconnais, compte tenu de l’ampleur du phénomène considéré et de la nécessité de renvoyer ces jeunes au sein de leur famille, en les arrachant au plus vite des mains des réseaux maffieux.
La question est donc la suivante : la reprise au plus vite de cette coopération, dans l’intérêt des enfants roumains et de nos bonnes relations avec la Roumanie, doit-elle primer sur le respect des principes fondamentaux qui semblent heurtés par l’article 4 de l’accord ? À moins, monsieur le secrétaire d'État, que la rédaction qui nous est soumise ne réponde après tout à ces deux préoccupations.
Devant une telle question éthique, mettant en jeu l’intime conviction et la conscience de chacun, la politique du groupe de l’Union centriste a toujours été la même : la liberté de vote. C’est pourquoi certains membres de mon groupe voteront l’approbation de l’accord, contrairement à d’autres. Je me bornerai à présenter les raisons, tout à fait légitimes, des uns et des autres.
Pour justifier l’approbation de l’accord, on peut se rallier à l’argument central de notre rapporteur, à savoir la nécessité d’adopter un texte dont la ratification se fait attendre depuis trois ans, d’autant que, en pratique, le juge des enfants sera très vraisemblablement amené à intervenir dans la procédure et à autoriser le raccompagnement des mineurs concernés.
J’insisterai sur deux points connexes fondamentaux.
Si des mineurs étrangers isolés sont présents sur notre sol, c’est parce que des réseaux se sont chargés, peu ou prou, de les y amener. Si retour de ces mineurs il y a, encore faut-il que, sur place, on les aide à réellement se réinsérer.
En d’autres termes, cet accord n’a de portée que si on l’envisage dans sa globalité, en tenant compte de l’amont et de l’aval.
En amont, cette convention n’a de sens que si les gouvernements se sont dotés d’un outil, le groupe de liaison opérationnel, qui renforce vraiment la lutte contre les réseaux.
Ces réseaux, au demeurant multiformes, bénéficient trop souvent de la complaisance de certaines autorités, à l’échelon local ou au-delà. S’ils alimentent bien évidemment le marché de la prostitution, ils sont aussi présents dans bien d’autres domaines, jouant alors de la complaisance de certains mêmes de nos concitoyens : une jeune fille roumaine faisant le trottoir choquera les habitants d’un quartier, mais certains d’entre eux n’hésiteront pas à embaucher une de ses compatriotes pour en faire une employée de maison payée au noir…