La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.
La séance est reprise.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Avant d’appeler la première question, je voudrais indiquer que M. Gérard Larcher, président du Sénat, ne peut être présent cet après-midi en raison d’un déplacement en Allemagne consacré à la réforme de la politique agricole commune et aux problèmes économiques de la zone euro.
J’ai donc l’honneur de présider cette séance de questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
La France agricole gronde : moins 34 % de revenus en 2009, et jusqu’à moins 50 % pour les laitiers !
Monsieur le ministre, vous ne l’ignorez pas, de nombreux agriculteurs français sont au bord du gouffre, toutes productions confondues : des laitiers aux céréaliers, des éleveurs aux producteurs de fruits et légumes, …
… toutes les filières sont en crise.
Sans réponse rapide et efficace, c’est le modèle même de notre agriculture qui serait menacé.
En plus d’une crise des revenus, c’est une véritable crise de compétitivité que connaît notre agriculture. Nos exportations ont diminué de 20 % en 2009.
Le coût du travail agricole dans notre pays est presque le double de celui de l’Allemagne, chers collègues de gauche. Quant aux prix agricoles, ils ont enregistré une baisse de 11 % entre 2007 et 2009, sans d’ailleurs que les consommateurs en aient vu la couleur.
Face à ces défis, le groupe centriste ne l’ignore pas, de nombreuses réponses sont dans les négociations bruxelloises, …
… mais le gouvernement français doit aussi réagir, et notre groupe regrette, monsieur le ministre, qu’il ne propose qu’un texte manquant singulièrement d’ambition.
Aussi ma question, monsieur le ministre, est-elle très simple : le Gouvernement est-il prêt à soutenir des mesures qui dépassent le simple catalogue de bonnes intentions et de schémas régionaux ?
Notamment, le Gouvernement est-il prêt à étudier un mécanisme de baisse des charges des ouvriers agricoles ?
Le Gouvernement est-il prêt à rendre réellement efficace l’Observatoire des prix et des marges en imposant aux supermarchés qui ne jouent pas le jeu de la transparence d’afficher cette non-transparence aux caisses afin d’en informer les consommateurs ? Cet affichage serait bien plus efficace pour les agriculteurs et pour les consommateurs que de dérisoires amendes.
Oui, monsieur le ministre, il faut oser l’affichage en France, ce « name, blame and shame » cher aux Anglo-saxons !
Le Gouvernement est-il prêt à faire un diagnostic de toutes les mesures franco-françaises imposées à nos agriculteurs et à supprimer d’ici à la fin de l’année toutes celles qui paraissent excessives, comme vient de le faire le Président de la République pour les camions de 44 tonnes, mesure demandée par notre groupe depuis plus d’un an ?
Enfin, le Gouvernement est-il prêt à demander à son administration d’être un peu moins zélée dans ses contrôles tatillons et plus efficaces dans son soutien à ses agriculteurs ?
Monsieur le ministre, vous le savez, nos agriculteurs ne supporteront pas une nouvelle année aussi désastreuse que celle qu’ils viennent de vivre.
Mes chers collègues, j’invite chacun à respecter son temps de parole !
La parole est à M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Dubois, j’ai bien compris votre question, …
M. Le Maire aurait souhaité vous répondre lui-même, mais il est actuellement retenu au congrès de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles, ce qui explique son absence cet après-midi.
Je veux d’abord vous dire que le Gouvernement a pris la pleine mesure du drame que vivent les agriculteurs. Aux différentes questions que vous avez posées, je vais d’ailleurs apporter des réponses qui vous montreront que le Gouvernement est dans l’action et non pas, comme vous l’avez peut-être un peu trop suggéré, dans l’incantation.
Vous avez d’abord évoqué la compétitivité de l’agriculture.
Je rappelle que nous avons supprimé les charges sociales, ce qui ramène le coût horaire pour les saisonniers à 9, 29 euros…
Non, cela n’était pas déjà fait. C’est chose faite maintenant !
Nous ne sommes pas encore au niveau de l’Allemagne, mais il y a un net progrès.
Vous avez par ailleurs vous-même évoqué, monsieur Dubois, la mesure annoncée par le Président de la République à propos des camions de 44 tonnes.
S’agissant des prix et des marges, le 17 mai prochain, le Président de la République recevra à l’Élysée les producteurs, les distributeurs…
… et tous les acteurs de l’industrie agroalimentaire.
C’est fait !
Le but du Gouvernement est, d’une part, que soient pratiqués des prix qui permettent aux agriculteurs de vivre de leur travail, d’autre part, que les baisses des prix soient aussi perceptibles par les consommateurs.
Des accords de modération vont être proposés aux distributeurs, et ceux qui refuseront de signer ces accords en subiront les conséquences.
Je crois, en outre, que le projet de loi de modernisation agricole, qui va venir très rapidement en discussion devant le Sénat, a le grand avantage de prévoir pour la première fois une organisation des filières.
M. Michel Mercier, ministre. Chaque fois qu’il y aura un bras de fer entre agriculteurs, distributeurs et industriels, le Gouvernement sera aux côtés des agriculteurs pour leur apporter aide et soutien !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la ministre, 2010 est une année charnière pour l’avenir du soutien accordé aux RUP, les régions ultrapériphériques, dans le cadre de l’Union européenne.
Nous souhaitons recevoir l’assurance que la France pèsera de toute son autorité et mettra en œuvre tous les moyens nécessaires pour la défense de nos outre-mer par votre voix, madame la ministre, dès demain, à Las Palmas, lors de la présentation du mémorandum relatif à la nouvelle stratégie de l’Union européenne à l’égard des RUP, mais aussi à l’occasion des nombreux rendez-vous qui jalonnent les prochaines semaines.
Si nous comptons sur votre détermination, madame la ministre, c’est que nous savons que certains de vos collègues ne sont guère enclins à entendre les appels de l’outre-mer, dont les spécificités dérangent…
Nous sommes donc inquiets, et deux sujets de préoccupation d’une actualité brûlante me conduisent à vous interpeller aujourd’hui.
Le premier concerne l’avenir de l’octroi de mer au-delà de l’échéance de 2014.
Il s’agit d’une ressource fiscale tout à fait essentielle pour les budgets de nos collectivités territoriales, qui connaissent de lourdes difficultés.
La France vient de remettre à la Commission européenne un nouvel argumentaire économique complétant le rapport d’étape de 2008, lequel ne démontrait pas assez clairement l’impact bénéfique de l’octroi de mer sur l’économie locale.
L’issue de ce dossier dépendra très largement de l’implication du Gouvernement français, dont la ligne politique n’a pas toujours été très lisible !
Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que le Gouvernement est désormais déterminé à obtenir la pérennisation de l’octroi de mer au-delà de 2014 ?
Mon second sujet de préoccupation concerne une autre menace qui pèse sur les économies des départements d’outre-mer ; je veux évoquer l’accord de libre-échange conclu le 1er mars dernier entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie.
Cet accord couvre notamment les produits agricoles et permettra l’entrée sur le territoire de l’Union européenne, en particulier des DOM, de la banane, du sucre et du rhum en provenance de pays aux coûts de production largement inférieurs.
Le risque de démantèlement de nos agricultures déjà fragilisées est d’autant plus important que le champ d’un tel accord pourrait ultérieurement être étendu à l’ensemble des pays d’Amérique latine !
Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour permettre à ces secteurs d’activité de rester compétitifs face à ces nouveaux entrants qui arrivent sur le marché européen ?
Marques d’impatience sur les travées de l ’ UMP.
M. Serge Larcher. Le Gouvernement envisage-t-il d’intervenir avant le 18 mai, date de la signature définitive de cet accord, auprès de la Commission européenne et des États membres pour permettre une révision des termes de l’échange afin de prendre en considération la situation économique et sociale des régions ultrapériphériques ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, je vous en prie, respectez vos temps de parole, car la séance fait l’objet d’une retransmission à la télévision.
La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’action menée par le Gouvernement depuis plusieurs mois pour défendre auprès de l’Union européenne les intérêts de l’outre-mer.
Je veux d’abord vous rassurer en ce qui concerne l’octroi de mer, sujet de votre première question, et le rapport complémentaire qui a été adressé, en plus du rapport d’étape de 2008, à la Commission européenne : les éléments que nous avons apportés à celle-ci correspondent à ses attentes.
Maintenant, il nous faut étudier les conditions de pérennisation du dispositif, pérennisation dont vous soulignez avec raison la nécessité ; le Gouvernement, je vous le dis, est déterminé à se donner les moyens de l’assurer.
L’octroi de mer, je le crois, est bien compris par nos interlocuteurs de la Commission européenne parce que c’est un outil avant tout destiné à aider la production locale. Il nous appartient maintenant de le prouver et de convaincre nos interlocuteurs que cet aménagement fiscal est bien un outil de protection pour les emplois et pour les entreprises.
Pour se faire, il me semble que nous devons nous fixer trois objectifs.
Premièrement, l’octroi de mer doit être inclus dans le mémorandum des régions ultrapériphériques dont vous avez fait état. Je vous l’annonce, monsieur le sénateur, c’est chose faite, puisque c’est prévu dans le texte que je vais signer demain à Las Palmas.
Deuxièmement, nous devons obtenir l’adhésion de la Commission européenne sur notre rapport d’évaluation. Je m’y emploie tous les jours, et j’ai d’ailleurs demandé au commissaire Hahn de m’accompagner auprès du commissaire Semeta sur cette question.
Troisièmement enfin, vous avez raison, il faut lancer l’étude telle qu’elle avait été conçue dans le cadre du conseil interministériel de l’outre-mer pour apporter la preuve de l’intérêt d’une bonne utilisation de l’octroi de mer. Cela, nous le ferons en lien avec les élus et les acteurs économiques.
Votre seconde question porte sur l’accord de libre-échange.
À cet égard, je tiens à vous dire que le Gouvernement a fait part à la Commission européenne des inquiétudes relatives à l’impact potentiel pour l’agriculture de l’outre-mer.
J’ai ainsi d’ores et déjà demandé, lors de mon déplacement à Bruxelles le 19 avril, que des mesures soient prises, notamment en ce qui concerne le renforcement de la clause de sauvegarde prévue par le traité de l’Union pour nos régions ultrapériphériques de manière à protéger nos productions locales, ainsi que des compensations financières supplémentaires.
Nous pouvons également envisager la mise en place d’études d’impact systématiques chaque fois qu’un accord pourra avoir des conséquences sur l’économie de l’outre-mer.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer le peuple grec, qui se mobilise et résiste. Je déplore que la grande manifestation populaire d’hier ait été endeuillée par les agissements inqualifiables de quelques individus, qui n’ont rien à voir avec les manifestants.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre, mais je suis certaine, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, que vous pourrez me répondre.
Votre gouvernement prétend aider la Grèce. En réalité, encore une fois, il soutient les banques.
Protestations sur les travées de l ’ UMP - Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.
Être solidaire du peuple grec, c’est refuser qu’il soit humilié et contraint de payer au prix fort une crise dont sont responsables les milieux financiers et leurs représentants politiques en Grèce. C’est refuser que ce peuple soit plongé encore davantage dans une dangereuse récession.
En 2008, vous étiez prêts à mettre 340 milliards d’euros d’argent public à la disposition des banques, sans conditions.
Depuis, elles continuent leurs activités spéculatives et affichent aujourd’hui des profits insolents.
Alors qu’elles se refinancent sur les marchés au taux directeur de la Banque centrale européenne, c'est-à-dire autour de 1 %, elles vont prêter à près de 3 % à l’État français, lequel prêtera à la Grèce au taux prohibitif de 5 %.
Ces mêmes banques françaises, le Crédit Agricole, la Société Générale, la BNP Paribas et d’autres organismes financiers, ont d’ores et déjà profité, au cours de ces dernières années, de la dette grecque, dont elles détiennent 41 %, soit 60 milliards d’euros. Elles vont en être récompensées non seulement en n’ayant jamais pris le moindre risque, mais, de plus, en engrangeant de nouveaux bénéfices.
Nous ne pouvons que faire le constat, mes chers collègues, de l’inexistence d’une Europe solidaire. En revanche, l’échec de l’Europe libérale des traités de Maastricht et de Lisbonne est patent.
Madame la ministre, je m’adresse à vous puisque M. le Premier ministre est absent, nous refusons de passer la corde au cou du peuple grec.
Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.
À l’évidence, il serait urgent de revoir le traité de Lisbonne et de réorienter le rôle de la Banque centrale européenne.
Mais, dans l’urgence, nous vous demandons, d’une part, de renoncer à faire du profit sur le prêt que vous accordez à la Grèce et de lui appliquer le taux directeur de la BCE, c’est-à-dire 1 %, voire moins, et, d’autre part, de prendre des sanctions à l’encontre des banques, assurances et organismes financiers qui spéculent sur les dettes des États.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.
La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Madame Borvo Cohen-Seat, j’aimerais que l’on évite de mélanger toutes les questions !
Je me réjouis de pouvoir présenter devant cette assemblée, dès ce soir, avec François Baroin, le projet de loi qui permettra à la France de se mettre en règle et d’honorer ses engagements de solidarité envers le peuple et le gouvernement grecs.
Vous pouvez être en désaccord avec ce que dit le gouvernement grec, avec les rapports du Fonds monétaire international et les conclusions de la Commission européenne ; pourtant, tous disent la même chose, si vous les lisez attentivement : la Grèce doit prendre aujourd’hui des mesures d’austérité et de rigueur difficiles, mais nécessaires.
Selon le Premier ministre grec, M. Papandréou, ces mesures sont indispensables ; lui-même considère qu’il n’existe pas d’alternative à ce plan, qui fait actuellement l’objet d’une négociation entre la Commission, le FMI et le gouvernement légitime grec représentant les intérêts du peuple grec.
Cette situation ne fait plaisir à personne et nous aurions préféré ne pas la connaître, mais c’est ainsi !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je ne vous laisserai pas dire, en tout cas, que le gouvernement de François Fillon et le Président de la République ne font pas œuvre de solidarité et d’exigence à l’égard de la Grèce, qui est non seulement l’un de nos partenaires, mais aussi un membre de la zone euro.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
S’agissant maintenant des taux d’intérêt, car je veux explorer tous les aspects de votre question, ne croyez pas qu’il existe un seul taux directeur. Il est faux de dire que la Banque centrale européenne fixe un taux directeur unique !
À chaque période d’endettement, à chaque concours financier, correspond un taux directeur spécifique. Comme je le préciserai à nouveau lors de notre débat de ce soir, les membres de l’Eurogroupe ont souhaité, en l’occurrence, s’aligner sur les conditions pratiquées par le Fonds monétaire international.
Ce faisant, nous permettons à l’État grec de se financer et de se refinancer, ce qu’il ne peut pas faire aujourd’hui, sauf à emprunter à un taux supérieur à 12 %. L’Eurogroupe a en effet choisi d’appliquer un taux fixe de 5 %, ou un taux variable proche de celui qui est pratiqué par le Fonds monétaire international.
Il n’est donc pas question de se faire de l’argent sur le dos des Grecs, mais il s’agit de faire preuve de solidarité, de se porter ensemble au secours de la Grèce et de soutenir l’euro et la zone euro !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
La France sera dans la même situation dans deux ans, quand vous serez battus !
crise grecque
La parole est à M. Philippe Marini, pour deux minutes et demie maximum !
M. Philippe Marini. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ainsi qu’à M. le Premier ministre. J’évoquerai, à mon tour, la crise financière, en me tournant non pas vers le passé, mais vers l’avenir.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Madame le ministre, quelles conséquences le Gouvernement nous invite-t-il à tirer de ce dramatique épisode en ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance, le respect de nos engagements, la soutenabilité de notre propre dette et notre capacité à la rembourser ?
Avons-nous la capacité de continuer ainsi, comme l’ont fait depuis longtemps vos prédécesseurs ?
Pouvons-nous, aujourd’hui encore, tenir à la fois un langage communautaire et un langage national ?
Bien entendu, la commission des finances du Sénat estime, pour sa part, qu’il convient aujourd’hui de tout faire pour soutenir la convergence, le respect de nos engagements et la crédibilité de notre monnaie.
Pouvez-vous m’indiquer précisément, madame le ministre, quel rôle le Parlement peut jouer sur ce chemin de la convergence ? Le programme de stabilité ne devrait-il pas un jour être voté par le Parlement ?
Le débat d’orientation budgétaire, qui doit se dérouler à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet, ne serait-il pas le moment opportun pour faire partager à la représentation nationale et, au-delà, à l’ensemble de nos concitoyens, les responsabilités qui sont les nôtres envers notre pays et envers l’ensemble des membres de la zone euro ?
Enfin, quelle place, quel statut, quelles responsabilités et quelle méthode de travail pour l’Eurogroupe voyez-vous dans les années à venir, compte tenu des leçons de la crise grecque ?
Je vous remercie d’avance, madame la ministre, de bien vouloir nous éclairer sur ces sujets stratégiques.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je vous félicite, mon cher collègue : vous avez respecté votre temps de parole.
La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Monsieur le rapporteur général, cher Philippe Marini, je vous répondrai en trois temps.
Je commencerai par l’Europe, ses institutions et les modifications qui sont d’ores et déjà envisagées par un certain nombre de chefs d’État et de gouvernement. Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, s’en est expliqué. Je vous renvoie à la lecture d’un quotidien du soir qui relate et commente plusieurs éléments de la lettre qu’il a cosignée avec Mme Angela Merkel et adressée à la fois au président de la Commission européenne et au président du Conseil, M. Van Rompuy.
J’en viens à nos politiques économiques.
Il est clair que nous devons faire preuve d’une plus grande convergence dans nos politiques économiques, afin de nous assurer une plus grande stabilité. Cela suppose probablement de faire évoluer les institutions européennes, sans toutefois modifier pour autant le traité – je l’espère, en tout cas ! –, et d’instaurer une gouvernance économique au sein de l’Union européenne, ou plutôt très probablement au sein de la zone euro.
Sur ce sujet, le Président de la République a toujours été en avance, prônant régulièrement un véritable gouvernement économique, que notre voisin d’outre-Rhin n’appelait pas toujours vraiment de ses vœux.
Enfin, la situation grecque actuelle montre clairement que le pacte de stabilité et de croissance n’est pas suffisant.
En effet, les critères appliqués, notamment ceux du déficit et de la dette rapportée au produit intérieur brut, ne sont pas suffisants, à eux seuls, pour assurer la convergence au sein notamment de la zone euro. Je pense qu’il conviendrait d’y ajouter, à tout le moins, un indicateur crédible de compétitivité, afin d’établir des comparaisons entre les pays qui font véritablement des efforts et, soyons clairs, ceux qui se sont un peu laissés aller en la matière.
Sur ces trois points, nous devons améliorer la situation au sein de l’Union européenne. Ces remarques valent également pour la zone euro, qui nous rassemble à seize autour d’une monnaie commune. Mais cette zone n’a d’existence juridique, pour le moment, qu’à travers l’article 136 du traité de Lisbonne, qui permet fort heureusement enfin d’explorer de nouveaux outils et de nouveaux modes d’alerte et de sanction, et qu’il serait particulièrement opportun d’utiliser.
Par ailleurs, sur le plan national, nous devons nous orienter sur le chemin de la restauration des grands équilibres de nos finances publiques. François Baroin et moi-même allons nous y atteler dans les mois et les années qui viennent ; c’est un travail de fond et de longue haleine, mais la souveraineté nationale est en cause.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s’adressait à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; je la poserai aujourd’hui à Mme la ministre chargée de l’outre-mer ; elle porte sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou.
Cette question est d’autant plus préoccupante que la présidence espagnole de l’Union européenne se félicite déjà de la prochaine signature d’accords de libre-échange entre l’Union européenne, la Colombie et le Pérou, lors du VIe sommet Union européenne-Amérique latine et Caraïbes.
Il faut le dire, ces accords suppriment, à terme, les barrières douanières sur les produits industriels et agricoles, d’une part, en ouvrant les marchés colombien et péruvien à l’industrie automobile, aux produits laitiers, au vin et, d’autre part, en ouvrant le marché européen à des produits industriels, et surtout agricoles, comme le sucre, le rhum, la banane ainsi que la viande.
Je constate, d’emblée, que ces accords semblent introduire une réelle incohérence entre les engagements protecteurs pris par l’Union européenne à l’égard des régions ultrapériphériques, les RUP, et les engagements pris par la Commission européenne : les concessions faites à la Colombie et au Pérou, et donc l’arrivée massive sur les marchés insulaires mais aussi continentaux de ces produits agricoles, auront forcément des effets dévastateurs sur l’économie des régions ultrapériphériques, comme sur les économies française et européenne.
Par ailleurs, ces accords vont créer un précédent, qui jouera contre les intérêts des RUP, mais aussi des agriculteurs français et européens. En outre, ce précédent risque d’être consolidé lors des prochaines négociations avec le MERCOSUR et de déstabiliser un peu plus l’ensemble de l’agriculture française, y compris celle des départements d’outre-mer.
Je m’interroge donc sur les intentions du Gouvernement, sachant que le Président de la République s’est engagé dans une politique nationale en faveur du développement endogène de l’outre-mer.
Madame la ministre, vous avez répondu à M. Serge Larcher que vous aviez attiré l’attention de la Commission européenne sur ce problème.
Je me permets cependant d’insister.
La France a-t-elle l’intention de signer cet accord en l’état, sans exiger de la Commission une renégociation de certaines dispositions du texte ?
Dans l’hypothèse d’une signature en l’état, quelles mesures compensatoires la France compte-t-elle prendre pour permettre aux agriculteurs français d’outre-mer, mais, au-delà, à tous les agriculteurs de France d’écouler leurs productions, de façon préférentielle, sur le marché européen ?
M. Yvon Collin applaudit.
Monsieur le sénateur, vous interpellez le Gouvernement sur les conséquences pour l’agriculture des DOM de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et certains pays andins. Vous ciblez certaines productions agricoles, en particulier la banane.
Ce projet d’accord, annoncé le 1er mars, doit être signé prochainement ; il va bien au-delà de l’accord multilatéral conclu au mois de décembre 2009. C’est la raison pour laquelle j’ai attiré l’attention de la Commission et j’ai demandé des mesures de compensation tendant notamment à renforcer les clauses de sauvegarde prévues par le traité de l’Union pour les régions ultrapériphériques de manière à protéger nos productions locales. Le Gouvernement a officiellement transmis ses remarques.
J’ai également demandé que puissent être instaurées très rapidement des compensations financières au bénéfice de toutes les filières agricoles en outre-mer. Cette demande sera transmise prochainement sur la base d’un chiffrage précis.
Parce que l’Union européenne peut accompagner notre pays et soutenir les mesures nationales qui ont été décidées lors du conseil interministériel de l’outre-mer pour assurer le développement endogène de ces RUP, j’ai demandé que puisse être mis en place un système de facilitation en matière de régulation.
Enfin, lors d’échanges sur cette question auxquels j’ai procédé avec les différents commissaires concernés, y compris Michel Barnier, j’ai souhaité que des études d’impacts systématiques soient réalisées avant la conclusion de tout accord commercial pouvant concerner les régions ultrapériphériques. Ce point figure dans le mémorandum conjoint des RUP et des États membres que je signerai demain aux Canaries.
Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP.
Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
Murmures sur les travées du groupe socialiste.
Environ 7 % des élèves sont concernés par l’absentéisme scolaire, ce qui justifie grandement que l’on s’intéresse au problème. Pour autant, la suppression du versement des allocations familiales aux familles concernées que demande le Président de la République et que propose, par le biais d’une proposition de loi, un membre de votre majorité est une mauvaise réponse à un vrai problème.
Une telle focalisation est d’autant plus surprenante que cette possibilité existe déjà. La mesure n’est tout simplement pas appliquée, car l’ensemble des professionnels concernés s’accordent à dire qu’elle est contre-productive. D’ailleurs, les pays qui l’ont expérimentée, comme la Grande-Bretagne, font le même constat.
Un élève en décrochage scolaire est un enfant qui ne trouve pas sa place à l’école. Il n’est pas rare qu’il n’ait pas non plus la place qu’il devrait avoir au sein de sa famille.
Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.
L’absentéisme scolaire est l’aboutissement de ces symptômes.
En répondant par la suppression des allocations familiales à ceux qui relèvent de situations sociales complexes, on rend l’enfant responsable des difficultés financières de sa famille. Au pire, une telle mesure peut engendrer violences et ruptures familiales ; au mieux, l’enfant reviendra à l’école, mais avec une image de lui encore plus dégradée et un sentiment d’échec renforcé. (
En revanche, en permettant aux élèves de réussir quelque chose, en mettant en valeur leur savoir, leur savoir-être, leur savoir-faire, on peut modifier durablement les trajectoires d’un certain nombre d’entre eux et retisser véritablement le lien avec l’école.
Missionner des professionnels, tant au sein de l’école qu’auprès des familles, pour permettre à l’élève de retrouver l’estime de lui-même aurait une autre portée qu’une sanction financière.
Or, aujourd’hui, les élèves en situation de décrochage scolaire restent le plus souvent livrés à eux-mêmes, faute de prise en charge adaptée. Les causes de l’absentéisme sont donc rarement traitées.
Pourtant, l’enjeu en vaut la peine. L’école a pour mission d’empêcher que les inégalités de naissance ne se cristallisent en inégalités de destin. Le fait que les jeunes les plus concernés s’en détournent interpelle notre République.
Mesdames, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, plutôt que de soutenir une proposition de loi qui ajoute l’exclusion à l’exclusion, allez-vous donner à l’accompagnement social comme à la réussite scolaire, à la réussite éducative, les moyens matériels et humains permettant de répondre aux enjeux de notre société ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de M. Éric Woerth, qui m’a chargée, madame Le Texier, de vous apporter la réponse suivante.
Vous ne pouvez pas nier une réalité : l’absentéisme scolaire est extrêmement problématique et laisse des enfants en marge de la société. Il peut être source de délinquance et d’incivilités.
Pour l’année scolaire 2007-2008, le taux d’absentéisme a atteint 7 % en moyenne, comme vous l’avez rappelé, madame Le Texier.
Il est en progression et le Gouvernement ne peut rester sans rien faire.
M. le Président de la République s’est exprimé sur ce sujet hier devant les préfets, les recteurs, les inspecteurs d’académie, les procureurs. Avec plusieurs autres ministres concernés, j’étais présente. M. le Président de la République a bien expliqué que l’absentéisme scolaire avait de nombreuses causes et qu’il fallait pouvoir apporter à ce problème des réponses appropriées.
La responsabilisation des parents est l’un des moyens - pas le seul – pour lutter contre ce phénomène. La suspension des allocations familiales, et non la suppression, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, madame Le Texier, constitue elle-même un moyen – ce n’est pas non plus le seul - de responsabiliser les parents.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.Le Président de la République a cité l’expérimentation menée dans l’académie de Créteil dénommée « la mallette des parents », qui vise à favoriser le dialogue entre l’école et les parents, notamment au moment de l’entrée en sixième.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ce dispositif va être étendu, car il a montré son efficacité. On a pu relever moins d’absences et une meilleure réussite scolaire des enfants.
Madame la secrétaire d’État, c’est l’avis du maire de Chantilly que vous donnez ! Créteil n’est pas Chantilly !
Mais la prévention peut ne pas être suffisante. Si nous voulons nous donner les moyens d’atteindre notre objectif politique, il faut pouvoir disposer d’outils de sanction qui donnent des résultats.
Quelle est la logique des allocations familiales ?
Les allocations familiales ne sont pas une récompense ! C’est un droit !
Ces allocations ont bien pour objet de permettre aux parents d’éduquer convenablement leurs enfants. La suspension de leur versement en cas de carence de l’autorité parentale n’est pas un dispositif nouveau.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Le Gouvernement a la volonté de faire en sorte que ce dispositif ne soit pas simplement un outil sur le papier, mais qu’il fonctionne.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi déposée par le député Éric Ciotti : en cas d’absentéisme avéré répété, l’inspecteur d’académie, après avoir épuisé les autres voies de dialogue, aura le pouvoir de demander directement au directeur de la caisse d’allocations familiales de suspendre le versement de ces allocations. Il s’agit bien d’une suspension. Dès que l’enfant retournera de façon régulière à l’école, les allocations, suspendues, seront reversées immédiatement à la famille.
Protestations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il ne s’agit pas de suspendre l’intégralité des allocations familiales versées à une famille nombreuse pour sanctionner le comportement d’un seul des enfants.
C’est la part des allocations correspondant à l’enfant absentéiste qui sera suspendue. Il y aura bien proportionnalité de la sanction.
Contrairement à ce que vous affirmez, nos objectifs et les mesures permettant de les atteindre sont équilibrés.
À chacun de jouer le jeu ! Aux élus aussi de prendre leurs responsabilités dans l’accompagnement lié à l’aide aux parents confrontés à des difficultés dans l’éducation de leurs enfants.
Mme Fadela Amara, secrétaire d'État. Je vous le dis, il vaut mieux s’occuper de ces gamins, ne pas hésiter à appliquer la bonne méthode, celle du care, pour qu’ils s’en sortent, au lieu de ne rien faire et de voir des centaines d’enfants des classes populaires devenir des délinquants.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. - Protestations vives et prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous pouvez vous en occuper sans pénaliser les familles ! Ce n’est pas l’avis de la secrétaire d’État aux banlieues, c’est celui du maire de Chantilly que vous donnez !
Mes chers collègues, sachons raison garder et faire preuve de respect les uns vis-à-vis des autres !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, la déplorable affaire dite de « Nantes » soulève bien des interrogations, voire de vives réactions, qui non seulement méritent d’être évoquées au sein de la Haute Assemblée, mais qui nous invitent à trouver ensemble - ensemble, mes chers collègues - des solutions, dont la nature il est vrai reste à définir !
En premier lieu, j’aborderai le port du niqab, qui devrait faire l’objet d’un projet de loi. Je souhaite obtenir des informations sur le contenu de ce texte et des précisions sur le calendrier de son examen.
En l’espèce, il est évident que la femme de M. Lies Hebbadj a choisi délibérément de placer cette affaire sur le plan politique en convoquant derechef une conférence de presse.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Il s’agit manifestement d’une provocation, bien orchestrée par son mari, qui, selon le président du Conseil français du culte musulman, M. Mohammed Moussaoui, « a multiplié les offenses à l’islam ». Il précise, en outre : « D’autres avancent une obligation religieuse : c’est mensonger. » Il estime que le Coran ne saurait l’exiger. Il ajoute que « ce vêtement ne permet pas à une femme d’avoir une vie sociale normale. Le porter, c’est s’exclure de la société. »
Par ailleurs, l’homme à l’origine de ce « fait divers », militant intégriste, se déclare fier d’être polygame, situation interdite par la loi française, ce qu’il n’ignore pas, ou bien encore d’avoir « seulement » quatre maîtresses !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ce fait m’amène à évoquer les aides et autres prestations sociales indument perçues, en quelque sorte, par les quatre « femmes » de M. Hebbadj pour leurs douze enfants au titre soit des allocations familiales, soit du revenu de solidarité active, soit d’allocations de solidarité. Il s’agit d’un détournement des aides sociales au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre face à ces dérives que la République française ne saurait tolérer ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Madame Gautier, le ministre de l’intérieur, qui effectue aujourd’hui une visite officielle en Afghanistan, m’a chargée de vous répondre.
Je ferai deux remarques.
La première est d’ordre général. Oui, vous avez raison, le port du voile intégral en France est une expression radicale et communautariste qui nie la dignité de la femme et bafoue les règles fondamentales du « vivre ensemble ».
C’est pourquoi le Gouvernement présentera un projet de loi tendant à interdire le port de ce voile, texte qui sera examiné à l’Assemblée nationale lors de la session extraordinaire du mois de juillet.
La seconde remarque porte sur ce que vous avez appelé « l’affaire de Nantes ».
La « bien curieuse affaire de Nantes », pourriez-vous dire, madame la ministre !
Le Gouvernement a la conviction que l’immense majorité des musulmans de France aspirent à vivre en paix au sein de la communauté nationale et désapprouvent les dérives radicales d’une petite minorité d’extrémistes qui ne respectent pas les lois de notre République.
Il est certain que quelques radicaux cherchent à utiliser le débat sur le voile intégral pour mettre à l’épreuve la République.
Tel a été le cas à Nantes, lorsqu’une femme portant le voile intégral a tenu une conférence de presse provocatrice, afin de critiquer les autorités. C’est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur, en liaison avec le Premier ministre, a tenu à saisir l’autorité judiciaire des suspicions graves et concordantes pesant sur un individu qui vivrait avec plusieurs femmes voilées, aurait douze enfants et détournerait le système d’aide sociale.
Madame Gautier, le dossier est suffisamment grave et étayé pour que le parquet ait décidé d’ouvrir une enquête confiée à la police judiciaire de Rennes et au GIR de Loire-Atlantique.
Vous l’avez compris, parce que la République respecte les droits des femmes, parce que la République refuse que des femmes soient emmurées, instrumentalisées, humiliées, …
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. … parce que la République défend la dignité des personnes, parce que la République refuse que des femmes et des enfants soient exploités et que les allocations financées par la solidarité nationale soient détournées par des fraudeurs, le Gouvernement ne cédera rien à ceux qui refusent d’appliquer les règles du « vivre ensemble ».
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, et à lui seul, mes chers collègues.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, …
… de l'identité nationale et du développement solidaire.
Le président de l’Union des Français de l’Étranger, l’Union des Français de Madrid viennent de me saisir d’un fait particulièrement grave, qui m’avait échappé.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
La FNAC de Nice a organisé un « marathon de la photo ». Elle a engagé cent cinquante équipes qui se sont disputé les trophées dans trois catégories, dont l’une était « le politiquement incorrect ». Dans cette troisième catégorie, la FNAC de Nice a primé une photo où l’on voit un homme se « torcher le cul » dans les plis du drapeau français !
M. Didier Boulaud. Et cela se passe chez Christian Estrosi ? Cette ville n’est pas tenue !
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Je veux bien croire que la direction générale de la FNAC à Paris n’était pas informée de cette opération. Elle a d’ailleurs publié un communiqué d’excuses et fait retirer la photo de la liste des lauréats.
Mais j’insiste, un jury de professionnels a choisi cette photo pour lui donner le premier prix de cette catégorie ; ils auraient eu un « coup de cœur » pour la photo de Frédéric Laurent.
Le journal gratuit Metro a révélé cette insulte et cette honte le vendredi 19 mars. Cela n’a cependant pas provoqué de bruits dans les médias, et les protestations officielles ont été tardives et peu entendues.
Les réactions des Français de l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter, …
Monsieur le ministre, oserais-je vous dire que je suis atterré ?
Que l’on siffle La Marseillaise dans des stades ou que l’on détourne ses paroles de façon ordurière dans des chansons, c’est inadmissible et scandaleux
Exclamations ironiques à gauche
Mais ce concours où l’on prime une photo d’un quidam qui a baissé son pantalon et qui se torche avec notre drapeau national, là, trop, c’est trop !
Le symbole de notre pays, lié à tant de souffrances et de morts, peut-il subir une telle outrance ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je vous demande, monsieur le ministre, ce que vous entendez faire pour que les auteurs de ces faits soient sévèrement punis, ainsi qu’ils le méritent.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur Cantegrit, comme vous, comme beaucoup de Français et comme, je l’imagine, tous les Républicains sur toutes ces travées, j’ai été choqué par cette photographie révélée dans le journal que vous avez cité.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
Il est aussi choquant qu’un jury ait considéré qu’il s’agissait d’une œuvre artistique. Toutes celles et tous ceux qui ont pu voir cette photo en conviendront.
C’est une insulte, un outrage à la mémoire de celles et ceux qui ont défendu ce drapeau, qui se sont battus sous ses couleurs et qui, pour certains d’entre eux, sont morts, morts pour les valeurs de la France et le drapeau de la République Française.
Cela a été perçu ainsi par beaucoup, en France et, au-delà, par les Français de l’étranger, par les étrangers eux-mêmes, mais aussi, bien évidemment, par les associations d’anciens combattants.
Monsieur le sénateur, vous posez à juste titre la question d’éventuelles sanctions. Dans beaucoup de pays étrangers, elles seraient automatiques et elles seraient lourdes.
M. Éric Besson, ministre. Avec ma collègue Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice, nous avons considéré ce qu’était notre droit. En l’état actuel, il est improbable que nous puissions sanctionner ce type d’outrage.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Cette photo est considérée par la jurisprudence comme une « œuvre de l’esprit ».
La question qui nous est posée est donc tout à la fois de préserver la liberté d’expression, de défendre la liberté artistique, qui peut supposer le droit à l’impertinence et à l’insolence – il ne s’agit pas de tenter de réguler la création artistique – mais aussi de sanctionner ce type d’outrage. Mme Michèle Alliot-Marie est très décidée à soumettre prochainement au Parlement un ajout législatif qui permettra de sanctionner les outrages de ce type.
Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.
M. Éric Besson, ministre. La République a besoin d’être défendue, elle a besoin d’une société de respect mutuel, ce qui suppose le respect dû au drapeau, à notre hymne, à nos valeurs.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Éric Besson, ministre. Je suis persuadé que cette position est partagée sur toutes les travées de cette assemblée.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
M. Jean-Louis Carrère. Je m’étonne qu’il ne nous ait pas proposé une table ronde !
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Depuis le terrible séisme qui a ravagé Haïti, de nombreux parents adoptifs, en possession d’un jugement d’homologation d’adoption, bien que rassurés sur la relative bonne santé de leurs jeunes enfants, sont cependant toujours dans le plus grand désarroi et attendent impatiemment que ceux-ci puissent enfin être autorisés à les rejoindre en France et échapper ainsi à l’insécurité qui règne dans ce malheureux pays.
Les jugements d’homologation d’adoption ont été rendus et signifiés, mais la procédure n’est pas terminée pour autant.
À partir de cas concrets de familles yvelinoises, je suis à même de suivre les espoirs suscités par l’annonce de l’accélération de certaines mesures, cependant vite déçus par de nouveaux retards dans la procédure.
Ainsi, le 7 avril, l’ambassade de France en Haïti a reçu une note du Premier ministre haïtien demandant que la France lui présente à signer une liste définitive des enfants en cours d’adoption par les familles françaises, autorisant ainsi l’émission accélérée des passeports de tous les enfants, au fur et à mesure du dépôt de leur dossier, avec jugement, à l’ambassade.
À la suite de cette information, le service de l’adoption internationale a donc sollicité les familles pour refaire la liste d’identification des parents et des enfants déjà adoptés, mais sans passeport autorisant la sortie du territoire. Les familles se sont prêtées de bonne grâce à cette nouvelle requête, heureuses de voir l’effort fait pour réduire les délais.
Il semble que cette liste établie, monsieur le ministre, soit parvenue au Quai d’Orsay le 21 ou le 22 avril dernier, pour que vous y apposiez votre signature, qui doit accompagner celle du Premier ministre haïtien, entérinant ainsi l’accord franco-haïtien qui permettra à tous les enfants dont le dossier avec jugement a été déposé à l’ambassade depuis le 8 mars 2010 d’acquérir le passeport qui leur est nécessaire pour quitter Haïti.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, en arriver à l’obligation du retour à la procédure normale. En effet, les délais impartis étaient de plusieurs mois et l’administration qui en donnait les autorisations ne fonctionne hélas plus depuis le séisme.
Il y a urgence. On commence de nouveau à parler de risques d’émeutes, de la saison des pluies et de son lot d’épidémies. Autant de menaces qui pèsent sur ces enfants, dont les parents adoptifs n’aspirent qu’à les mettre enfin en sécurité.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, me dire où en est la situation à ce jour et quels espoirs d’une résolution rapide vous pouvez donner aux familles concernées ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.- Mme Raymonde Le Texier et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Dupont, le droit est là, certes, pour être appliqué dans notre pays, mais il existe aussi un droit international destiné à protéger les enfants.
Je comprends votre ton : la situation est souvent dramatique pour les familles qui attendent les enfants. Mais la situation là-bas est encore plus dramatique pour les familles d’Haïti.
Il existe une liste de 69 noms. Je vous rappelle que 552 enfants ont été accueillis dans notre pays, dans des conditions assez exceptionnelles, parce que la situation, l’urgence et l’état des enfants l’exigeaient, de sorte que notre pays - les États-Unis ensuite - a accueilli le plus grand nombre de ces enfants.
À cette liste de 69 enfants s’ajoute une autre liste, d’environ 250 enfants, non officielle celle-là, parce que les Haïtiens n’ont pas donné leur autorisation. Nous ne pouvons pas, madame, forcer l’autorisation.
Les 69 enfants attendent leur passeport. Mais quel passeport, madame ? Le passeport haïtien. Or, vous le savez très bien, dans les conditions qui sont celles qui prévalent sur l’île – je l’espère, elles s’améliorent tous les jours, mais, pour le moment, ce sont des conditions de survie –, on peut comprendre que les passeports ne soient pas prêts. Il ne s’agit pas d’un frein mis par le Quai d’Orsay ni d’un combat entre une ambassade qui serait gentille et un quai d’Orsay qui serait méchant ! Désolé, mais ce n’est pas le cas du tout !
Pour le moment, nous attendons ces enfants et nous les accueillerons très vite ; les familles sont prévenues.
Il existe, pour ces enfants particuliers que sont les enfants haïtiens, un grand espoir, non seulement d’être accueillis dans des familles mais aussi de voir Haïti signer la convention de La Haye, qui réglemente l’adoption des enfants, non pas à leurs dépens mais à leur profit.
Et puis, madame, avec tout le respect que j’ai pour vous, pour tous ceux qui s’intéressent à ce problème et, surtout, pour les familles adoptantes, je me dois d’ajouter que, autour des enfants haïtiens, s’est développé tout un commerce difficile à supporter, et jusque dans les rues de Paris, où des personnes se promènent avec des catalogues, mesdames, messieurs les sénateurs...
Nous avons envoyé sur place une mission de psychiatres et de pédopsychiatres, accompagnés de représentants des familles. Ils ont vu 117 enfants dans des conditions très différentes, suivant ce que l’on appelle les orphelinats, dont ils étaient les hôtes, parfois les prisonniers, puisque tout cela rapporte de l’argent ! Sur ces 117 enfants, madame, il n’y avait pas un orphelin !
Il ne faut pas confondre les enfants qui sont adoptés et les enfants des pauvres, que l’on pourrait accueillir dans les pays plus riches.
Je tenais à vous apporter très respectueusement ces précisions, tout en vous assurant que nous essayons d’accélérer le plus possible l’accueil de ces enfants.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mesdames, messieurs les ministres, le Premier ministre a annoncé à demi-mot un plan de rigueur.
La question se pose d’autant plus : jusqu’où irez-vous dans l’injustice ?
L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale confirme ce que nous constatons tous au quotidien : l’écart des revenus se creuse, la pauvreté augmente, tandis que l’INSEE souligne l’enrichissement des plus hauts revenus.
Surtout, ce rapport met en évidence l’impact des diminutions d’impôts sur la hausse des inégalités. Il montre qu’une partie de cet écart résulte directement des cadeaux fiscaux accordés aux plus aisés.
L’échec patent de votre politique fiscale est d’autant plus frappant que vous avez admis devant la commission des finances de l’Assemblée nationale l’augmentation sensible des expatriés fiscaux.
L’inégalité de traitement est d’autant plus inacceptable que vous faites en réalité peser sur les plus fragiles, jusqu’aux accidentés du travail, 5 milliards de taxes nouvelles. Pour faire face à un déficit budgétaire de 149 milliards d’euros, vous entendez encore ajouter à l’injustice et à l’inefficience !
Vous accusez les collectivités territoriales de dépenses inconsidérées, dans la perspective de limiter leurs compétences et de réduire l’action publique. Le démenti est d’ailleurs sévère : « Simpliste et illusoire », vous répond M. Jamet.
Ce démenti vaut nécessairement pour la politique nationale de suppression de postes et de services publics.
À Bercy, on envisage maintenant de s’attaquer enfin aux niches fiscales après les avoir accordées en nombre ! Là encore, avec quelle envergure et quel projet ? Taxer les tickets restaurant et les chèques-vacances ?
Fin 2008, Mme Bachelot-Narquin s’opposait, dans le contexte d’alors, à « ce mauvais signal, qui risquerait de peser sur le pouvoir d’achat des salariés ».
Franchement, monsieur le ministre, le contexte s’est-il tellement amélioré, au point que les salariés le supporteraient aujourd’hui ?
Supprimerez-vous l’amendement Copé, cette disposition qui exonère les plus-values sur les ventes de filiales, ne crée pas d’emplois et coûte plus de 8 milliards d'euros par an au contribuable ?
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour cesser de creuser le sillon des inégalités dans notre pays ?
M. Yves Daudigny. … fêté par certains, et parce que la question sociale et le « vivre ensemble » demeurent le ciment d’un pays, permettez-moi de vous offrir un ouvrage qui est le symbole des utopies dans le département de l’Aisne.
L’orateur s’avance et offre un livre à M. le ministre. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le sénateur, je vous remercie pour cette documentation ; je serai très heureux de me rendre dans le département dont vous êtes l’élu.
J’ignore quel dictionnaire il faudrait consulter pour trouver le terme décrivant précisément ce que je viens d’entendre. Selon moi, le mot « démagogie » est sans doute ce qui se rapproche le plus de la bonne définition !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En effet, ce fut la totale : tout y est passé ! Vous avez développé tous les poncifs de A à Z, poursuivant le « travail de lessiveuse » organisé par le parti socialiste contre un dispositif qui, il est vrai, s’est stratifié au fil du temps, mais que je pourrais vous justifier point par point.
Je pourrais vous répondre, par exemple, que le modèle français est profondément redistributif, ne vous en déplaise !
Prenons l’exemple de l’impôt sur le revenu. Sur 36 millions de foyers fiscaux, un peu plus de 15 millions seulement acquittent l’impôt, 500 000 contribuables assumant à eux seuls plus de 40 % de l’effort total. Si ce n’est pas de la redistribution, je ne sais pas ce que c’est !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je pourrais également vous indiquer, monsieur le sénateur, que l’on prélève en moyenne 10 000 euros sur les 20 % de foyers les plus favorisés, c'est-à-dire ceux dont le revenu dépasse les 50 000 euros, pour les redistribuer aux 20 % de foyers les plus modestes, dont le revenu, qui devait être d’environ 7 000 euros, se trouve ainsi porté à plus de 10 000 euros.
Je pourrais égrener la liste des dispositifs que nous avons créés. Nous en aurions ainsi la démonstration : vous êtes dans la démagogie, nous sommes dans la logique !
Les écarts entre les riches et les pauvres se sont considérablement accrus !
Au milieu d’une crise puissante et violente, nous visons un juste équilibre entre la protection de la création de richesse et l’indispensable redistribution à ceux qui en ont le plus besoin ; la création du bouclier social, avec le RSA, offre un exemple supplémentaire de cette volonté.
J’en viens à la préparation de la loi de finances pour 2011 et au séminaire qui, animé par le Premier ministre, a réuni l’ensemble des ministres concernés. Monsieur le sénateur, la rigueur, ce serait l’augmentation des impôts. Or il n’y en aura pas !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. François Baroin, ministre. Notre taux de prélèvements obligatoires, exprimé en points de PIB, est l’un des plus élevés parmi les pays développés ; dans ces conditions, il n’est pas question une seule seconde d’augmenter les prélèvements obligatoires.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Dès lors, qu’allons-nous faire ? Nous allons faire en sorte que la situation française soit à ce point exemplaire que nous puissions être présents au rendez-vous que nous nous sommes fixé avec nos partenaires.
Cela signifie, il est vrai, …
… un effort de réduction des déficits de deux points l’année prochaine ; un total respect des engagements qui ont été pris dans le cadre de la loi de programmation triennale des finances publiques ; un effort sur les dépenses fiscales – et non pas sur les niches –, …
… à hauteur de 5 milliards d’euros au cours des deux années qui viennent ; des actions puissantes sur les trois sources de dépenses collectives que sont les dépenses de l’État, les dépenses sociales et les dépenses des collectivités locales.
Je pourrais aussi vous répondre, monsieur le sénateur, qu’il faut cesser de crier avant d’avoir mal.
Toutes les informations qui seront diffusées, ici ou là, dans les deux mois qui viennent, c'est-à-dire jusqu’à ce que le Premier ministre rende ses arbitrages et que le Président de la République fasse ses choix, seront autant de ballons d’essai, lancés pour alimenter certains débats.
Pour l’instant, aucune solution n’est privilégiée, aucune piste n’est favorisée.
M. François Baroin, ministre. Pour conclure, monsieur le sénateur, l’esprit de responsabilité qui nous anime est très éloigné de l’esprit de démagogie – ce mot m’a servi d’introduction, il sera également ma conclusion – qui a présidé à la rédaction de votre question. Mais je garde le livre !
Sourires et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue pour quelques instants.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010 ne débutera qu’à vingt et une heures trente.
La séance sera donc suspendue après l’examen, d’une part, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs, d’autre part, de trois projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales, pour lesquels la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
J’avais moi-même indiqué cet horaire en conférence des présidents et je vous remercie de le rappeler, monsieur le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me trouve dans une situation des plus confortables ! Grâce à une transmission de pensée particulièrement efficiente
Sourires.
À l’heure actuelle, l’accord avec les Seychelles conclu par l’Union européenne pour le transfert et le jugement des pirates est en vigueur. Le Kenya a en revanche dénoncé, en respectant les formes requises, l’accord conclu avec l’Union européenne, car ses capacités tant de jugement que de détention sont actuellement saturées.
Le Gouvernement français, par la voie d’un courrier adressé par M. Kouchner à Mme Ashton, a demandé que l’Union européenne intensifie ses contacts avec tous les pays riverains, afin de s’assurer de leur bonne coopération pour juger les pirates et de trouver les moyens appropriés de leur apporter une aide européenne à cette fin.
Les pays avec lesquels l’Union européenne envisage de conclure des accords pour transférer les pirates et les juger sont la Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Mozambique, l’Ouganda et l’île Maurice.
Ces mesures vont dans le sens de l’instauration d’un État de droit dans la région.
Je confirme que la France participe pleinement à la formation de policiers ou garde-côtes du gouvernement fédéral de transition en Somalie. La France, avec l’Espagne, a d’ailleurs été l’un des moteurs de cette initiative. Il faut citer ici l’opération EUTM Somalie, European Union Training Mission, lancée le 7 avril dernier. L’Union européenne y consacre 4, 9 millions d’euros, la contribution française s’élevant à 1 million d'euros.
Ces actions viennent donc poser les premiers jalons nécessaires pour apporter des réponses de fond au problème : aider la Somalie à se doter d’institutions publiques stables, afin de créer le cadre indispensable pour le développement économique de ce pays.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Dispositions modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer
Le titre Ier de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer est ainsi rétabli :
« Titre I er
« De la lutte contre la piraterie maritime
« Art. 1er . – I. – Le présent titre s’applique aux actes de piraterie au sens de la convention des Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, commis :
« 1° En haute mer ;
« 2° Dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État ;
« 3° Lorsque le droit international l’autorise, dans les eaux territoriales d’un État.
« II. – Lorsqu’elles constituent des actes de piraterie mentionnés au I, les infractions susceptibles d’être recherchées, constatées et poursuivies dans les conditions du présent titre, sont :
« 1° Les infractions définies aux articles 224-6 à 224-7 et 224-8-1 du code pénal et impliquant au moins deux navires ou un navire et un aéronef ;
« 2° Les infractions définies aux articles 224-1 à 224-5-2 ainsi qu’à l’article 224-8 du même code lorsqu’elles précèdent, accompagnent ou suivent les infractions mentionnées au 1° ;
« 3° Les infractions définies aux articles 450-1 et 450-5 du même code lorsqu’elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux 1° et 2°.
« Art. 2. – Lorsqu’il existe de sérieuses raisons de soupçonner qu’une ou plusieurs des infractions mentionnées au II de l’article 1er ont été commises, se commettent, se préparent à être commises à bord ou à l’encontre des navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense, les commandants des bâtiments de l’État et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, le titre II du livre V de la première partie du même code et la présente loi soit sous l’autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit sous l’autorité d’un commandement civil ou militaire désigné dans un cadre international.
« À l’égard des personnes à bord peuvent être mises en œuvre les mesures de coercition prévues par les dispositions du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du même code relatives au régime de rétention à bord.
« Art. 3. – À l’occasion de la visite du navire, les agents mentionnés à l’article 2 peuvent prendre ou faire prendre toute mesure conservatoire à l’égard des objets ou documents qui paraissent liés à la commission des infractions mentionnées au II de l’article 1er pour éviter qu’elles ne se produisent ou se renouvellent.
« Ils peuvent également ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés pour procéder le cas échéant à des constatations approfondies ou pour remettre les personnes appréhendées ainsi que les objets et documents ayant fait l’objet de mesures conservatoires.
« Art. 4. – Les officiers de police judiciaire et, lorsqu’ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les commandants des bâtiments de l’État, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, procèdent à la constatation des infractions mentionnées au II de l’article 1er, à la recherche et l’appréhension de leurs auteurs ou complices.
« Ils peuvent procéder à la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits sur autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République.
« Ils peuvent également procéder à la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions mentionnées au II de l’article 1er, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur.
« Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord sont régies par la section 3 du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense.
« Art. 5. – À défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle, les auteurs et complices des infractions mentionnées au II de l’article 1er et commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsqu’ils ont été appréhendés par les agents mentionnés à l’article 4.
« Art. 6. – La poursuite, l’instruction et le jugement des infractions mentionnées au présent titre relèvent de la compétence des juridictions suivantes :
« 1° Sur le territoire métropolitain, le tribunal de grande instance du siège de la préfecture maritime ou le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté ;
« 2° Dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, soit la juridiction de première instance compétente située au siège du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit celle dans le ressort de laquelle se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté ;
« 3° Toutes les juridictions compétentes en application du code de procédure pénale ou d’une loi spéciale, en particulier celles mentionnées à l’article 706-75 du code de procédure pénale.
« Ces juridictions sont également compétentes pour les infractions connexes à celles mentionnées au présent titre. »
L'amendement n° 2, présenté par MM. Boulaud et Carrère, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Badinter, Bel, Berthou, Besson, Boutant, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 20
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, la remise aux autorités d'un autre État est interdite :
« 1° Lorsque le fait est puni par la législation de cet État d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français ;
« 2° Lorsque la personne serait jugée dans cet État par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.
La parole est à M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous tous, je me suis réjoui de constater les progrès réalisés dans la lutte contre la piraterie internationale, fléau que l’on pensait éradiqué et qui pourtant réapparaît.
La curiosité m’a poussé à examiner d’un peu plus près que cela n’avait été fait jusqu’à présent les conditions dans lesquelles s’exerçait la répression par les États membres de l’Union européenne, et particulièrement la France, et à vérifier si les principes du droit étaient respectés. Et je dirai à la Haute Assemblée que, de ce périple, je suis revenu quelque peu surpris.
Cet amendement vise donc à rappeler que l’abolition de la peine de mort et le respect des droits fondamentaux doivent s’imposer comme deux conditions dans ce qui constitue traditionnellement le droit de l’extradition ou le droit qui régit le fait de confier des justiciables à un autre État pour qu’il les juge. Ce sont des principes sur lesquels je n’ai pas besoin d’insister.
Quelle est très précisément la situation à l’heure actuelle ?
Lorsque des pirates sont arrêtés, l’Union européenne, ou la France directement par des accords bilatéraux qu’elle a conclus, confie à des États tiers le soin de les juger. Ces États, nous les connaissons, ils ont été mentionnés.
Il s’agit au premier chef du Kenya, avec lequel l’Union européenne a signé un accord prévoyant expressément que cet État ne recourra pas à la peine de mort ; je rappelle que la justice kenyane et les conditions de la stabilité politique de ce pays sont loin d’être tout à fait celles d’un État de droit modèle.
Il s’agit également des Seychelles, où la situation est plus satisfaisante.
En l’espèce, la France remet directement aux autorités somaliennes des pirates qu’elle a arrêtés pour qu’ils soient jugés.
À cet égard, j’ai cherché à obtenir des précisions, et je vous les livre. Les services du Quai d’Orsay m’ont d’ailleurs fort courtoisement confirmé l’authenticité de celles que j’ai obtenues notamment sur le site intitulé Bruxelles 2 – l’Europe de la défense et de la sécurité.
C’est plus précisément aux autorités du Puntland, région autonome de Somalie, que la France remet ces pirates.
Mais je lis le texte :
« Finalement, les trente-cinq pirates arrêtés par la frégate française Nivôse, en plusieurs fois, [...] le premier week-end de mars, devraient tous être remis à des autorités judiciaires. Vingt-quatre ont ainsi été remis aux autorités du Puntland [...], le 13 mars... Quant aux onze autres, ils devraient être rapatriés par avion, à partir de Djibouti aux Seychelles […] l’Union européenne ayant signé un accord avec les autorités djiboutiennes permettant l’utilisation des installations nationales pour le transfert vers d’autres pays. »
On lit encore dans le même document que le Puntland est « la destination favorite de la France » et que l’Union européenne « n’a pas d’accord de transfert avec la Somalie ou le Puntland » et qu’elle s’y refuse pour l’instant, « à la fois pour des raisons juridiques et politiques. » En effet, « il n’y a pas d’État de droit somalien qui réponde aux standards internationaux et l’Union européenne ne veut pas accréditer l’existence des entités autonomes... Mais, pour la France, il s’agit que chaque suspect arrêté [soit] transféré à une autorité judiciaire. »
Donc, en pratique, nous livrons aux autorités du Puntland – autorités que l’Union européenne ne veut pas connaître –, des personnes que la marine nationale a à juste titre arrêtées, mais qui seront jugées dans des conditions absolument indifférentes aux principes de l’État de droit.
Je n’ai pas besoin de rappeler que la Somalie s’illustre de manière particulièrement cruelle par ses pratiques, notamment le recours à la peine de mort et un mépris absolu des standards internationaux concernant l’État de droit. Je vous renvoie sur ce sujet aux rapports annuels d’Amnesty International.
Ainsi, quand nous demandons, par le biais de cet amendement, que soit inscrit dans la loi française que nous ne remettrons pas d’individus, somaliens ou non, suspectés de piraterie à des États pratiquant la peine de mort, je ne comprends pas– ou je le comprends trop bien - pourquoi le Gouvernement le refuse et se dérobe !
Non que ces autorités de fait ne prendraient pas des engagements presque contractuels, au coup par coup, mais parce que nous avons des principes et que nous devrions nous y tenir.
La piraterie a toujours fait l’objet de définitions internationales et a toujours été poursuivie et jugée selon des normes internationales. Or voilà que, maintenant, nous avons inventé une solution commode : des États assurent, pour notre compte, la détention, la répression, la condamnation et l’exécution de la condamnation.
Je me tourne vers le Gouvernement pour l’interroger sur de telles pratiques.
Monsieur le ministre, au nom de quoi, en vertu de quoi sous-traitons-nous ainsi à un État ce qui constitue pour nous une obligation internationale de première grandeur, obligation qui nous impose de nous assurer que les auteurs présumés d’actes de piraterie sont détenus, jugés et, nous l’espérons, condamnés selon les règles et les principes qui sont les nôtres en veillant à ce que la condamnation soit exécutée selon ces mêmes règles et ces mêmes principes ?
Nous ne demandons rien d’autre par cet amendement, et j’avoue comprendre maintenant les véritables motifs de l’opposition du Gouvernement : celui-ci, en acceptant notre proposition, se mettrait en porte-à-faux avec une pratique, la remise des auteurs présumés d’actes de piraterie au Puntland, que le Quai d’Orsay m’a très loyalement confirmée. L’essentiel est de se débarrasser de ces individus, même si la juridiction du Puntland ne répond pas très exactement aux standards du Tribunal pénal international de La Haye…
Chacun comprendra donc la surprise que nous avons pu éprouver devant une telle situation, et nous espérons que le Gouvernement va nous annoncer à présent qu’il entend y mettre fin et se contenter d’appliquer les accords passés au travers de l’Union européenne avec d’autres autorités, en renonçant à livrer à la Somalie quelque personne poursuivie que ce soit.
Je terminerai en donnant lecture du communiqué suivant, émanant d’Amnesty International, qui suffira à éclairer le Sénat sur la qualité de la justice dans cette région :
« Aisha Ibrahim Duhulow, âgée de treize ans, a été lapidée en public le 27 octobre […]. Après avoir déclaré aux autorités locales qu’elle avait été violée par trois hommes, elle avait été reconnue coupable d’ “adultère” par un tribunal de la charia, sans bénéficier d’une assistance juridique. »
Par ailleurs, ce même document indique que « les autorités du Puntland ont annoncé leur intention d’appliquer la peine de mort aux auteurs d’actes de piraterie ».
La commission partage le souci des auteurs de l’amendement. La France ne saurait remettre une personne soupçonnée d’actes de piraterie à un État qui pratique la peine de mort. C’est pourquoi nous avions fait une différence entre la Somalie, qui applique la charia, et le Puntland, où la peine de mort n’existait pas jusqu’à présent. Il faudra vérifier si la peine de mort est désormais appliquée au Puntland. Si tel était le cas, cela nous empêcherait d’y remettre de présumés pirates.
Par ailleurs, si les conditions d’emprisonnement au Puntland ne relèvent certes pas d’un hébergement en hôtel « trois étoiles », monsieur Badinter, il faut bien que nous remettions les pirates à un pays de la zone. Ne pouvant tous les amener en France, nous avons retenu pour leur remise un certain nombre d’États présentant des garanties en matière de justice, et en tout cas n’appliquant pas la peine de mort.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement, à l’instar de la commission, comprend tout à fait les préoccupations exprimées par les auteurs de cet amendement.
Je rappellerai simplement que la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ratifiées par la France, ont introduit les obligations auxquelles il a été fait référence dans l’ordre juridique national.
Je précise en outre à l’intention de M. Badinter que ni la France ni l’Union européenne n’ont conclu d’accord global avec le Puntland : les situations sont examinées au cas par cas. Lors des remises de pirates, la France a toujours procédé par échanges de notes verbales avec le gouvernement fédéral de transition somalien afin de s’assurer que la peine de mort ne serait ni prononcée ni exécutée à l’encontre des intéressés et qu’aucun traitement contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne leur serait infligé.
Les statistiques en ma possession font ainsi apparaître que 83 présumés pirates appréhendés par notre pays ont été remis aux autorités judiciaires du Puntland au titre des années 2008, 2009 et 2010, sur la base d’une déclaration unilatérale de celles-ci garantissant la non-application de la peine de mort. Les peines prononcées à l’encontre de ces personnes vont de cinq ans à quinze ans d’emprisonnement.
Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Dans l’intitulé de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 précitée, après le mot : « relative », sont insérés les mots : « à la lutte contre la piraterie et ». –
Adopté.
Les articles 12 et 19 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 précitée sont ainsi modifiés :
1° Au premier alinéa, le mot : «, outre » est supprimé.
2° Les deux derniers alinéas sont supprimés. –
Adopté.
Chapitre II
Dispositions modifiant le code pénal et le code de procédure pénale
Après l’article 224-6 du code pénal, il est inséré un article 224-6-1 ainsi rédigé :
« Art. 224-6-1. – Lorsque l’infraction prévue à l’article 224-6 est commise en bande organisée, la peine est portée à trente ans de réclusion criminelle.
« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 sont applicables à cette infraction. » –
Adopté.
L’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les 15° et 16° sont complétés par les mots : « et 17° » ;
2° Après le 16°, il est inséré un 17° ainsi rédigé :
« 17° Crime de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l’article 224-6-1 du code pénal. » –
Adopté.
Chapitre III
Dispositions modifiant le code de la défense
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 1521-1 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après les mots : « navires étrangers », sont insérés les mots : « et aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité, » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Aux navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention. » ;
2° Le chapitre unique du titre II du livre V de la première partie est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires
« Art. L. 1521-11. – À compter de l’embarquement de l’équipe de visite prévue à l’article L. 1521-4 sur le navire contrôlé, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées à l’encontre des personnes à bord en vue d’assurer leur maintien à disposition, la préservation du navire et de sa cargaison ainsi que la sécurité des personnes.
« Art. L. 1521-12. – Lorsque des mesures de restriction ou de privation de liberté doivent être mises en œuvre, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 en avisent le préfet maritime ou, outre-mer, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, qui en informe dans les plus brefs délais le procureur de la République territorialement compétent.
« Art. L. 1521-13. – Chaque personne à bord faisant l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté bénéficie d’un examen de santé par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la mise en œuvre de celle-ci. Un examen médical intervient au plus tard à l’expiration d’un délai de dix jours à compter du premier examen de santé effectué.
« Un compte-rendu de l’exécution de ces examens se prononçant, notamment, sur l’aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de liberté est transmis dans les plus brefs délais au procureur de la République.
« Art. L. 1521-14. – Avant l’expiration du délai de quarante-huit heures à compter de la mise en œuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 et à la demande des agents mentionnés à l’article L. 1521-2, le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République statue sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent.
« Ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme le temps nécessaire pour que les personnes en faisant l’objet soient remises à l’autorité compétente.
« Art. L. 1521-15. – Pour l’application de l’article L. 1521-14, le juge des libertés et de la détention peut solliciter du procureur de la République tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l’état de santé de la personne qui fait l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté.
« Il peut ordonner un nouvel examen de santé.
« Sauf impossibilité technique, le juge des libertés et de la détention communique s’il le juge utile avec la personne faisant l’objet des mesures de restriction ou de privation de liberté.
« Art. L. 1521-16. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours. Copie de cette ordonnance est transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou, outre-mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu’elle comprend. »
« Art. L. 1521-17. (nouveau) – Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires peuvent être poursuivies, le temps strictement nécessaire, au sol ou à bord d’un aéronef, sous l’autorité des agents de l’État en charge du transfert, sous le contrôle de l’autorité judiciaire tel que défini par la présente section. »
« Art. L. 1521-18. (nouveau) – Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. »
L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Boulaud et Carrère, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Badinter, Bel, Berthou, Besson, Boutant, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
sans dépasser un délai maximal de trente deux jours
La parole est à M. Didier Boulaud.
Il convient de prévoir un délai maximal pour la rétention à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer, qui soit de nature à concilier les fortes contraintes opérationnelles de l’action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles, tel que contrôlé, notamment, par la Cour européenne des droits de l’homme.
À cet égard, un délai maximal de trente-deux jours semble tout à fait raisonnable. En effet, la loi fixe un délai maximal de trente-deux jours en matière de rétention des étrangers en situation irrégulière sur notre sol. Par ailleurs, la Belgique a adopté, le 30 décembre 2009, une loi sur la lutte contre la piraterie qui instaure également un délai maximal d’un mois pour la rétention à bord.
Cet amendement vise donc à introduire un délai maximal de trente-deux jours pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de la répression de la piraterie.
Je sais qu’il est difficile, étant donné ce qui nous a été dit en commission s’agissant des conditions dans lesquelles se déroulent ces opérations maritimes, de prévoir des délais pour qu’un navire rejoigne le territoire français, mais il l’est tout autant, eu égard au contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l’homme, de ne pas établir un délai maximal.
D’ailleurs, dans son infinie sagesse, M. le rapporteur a fait adopter par la commission un amendement visant à prendre en compte le transfert des suspects par voie aérienne plutôt que par voie maritime et à prévoir, dans ce cas, l’application du régime de rétention à bord des aéronefs.
Ainsi, au cas où les circonstances ne permettraient pas la poursuite du transfert par la voie maritime, trop lente et aléatoire, le recours à la voie aérienne pourrait être une solution compatible avec le respect du délai imparti par la loi.
Aucun délai maximal n’est en effet prévu s’agissant des mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires.
Cela étant, le juge des libertés et de la détention statuera tous les cinq jours sur une prolongation éventuelle de la rétention sur le navire pour une durée maximale de cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent.
Une telle disposition nous paraît préférable à celle qui est proposée par les auteurs de l’amendement. En effet, en cas de dépassement du délai maximal, les présumés pirates devraient être immédiatement libérés, sans autre forme de procès. Il nous paraît plus facile et plus cohérent d’instaurer un délai de cinq jours renouvelable.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
En présentant son amendement, M. Boulaud a dit lui-même qu’il s’était inspiré, pour sa rédaction, de la loi belge du 30 décembre 2009 sur la piraterie, qui fixe à un mois le délai de validité du mandat d’arrêt provisoire délivré par le juge d’instruction.
Le projet de loi nous paraît plus complet, car il prévoit un contrôle par les autorités judiciaires dans un premier délai de quarante-huit heures, je le précise, puis tous les cinq jours, ce que ne prévoit pas, à ma connaissance, la loi belge.
Nous estimons donc que notre texte laisse au magistrat une plus grande liberté. Il lui confie la mission de veiller à ce que la durée de la rétention ne soit pas excessive.
En outre, ce dispositif est tout à fait conforme à l’arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
C’est en effet à la suite de l’arrêt Medvedyev condamnant la France que l’on s’est penché sur la condition singulière de ceux qui se trouvent détenus sur un bateau – disons les choses simplement ! – parce qu’ils sont suspectés d’actes de piraterie, sans être encore, bien entendu, mis en examen.
On s’est aperçu qu’existait sur ce point un vide juridique complet, que nous sommes amenés aujourd’hui à combler. Le dispositif proposé représente un progrès certain : il offre les garanties de la garde à vue selon le régime actuel, s’agissant de l’intervention du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention, qui se prononcera tous les cinq jours.
Cependant, on relève une singulière omission, qui nous vaudra certainement, j’en suis convaincu, une nouvelle condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme : celle de la possibilité, pour la personne retenue, d’être conseillée par un avocat, lequel est complètement absent de cette procédure.
On nous objecte qu’il est impensable d’aller quérir un avocat par avion ou par hélicoptère pour l’amener sur le bateau. L’argument est admirable ! Que je sache, ni le juge des libertés et de la détention ni le procureur ne seront présents à bord… Les moyens actuels de communication permettent aux navires de guerre d’être en liaison constante avec les préfectures maritimes, sises dans des villes où l’on trouve des avocats.
Par conséquent, comme en matière de garde à vue, il devrait y avoir d’emblée notification à la personne retenue sur un bateau de son droit à consulter un avocat, par l’entremise en l’occurrence des moyens de transmission du bord.
J’avoue ne pas comprendre pourquoi ce point a été omis. Peut-être l’inconscient national fait-il que les droits de la défense soient la dernière chose à laquelle on songe habituellement…
Je crois qu’il vaudrait mieux se pencher à nouveau sur cette question, sauf à s’exposer immanquablement à un recours pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou à la question préjudicielle de constitutionnalité, aujourd’hui inscrite dans notre Constitution.
Je veux simplement rappeler que, sur le navire, il ne s’agit pas de garde à vue, car la phase judiciaire n’est pas commencée. Elle ne commencera que lorsque le supposé pirate posera le pied sur le sol français.
En l’occurrence, nous en sommes à un stade analogue à celui où un individu, pris en flagrant délit devant la bijouterie qu’il vient de cambrioler, est emmené dans une voiture de police vers le lieu où il sera retenu ; il ne s’agit donc pas d’une phase judiciaire. C’est la raison pour laquelle l’intervention d’un avocat n’est pas encore prévue.
Je souhaite simplement ajouter que la présence d’un avocat n’est pas exigée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille, de nationalité française, a été victime d'actes de piraterie maritime, peuvent se voir reconnaître la qualité de pupille de la Nation dans les conditions fixées au Titre IV du Livre III du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Les présentes dispositions bénéficient aux victimes d'actes de piraterie maritime commis depuis le 10 novembre 2008.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre ...
Dispositions relatives aux enfants des victimes d'actes de piraterie maritime
La parole est à M. le ministre.
Les opérations de piraterie maritime, qui sont des crimes selon la convention de Montego Bay et le droit maritime, peuvent occasionner des morts ; l’actualité nous le démontre. C’est pourquoi le Gouvernement veut inscrire les actes de piraterie dans la liste des faits susceptibles d’ouvrir un droit à la qualité de pupille de la Nation.
Cette disposition est actuellement réservée aux enfants de militaires dont le père ou la mère a été tué à l’ennemi ou sur un des théâtres des opérations extérieures, ou aux enfants victimes de la guerre.
La qualité de pupille de la Nation a également été ouverte aux enfants de personnes victimes d’actes de terrorisme et aux enfants de personnels de l’État – magistrats, fonctionnaires de police, etc. – décédés des suites d’une blessure ou d’une maladie contractée ou aggravée du fait d’un acte d’agression survenu au cours d’une mission de sécurité publique ou d’une action visant à réprimer une infraction.
Le Gouvernement entend donc, par cet amendement dont il souhaite ardemment l’adoption, étendre le bénéfice de la qualité de pupille de la Nation aux enfants dont le parent est victime d'actes de piraterie maritime. Cela constitue, de notre point de vue, la prolongation naturelle de la liste actuelle.
Comme l’a indiqué M. le ministre, il s’agit d’étendre le bénéfice de la qualité de pupille de la Nation, qui avait déjà été élargi en 1990 aux enfants de victimes d’actes de terrorisme et en 1993 aux enfants de magistrats, de policiers ou de gendarmes décédés lors d’un acte d’agression.
La commission a émis un avis favorable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement, qui vise donc à étendre aux enfants de victimes de la piraterie maritime le statut de pupille de la Nation, fait suite à la mort d’un de nos compatriotes, tué au cours de la fusillade consécutive à l’assaut donné par les troupes de marine à un navire détourné par des pirates, le Tanit.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’incline devant la douleur de la famille du défunt.
Mais je voudrais également, à cet instant, rendre hommage aux fusiliers et commandos marins, comme l’a fait ce matin M. André Trillard. Les premiers affectés et attristés par cette mort ont été ceux qui, bien involontairement, l’ont donnée. Ils exposent eux aussi leur vie, quelquefois parce que des imprudences ont été commises. Il convient de considérer ces militaires non pas comme les auteurs d’une « bavure », mais comme des hommes qui, malheureusement, au cours d’un épisode dramatique, ont été contraints d’agir comme ils l’ont fait.
Je voudrais en outre souligner que, en une autre occasion, l’amiral Gillier et son chef d’état-major se sont fait parachuter en mer pour conduire personnellement des opérations de reprise d’un navire. Cela montre que le commandement au plus haut niveau s’implique dans des interventions de cette nature.
Enfin, je voudrais faire justice de certaines assertions selon lesquelles le ministre aurait sciemment dissimulé la vérité au sujet de l’opération du Tanit. Je peux attester qu’il n’en est rien. La victime étant originaire de mon département, j’ai moi-même interrogé le ministre sur les conditions dans lesquelles le drame avait eu lieu. La famille a été informée dès le départ. Néanmoins, une action judiciaire ayant été engagée, il est évident que le ministre devait faire preuve de la plus grande discrétion dans les commentaires qu’il pouvait faire sur cet événement.
Il apparaît donc que, dans cette affaire, si l’on ne peut que déplorer ce qui s’est produit, chacun a agi conformément à son devoir, au règlement militaire ou à l’éthique ministérielle.
Pensons à la victime et formons des vœux pour que le nouveau pupille de la Nation connaisse une vie heureuse.
Applaudissements
Je voterai bien entendu pour cet amendement, mais je souhaiterais ouvrir une réflexion sur la catégorisation des pupilles de la Nation, qu’il conviendrait à mon sens de moderniser. En effet, il me semble que l’on ne peut laisser subsister des catégories telles que « mort par hasard en croisant la route des combats » ou « mort du père non définie ».
Les membres du groupe socialiste s’associent à l’hommage qui vient d’être rendu par M. le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la victime et à sa famille, ainsi qu’aux commandos fusiliers marins, dont nous avons d’ailleurs visité la base de Lorient voilà maintenant quelques mois.
Nous saluons à notre tour le mérite de ces troupes d’élite, présentes également dans l’armée de terre et dans l’armée de l’air. Au cours des opérations difficiles qui sont menées tant contre la piraterie qu’en Afghanistan, en particulier, ces troupes font preuve d’un courage qui méritait d’être mis en exergue.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
Chapitre IV
Dispositions finales
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
L’époque des corsaires est certes révolue, mais malheureusement, la piraterie revient.
C’est bien ce que je voulais dire, monsieur le président de la commission !
La vocation première de ce texte est de donner à notre pays les moyens juridiques et réglementaires de poursuivre son combat contre le fléau de la piraterie maritime, qui connaît une recrudescence très inquiétante.
Il s’agit également d’adapter le droit interne français pour qu’il soit possible de réprimer et de juger les actes de piraterie et leurs auteurs sans encourir de condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
L’adoption de ce projet de loi sera donc un signal envoyé tant à nos partenaires européens, auprès desquels nous sommes engagés au large du golfe d’Aden en particulier, qu’aux pirates eux-mêmes.
Ce texte constitue le nécessaire pendant juridique des opérations militaires destinées à assurer la sécurité de milliers de navires. Il s’inspire de la convention de Montego Bay et de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer.
Nous nous félicitons, en particulier, de l’adoption des dispositions relatives au régime de rétention des suspects. Il s’agit de concilier la prise en compte des contraintes opérationnelles et le respect des libertés individuelles.
Dès lors, ce projet de loi constitue une étape importante dans la lutte contre la piraterie. C’est pourquoi le groupe UMP le votera sans aucune réticence, son adoption répondant à une nécessité absolue.
Nous aurions aimé pouvoir voter ce projet de loi, mais nous en sommes empêchés par les tergiversations gouvernementales sur la réforme de la procédure pénale, dont on ne sait pas si elle sera votée un jour ou abandonnée, …
… et par nos interrogations sur la place qu’occupera le procureur dans la procédure ou sur le sort qui sera réservé aux pirates.
Le flou est tel qu’il nous est impossible de faire confiance au Gouvernement, d’autant que Mme la garde des sceaux a fait dans cet hémicycle trop de promesses qu’elle n’a pas tenues. En particulier, alors qu’elle occupait d’autres fonctions, elle nous avait juré que jamais la gendarmerie ne serait fusionnée avec la police…
Tout cela amène le groupe socialiste à s’abstenir.
Nous, au moins, nous ne nous contredisons pas en vingt-quatre heures, monsieur Cambon !
Le groupe centriste unanime votera ce texte, qui répond à une nécessité juridique.
J’ai été sensible aux remarques de M. Badinter sur les risques d’application de la peine de mort aux pirates, auxquelles M. le ministre a toutefois apporté une réponse juridique.
Monsieur le ministre, j’ai esquissé ce matin l’historique du phénomène de la piraterie, en affirmant qu’il découlait d’un désordre provoqué par les grandes puissances européennes et mondiales. Il nous faut maintenant remédier aux conséquences de ce désordre par la force, au travers notamment du présent texte, mais il me paraît cependant également nécessaire de s’interroger sur ses causes. J’aimerais avoir une réponse sur ce sujet important.
Je voudrais répondre à M. Boulaud et remercier M. Carrère de m’avoir fourni un argument majeur en affirmant que, dans son camp, on ne se contredit pas en vingt-quatre heures.
En effet, M. Boulaud nous assurait hier que le groupe socialiste voterait ce texte au motif qu’il est important que notre pays se dote d’une législation spécifique sur la piraterie. Je constate donc que, en l’espace de vingt-quatre heures, les choses ont changé…
Mais après tout, cela peut arriver ! Quoi qu’il en soit, M. Boulaud se trompe quand il prétend que le Gouvernement tergiverse au sujet de la réforme de la justice. Il n’en est rien ! S’agissant d’une réforme d’une telle ampleur, il convient, me semble-t-il, de prendre le temps de mener les concertations nécessaires et de ne pas confondre vitesse et précipitation, car vous ne manqueriez pas de nous le reprocher.
Mais de toute façon, quoi que nous fassions, rien ne trouve grâce à vos yeux ! À l’Assemblée nationale comme au Sénat, vous vous bornez à une critique systématique de nos propositions, afin de dissimuler la totale vacuité des vôtres, en tous domaines !
M. Henri de Raincourt, ministre. Eh bien tenez-vous-en à cette posture ! Pendant ce temps, nous travaillons, au service de la France !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs (projet n° 500 (2007-2008), texte de la commission n° 316 et rapport n° 315).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation s’inscrit dans le cadre d’une longue coopération avec les autorités roumaines sur la protection de l’enfance.
Cet accord vise, en effet, à poursuivre la coopération entreprise dans le cadre de l’accord du 4 octobre 2002 en vue de la protection des mineurs roumains en difficulté sur le territoire de la République française et de leur retour dans leur pays d’origine. Il est également destiné à lutter contre les réseaux d’exploitation liés au crime organisé.
En 2001, j’avais eu l’occasion d’accompagner, en qualité de parlementaire, le Premier ministre de l’époque et plusieurs membres de son gouvernement dans les négociations préparatoires à l’accord de 2002. Par ailleurs, ayant longtemps été maire d’une ville jumelée avec une ville de Roumanie, je suis très sensible à ces questions et fortement engagé dans le soutien à l’action en faveur de ces jeunes en grande déshérence, y compris dans leur propre pays.
Le premier accord franco-roumain avait été signé pour une durée de trois ans par les Premiers ministres de France et de Roumanie en 2002. Entré en vigueur le 1er février 2003, il prévoyait une coopération bilatérale interministérielle, par le biais principalement d’un groupe de liaison opérationnelle, ou GLO, comprenant des professionnels de terrain des institutions judiciaires, policières et de protection de l’enfance des deux pays afin de favoriser la mise en place d’outils pratiques de coopération opérationnelle.
D’emblée, le GLO a associé à ses travaux des organisations non gouvernementales qui, dès la chute du régime de Ceausescu, s’étaient impliquées dans l’action en faveur de jeunes, orphelins ou non, qui vivaient dans les pires conditions. J’ai eu l’occasion de rencontrer à l’époque des représentants de ces ONG, tant en France qu’en Roumanie.
Le bilan de la mise en œuvre de cet accord, avec plus de 300 demandes d’enquête sociale et 500 demandes d’identification de mineurs satisfaites par les autorités roumaines, a été jugé positif par les deux parties.
Il faut également souligner que le travail accompli par le GLO a permis d’aider la Roumanie à réformer profondément son système de protection de l’enfance, notamment grâce à un plan d’action contre les trafics d’enfants et en faveur des victimes, à un programme de prévention des départs et à la création d’un réseau de onze centres d’accueil pour mineurs isolés en Roumanie.
Les travaux du GLO ont dû être interrompus fin 2006, du fait de la caducité de l’accord de 2002. Il était donc nécessaire de conclure un nouvel accord, qui fut signé le 1er février 2007. Les deux parties ont, par ailleurs, décidé de reconduire le premier accord sur des bases améliorées.
Le nouvel accord est, par conséquent, l’aboutissement de cinq années d’une coopération que les deux parties souhaitent renforcer du point de vue juridique et opérationnel. Il a été négocié sur la base des recommandations pratiques du GLO, dont la présidence a été attribuée au ministère de la justice.
L’accord qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation vise donc deux objectifs : d’une part, l’amélioration de la protection des mineurs roumains exposés à des risques d’abus ou d’exploitation, au besoin par leur rapatriement et leur réintégration en Roumanie dans le contexte amélioré et encore améliorable que j’évoquais à l’instant ; d’autre part, le renforcement de la coopération judiciaire en matière de lutte contre la délinquance itinérante et les réseaux d’exploitation de mineurs.
Tout d’abord, les nouvelles dispositions de l’accord permettront d’améliorer l’identification des mineurs roumains isolés sur le territoire français, qu’ils soient victimes ou auteurs d’infractions pénales, et de mieux assurer leur protection et leur réintégration en Roumanie par un échange d’informations sur leur état civil et un suivi de leur réintégration sociale après leur retour. Je souligne que 40 % des 6 000 mineurs étrangers isolés vivant en France sont roumains.
Nous avons prévu, à l’article 1er, l’échange d’informations entre autorités roumaines et françaises sur la situation des mineurs roumains isolés et sur les réseaux les exploitant, ce qui doit permettre de mieux prévenir les risques d’exploitation ou de représailles contre les mineurs ainsi remis à leurs parents en Roumanie. Ces réseaux, dont je connais bien les pratiques, sont désormais présents dans de nombreuses villes françaises. Il s’agit de clans mafieux, extrêmement durs, dont l’activité s’exerce à la fois sur notre territoire et en Roumanie. Des reportages télévisés ont montré comment ils s’enrichissent de manière scandaleuse, en recourant à tous les moyens. La question des représailles contre les mineurs remis à leurs parents n’est donc pas purement théorique !
Nous avons également souhaité définir un cadre précis de procédure à suivre pour assurer l’effectivité de la prise en charge des mineurs roumains isolés à leur retour : saisine de la justice roumaine par le parquet des mineurs ou le juge des enfants pour réalisation d’une enquête sociale ; demande, le cas échéant, par la justice roumaine du rapatriement du mineur, suivie d’une décision de rapatriement prise par le juge des enfants ou le parquet des mineurs si la procédure dure moins de huit jours.
Dans la très grande majorité des cas, au vu des délais nécessaires à l’enquête sociale, la décision finale reviendra, dans la pratique, au juge des enfants. Je peux indiquer que, contrairement à certaines craintes exprimées, le parquet interviendra seulement dans les situations d’urgence avérée, lorsque, par exemple, il sera mis un terme à la fugue d’un mineur dont le juge des enfants avait effectivement préparé et concerté le retour dans son pays.
Par ailleurs, des instructions seront données aux procureurs pour préciser les modalités de leur intervention. Qu’ils soient du siège ou du parquet, les magistrats sont à la fois des professionnels du droit et des êtres humains sensibles aux situations auxquelles ils sont confrontés. Il n’est pas douteux qu’ils sauront concilier le respect de la loi et l’exigence d’humanité.
Dans ces situations, il va de soi que le magistrat du parquet pourra mettre en œuvre le retour du jeune sans nouvelle saisine du juge des enfants. C’est bien l’intérêt supérieur de l’enfant qui est alors en jeu. Tant le juge des enfants que, le cas échéant, le procureur sauront l’apprécier. Dans ce cadre très précis, nous sommes loin des débats généraux, tout à fait justifiés par ailleurs, sur le rôle du parquet.
Le Gouvernement estime qu’il est aujourd’hui urgent d’approuver cet accord, signé il y a plus de trois ans, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’interruption des travaux du GLO depuis 2006 limite fortement la coopération franco-roumaine dans le domaine de la protection de l’enfance, au détriment de cette dernière.
En outre, il s’agit d’une demande constante des autorités roumaines, la Roumanie ayant elle-même approuvé cet accord au mois d’octobre 2007.
L’enjeu, pour nos partenaires, est d’achever leur intégration au sein de l’Union européenne et de mettre leur système de protection de l’enfance au niveau de ceux d’Europe de l’Ouest. L’aide de la France est à cet égard cruciale. En effet, il existe, à côté de cet accord, une véritable coopération, tant nationale que décentralisée, à l’échelon des villes, des régions et des départements, lesquels sont extrêmement actifs au titre de leur compétence sociale.
Enfin, cette coopération est une nécessité au regard de la forte augmentation, depuis le début de l’année 2009, de la criminalité du fait de ressortissants roumains sur le territoire français.
Ainsi, pour la seule agglomération parisienne, alors que, en 2008, quelque 1 300 Roumains avaient été mis en cause, ce nombre s’élève à plus de 3 150 pour l’année 2009, dont près de 1 200 mineurs, soit 38 % environ du total. Ces mineurs sont principalement mis en cause dans des affaires de vol ou d’escroquerie, mais aussi, et de plus en plus, dans des affaires de vol avec violence, avec près de 200 mises en cause à ce titre en 2009.
La responsabilité pénale atténuée dont bénéficie tout mineur conformément aux dispositions de l’ordonnance de 1945 est ainsi mise à profit par des réseaux de criminalité organisée.
Face au véritable enjeu de sécurité publique que représente, pour la France, la délinquance du fait de mineurs roumains, nous ne pouvons pas nous permettre de rester inactifs. La Roumanie est l’un des principaux pays d’origine des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire français.
N’oublions pas que nombre des mineurs auteurs d’infractions sont également des victimes, qui agissent souvent contraintes et forcées pour le compte de bandes organisées. Eux aussi ont droit à notre protection.
En la matière, il faut reconnaître que les outils traditionnels de protection de l’enfance, comme le placement en foyer, ne sont pas adaptés s’agissant de réseaux de trafic d’êtres humains à même de menacer les mineurs de représailles, sur leur personne ou contre leur famille, et ne permettent pas d’assurer réellement leur protection et leur réinsertion.
C’est la raison pour laquelle la France et la Roumanie ont adopté cet accord fondé sur une double approche : protection des mineurs et répression des réseaux les exploitant. Le Gouvernement vous demande donc de permettre l’entrée en vigueur de cet accord intergouvernemental en adoptant le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui. Il répond à un besoin des professionnels de terrain ainsi qu’à l’attente de nos concitoyens face à des situations dramatiques.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la problématique des mineurs étrangers isolés est essentiellement apparue à la fin des années quatre-vingt-dix. Malgré l’absence de statistiques réellement fiables, on a alors constaté une très forte augmentation du nombre de mineurs étrangers isolés sur notre territoire.
Ces enfants sont essentiellement roumains, mais aussi chinois, afghans, maliens ou roms originaires des territoires de l’ex-Yougoslavie. Tous ont quitté leur pays, en quête d’avenir dans un Occident largement idéalisé. Certains ont choisi de partir, d’autres y ont été poussés par les circonstances, d’autres encore sont victimes de filières d’exploitation qui organisent une véritable traite des enfants.
Complice ou victime, leur famille ne remplit souvent plus son rôle de protection. Vulnérables face aux réseaux qui les exploitent, exposés à un basculement dans la délinquance ou la prostitution, ces mineurs représentent un défi pour nos valeurs. Comment concilier l’impératif du respect de la loi et celui de la protection de l’enfance ?
Les premiers éléments de réponse se trouvent d’abord sur notre territoire, même si pour ma part je suis profondément convaincue, et j’y reviendrai, que c’est surtout à l’échelle européenne que nous trouverons les solutions les plus efficaces.
Sur notre territoire, il est bien sûr essentiel d’établir le contact avec ces mineurs et de faire naître – ou renaître – une confiance à l’égard des adultes et des institutions souvent anéantie. Les associations, dont je tiens à saluer le travail, sont certainement les mieux à même d’intervenir à ce stade : elles doivent être mobilisées et soutenues dans les contacts qu’elles ont sur le terrain avec ces jeunes.
Mais les institutions ont également un rôle à jouer.
Face à l’ampleur et à la complexité du phénomène des mineurs étrangers isolés, le ministre de l’immigration et de l’intégration, M. Éric Besson, a mis en place un groupe de travail interministériel spécifiquement consacré à ce sujet, auquel participent tous les acteurs – associations, conseils généraux, ministères de la justice et des affaires sociales, défenseure des enfants.
Ce groupe de travail a rendu ses premières conclusions en novembre dernier. Certaines de ses recommandations sont déjà en train d’être mises en œuvre, avec notamment la construction d’une aire dédiée aux mineurs étrangers à l’intérieur de la zone d’attente de Roissy, un taux de couverture de 99 % des mineurs étrangers isolés se présentant à Roissy par des administrateurs ad hoc, la mise en place d’outils statistiques fiables, l’élaboration d’une nouvelle méthode de détermination de l’âge, plus probante que celle par examen osseux, et un dispositif permettant l’attribution d’un titre de séjour aux mineurs isolés atteignant l’âge de leur majorité.
Un projet de loi a été présenté en conseil des ministres par M. Éric Besson le 31 mars dernier et devrait être soumis au Parlement dans le courant du second semestre de 2010. Je précise que la mise en œuvre de ce dispositif interministériel se poursuit actuellement avec l’association de magistrats indépendants et les conseils généraux – eux aussi indépendants, je le rappelle.
La présence de ces jeunes mineurs est un défi constant. Il nous faut clarifier les rôles entre l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse, prévoir des structures d’accueil plus adaptées que ces foyers d’où l’on fugue à peine arrivé et dans lesquels les réseaux retrouvent sans difficulté ceux qui ont pu leur échapper et parfois même les dénoncer.
Disons les choses clairement : ces jeunes, avant d’être des délinquants, sont des enfants, que nous avons le devoir de protéger en luttant plus résolument contre les réseaux maffieux qui les exploitent.
En effet, la menace que représentent ces réseaux, ce n’est pas seulement le séjour irrégulier sur le territoire ou les menus larcins, par ailleurs très lucratifs, perpétrés sur les parcmètres ou dans le métro parisien, c’est aussi et surtout la traite et l’exploitation des mineurs, en particulier la prostitution.
La réponse au phénomène des mineurs étrangers isolés se trouve aussi dans le pays d’origine et dans le renforcement de la coopération bilatérale, en particulier lorsque le pays en question, à l’image de la Roumanie, est membre de l’Union européenne et répond donc aux standards européens en matière de protection de l’enfance.
C’était l’objet de l’accord franco-roumain, signé le 4 octobre 2002 par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire français.
Cet accord prévoyait le repérage, la protection du mineur sur le sol français et son raccompagnement dans son pays d’origine, sur décision du juge des enfants.
Surtout, un dialogue bilatéral interministériel avait été mis en place avec l’installation d’un groupe de liaison opérationnel, dit GLO, instance de coopération policière et judiciaire, mais aussi d’examen de toute question de nature à renforcer la coopération entre les deux pays s’agissant des mineurs.
C’est notamment grâce à ce groupe de travail que la Roumanie a vu sa situation évoluer : elle a adopté une loi de protection de l’enfance, modernisé la justice des mineurs et démantelé ses structures d’accueil héritées de l’ère Ceausescu, de sinistre réputation. C’est tout le système roumain de protection de l’enfance qui a été très sensiblement amélioré, comme j’ai pu moi-même le constater lors d’un déplacement dans ce pays en février dernier et au travers de mes contacts avec les autorités, les associations chargées de l’enfance et la ministre roumaine de la justice.
C’est cet accord, conclu pour une durée de trois ans et arrivé à expiration en février 2006, que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui tend à renouveler.
Le nouvel accord, signé en février 2007, et qui a donné lieu à un projet de loi en date du 27 août 2008, reprend pour l’essentiel les termes de l’accord de 2002 en faisant une plus large place aux autorités roumaines dans la procédure de retour. Ce texte a été négocié sur la base des recommandations du groupe de liaison opérationnel franco-roumain. Il vise à mieux protéger ces mineurs ainsi qu’à accélérer la procédure de retour si l’enfant se trouve en danger et si la Roumanie fait la demande de rapatriement. L’accord de 2002 confiait au seul juge des enfants la responsabilité d’autoriser le rapatriement du mineur, ce qui entraînait des délais préjudiciables à ce dernier.
L’article 4 du nouvel accord modifie la répartition des pouvoirs entre le siège et le parquet en prévoyant que le parquet des mineurs peut faire droit à une demande de rapatriement du mineur émanant des autorités roumaines. L’intervention du juge des enfants reste possible, mais elle n’est plus systématique.
Cet article 4, intitulé « Plan de mesures : prise en charge et organisation du retour en Roumanie, accueil en Roumanie », est celui qui a suscité le plus de débats et d’interrogations, aussi bien sur le plan des principes que sur le plan opérationnel.
Je dois vous avouer que, à titre personnel, cette modification m’avait interpellée. Il me paraissait a priori souhaitable de maintenir autant que possible l’intervention du juge des enfants, afin que celui-ci sollicite les investigations nécessaires sur la situation du mineur isolé ainsi que celle de sa famille et qu’il recueille son consentement, pour que le retour soit fondé sur un véritable projet de réinsertion.
J’ai d’ailleurs écrit au garde des sceaux en ce sens. J’aurais en effet souhaité que le ministre de la justice veille, lors de la mise en œuvre de cet accord, à ce que les procureurs généraux et les procureurs de la République incitent les parquets des mineurs à saisir systématiquement le juge des enfants, dès lors que l’intérêt supérieur de ces derniers le commande.
Mais nous devons aussi, mes chers collègues, nous montrer responsables face à une situation de danger pour ces enfants. Le recours au dispositif de retour des jeunes Roumains vers leur pays d’origine doit être encouragé chaque fois que ce retour peut permettre une meilleure protection des enfants. Ainsi, en 2005, seulement 54 mineurs roumains sont repartis dans leur pays.
Les nouvelles dispositions de cet accord visent à renforcer l’identification et la protection des mineurs roumains isolés, victimes ou auteurs d’infractions pénales, en difficulté sur le territoire français, et, le cas échéant, à mieux assurer leur protection et leur réintégration en Roumanie par un échange d’informations sur leur situation et un suivi renforcé de leur réintégration sociale.
Le texte prévoit désormais que « si le Parquet des mineurs ne saisit pas le juge des enfants, il peut, dès réception de la demande roumaine de raccompagnement, la mettre à exécution, s’il estime, eu égard notamment aux données fournies par la partie roumaine, que toutes les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur. […]
« Si le mineur n’est plus localisé à réception de la demande, le parquet sollicite son inscription au fichier système d’information Schengen (SIS). En cas de découverte ultérieure, la mesure est mise à exécution par le Parquet des mineurs territorialement compétent, si les informations obtenues sur la situation du mineur, notamment de la Partie roumaine, sont suffisantes et ne datent pas de plus de 12 mois. »
Deux points doivent être soulignés.
D’une part, l’esprit de ces nouvelles dispositions n’est pas de soustraire l’ensemble des mineurs roumains non accompagnés sur le territoire français au bénéfice des mesures de protection dont ils pourraient relever en les rapatriant massivement vers la Roumanie, sans se soucier de leur situation personnelle et familiale. Il est au contraire de mieux assurer la protection des mineurs et de favoriser, si cela est possible, le retour dans leur pays.
D’autre part, les dispositions de cet accord ne peuvent en aucun cas contrevenir aux règles qui prohibent l’expulsion des mineurs du territoire national vers un autre État et qui disposent que le rapatriement ne peut se faire qu’avec l’assentiment du mineur. C’est là le droit commun ; il n’a pas été rappelé dans les accords, que ce soit dans le texte de 2002 ou dans celui de 2006.
Je rappelle que l’article 11 de la Convention relative aux droits de l’enfant incite les États parties à prendre des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger et à favoriser la conclusion d’accords bilatéraux ou multilatéraux ou l’adhésion aux accords existants. Son article 9 confie également aux États parties le soin de veiller « à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Cet accord s’inscrit donc dans le cadre juridique régissant la mise en œuvre de l’assistance éducative en droit français, sans le modifier.
En cas d’urgence, le parquet est compétent pour prendre les mesures qui s’imposent afin d’assurer la sauvegarde de la sécurité, de la santé et des conditions d’éducation des mineurs en danger.
Dès qu’un juge des enfants est saisi, il demeure compétent pour assurer le suivi des mineurs en assistance éducative : adaptation des mesures, modification ou prolongation, etc. La mention « si le juge des enfants est saisi » figurant à l’article 4 regroupe en effet les deux hypothèses : le parquet, intervenant en urgence, saisit le juge des enfants, ou le juge des enfants est déjà saisi dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative.
À ce titre, le parquet est le pivot du dispositif de prise en charge des mineurs dans le cadre de l’urgence. Sa saisine dans ce cadre permettra de donner une cohérence à l’action de la justice et d’assurer une interface avec les différentes institutions concernées : GLO, autorités roumaines, autorités françaises, juge des enfants.
L’accord permettra au parquet de solliciter très vite des autorités roumaines une enquête sociale ou de procéder au raccompagnement du mineur, notamment lorsqu’il s’agit de mettre celui-ci à l’abri des réseaux qui l’exploitent et qu’il souhaite lui-même revenir le plus rapidement possible auprès de sa famille.
La procédure prévue en matière de retour des mineurs isolés dans leur pays d’origine ne saurait par ailleurs s’assimiler à une procédure d’expulsion déguisée de mineurs délinquants, sous l’autorité du parquet et sans leur consentement.
Je reste profondément persuadée que la question de la protection des mineurs isolés nécessite une coopération à l’échelon de l’Union européenne.
En effet, la France n’est pas le seul pays de l’Union européenne confronté à ce phénomène. D’après certaines estimations, plus de 100 000 enfants non accompagnés seraient présents sur le territoire des vingt-sept États membres.
Or, dans un espace de libre circulation des personnes, le risque existe de voir ces mineurs revenir à nouveau sur le sol français quelques semaines plus tard, si les conditions qui les ont conduit à quitter leur pays demeurent.
Cela concerne en particulier les jeunes Roms, qui représentent une véritable difficulté et un défi pour l’Europe entière. Il n’est pas certain que la Roumanie, qui n’est pas, tant s’en faut, le seul pays concerné, comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement en Albanie, soit mieux armée que nous pour faire face à ce phénomène.
La « troïka » des présidences espagnole, belge et hongroise de l’Union européenne vient d’ailleurs d’adopter une déclaration commune sur l’intégration des Roms, notamment grâce à l’utilisation de fonds structurels, lors du sommet organisé par la présidence espagnole à Cordoue, les 8 et 9 avril derniers. Toujours sur l’initiative de la présidence espagnole, la Commission européenne a présenté hier un plan d’action concernant les mineurs étrangers isolés en Europe.
À terme, seule une approche concertée et coordonnée entre les États membres permettra de répondre aux enjeux liés à ce phénomène des mineurs étrangers isolés. C’est ensemble que nous parviendrons à construire, par le renforcement de nos instruments de lutte contre la délinquance et le démantèlement des réseaux d’exploitation, une politique intégrant une approche humaine à l’égard d’étrangers qui sont avant tout des enfants nécessitant une protection.
Dans l’attente de la mise en œuvre de ce plan d’action, la coopération bilatérale menée ces dernières années entre la Roumanie et plusieurs pays européens, comme l’Espagne ou l’Italie, qui ont conclu des accords similaires à celui qui a été signé par la France, constitue une absolue nécessité.
En conclusion, cet accord est essentiel pour que nous puissions enfin renforcer la coopération entre la France et la Roumanie sur ce dossier sensible. Cette coopération suscite une très forte attente des autorités roumaines, qui n’ont cessé d’insister sur l’impatience avec laquelle elles attendaient la ratification de l’accord et sur leur incompréhension devant les réticences parfois exprimées sur nos travées.
Ainsi, la ratification de cet accord permettra de relancer le groupe de liaison opérationnel, qui avait permis des progrès très importants en matière de protection de l’enfance en Roumanie, s’agissant par exemple de la qualité des enquêtes sociales.
En l’absence de ratification de l’accord, les échanges d’informations, la coopération et le rapatriement des mineurs sont actuellement bloqués. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et à la lumière des éléments apportés dans ce débat par M. le secrétaire d’État et par moi-même, de bien vouloir adopter ce projet de loi. Il y va de l’intérêt de ces enfants, qui, comme le veut la Convention relative aux droits de l’enfant, doivent pouvoir retourner en toute sécurité dans leur pays. Ils ont besoin d’une famille et ils ont besoin de protection.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous est aujourd’hui demandé d’adopter un texte autorisant l’approbation d’un accord signé entre la France et la Roumanie, voilà trois ans, relatif à la protection des mineurs roumains isolés dans notre pays, à leur retour dans leur pays d’origine et à la lutte contre les réseaux qui les exploitent. Ce projet de loi traite de situations humaines dramatiques, qui concernent également nombre de nos voisins européens.
Le nombre de mineurs étrangers isolés, toutes provenances confondues, est de l’ordre de 4 000 à 6 000 en France, et de près de 100 000 en Europe.
Avec ce texte, il devrait avant tout s’agir de protéger des enfants en danger physique et moral et de les soustraire à des filières maffieuses qui organisent leur exploitation en les contraignant à la mendicité, au vol ou à la prostitution. Or la façon dont il tend à répondre au problème spécifique posé par la présence de mineurs roumains sur notre territoire soulève des questions touchant aux valeurs mêmes de notre République et aux principes fondamentaux de notre droit national. Voilà pourquoi il était absolument nécessaire d’examiner ce projet de loi en séance publique, et non en catimini, selon la procédure simplifiée.
L’accord signé en 2007 entre la France et la Roumanie reprend l’essentiel des dispositions d’un précédent accord, conclu en 2002 pour une durée de trois ans et qui est donc arrivé à échéance. Ce dernier prévoyait le repérage et la protection du mineur sur le sol français, et précisait que seul le juge des enfants pouvait décider le raccompagnement du mineur dans son pays d’origine, s’il estimait que cela pouvait être la meilleure solution. Il établissait aussi une procédure de retour du mineur associant les autorités roumaines et organisait la coopération interministérielle entre les deux pays.
Il convient de relever que, dans l’esprit de cet accord, le raccompagnement n’était pas l’objectif premier : il visait essentiellement la protection des mineurs isolés.
Bien que son efficacité ait été fortement contestée, notamment par les associations dont vous avez loué l’action, madame le rapporteur, en particulier eu égard au manque de suivi des jeunes lors de leur retour et à l’absence d’évaluation réelle de leur réinsertion, cet accord témoignait pourtant d’une certaine volonté, de part et d’autre, de résoudre humainement cette question.
Que s’est-il donc passé, lors de sa renégociation, pour que son esprit soit si profondément changé ?
Nous savions pourtant pertinemment que la Roumanie, malgré son adhésion à l’Union européenne, était loin de répondre aux normes communément admises en matière de protection de l’enfance. Il y a en effet encore beaucoup de travail à réaliser dans ce pays, même si les Roumains se sont attelés à la tâche.
Je ne me contente donc pas de l’argument selon lequel le premier accord étant arrivé à échéance, il fallait absolument en conclure un second pour poursuivre la coopération policière et judiciaire avec la Roumanie.
Je n’accepte pas davantage que l’on nous dise aujourd’hui que le gouvernement roumain s’impatiente et qu’il ne comprend pas que nous tardions à approuver ce nouvel accord.
Je crois surtout que le Gouvernement a durci sa politique en matière de régulation des flux migratoires.
Pour se fonder une opinion, il convient de s’en tenir au texte qui nous est présenté, puisqu’il n’est pas amendable.
La partie la plus contestable de cet accord réside bien évidemment dans la nouvelle répartition des prérogatives entre le siège et le parquet dans la procédure de raccompagnement établie à l’article 4, au profit du second, alors que le précédent accord confiait la responsabilité de décider le raccompagnement du mineur au seul juge des enfants, dont la compétence principale porte sur l’assistance éducative. L’article 4 prévoit ainsi que « si le Parquet des mineurs ne saisit pas le juge des enfants, il peut, dès réception de la demande roumaine de raccompagnement, la mettre à exécution, s’il estime, eu égard notamment aux données fournies par la partie roumaine, que toutes les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur ».
Il est donc regrettable que la saisine du juge des enfants ne soit plus obligatoire. Mme le rapporteur a d’ailleurs fait part de son souhait que le ministre de la justice veille à ce que le parquet saisisse systématiquement le juge des enfants. Or il est indispensable que l’intérêt de l’enfant soit inscrit dans l’accord lui-même, et non dans une hypothétique instruction ministérielle.
De plus, l’article 4 contredit plusieurs règles protectrices des droits fondamentaux de la personne, en particulier de l’enfant.
Tout d’abord, il méconnaît la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. En effet, aux termes de l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, « la protection de l’enfance a […] pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ». On ne peut, dès lors, effacer une mesure de protection par une décision de rapatriement, sans autre garantie de suivi social et éducatif.
Ensuite, selon l’article 375-6 du code civil, tout enfant faisant déjà l’objet d’une mesure d’assistance éducative ne peut en être distrait que par une décision du juge des enfants.
En outre, le fait de permettre au parquet de décider seul de mettre à exécution le rapatriement d’un mineur constitue une atteinte aux droits de la défense et à un procès équitable. En effet, aucun débat judiciaire devant un magistrat indépendant n’est prévu : absence d’audition, absence de débat contradictoire, absence de motivation ! Ces garanties constitutionnelles ne peuvent à mon sens être écartées par un accord bilatéral, sans oublier qu’un tel dispositif viole également l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Enfin, la décision de rapatrier un mineur dans cette circonstance constitue une mesure d’éloignement du territoire prohibée par les articles L. 511-4 et L. 521-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui disposent qu’il ne peut y avoir ni reconduite à la frontière ni expulsion d’enfants mineurs.
Tous ces points ne sont donc pas l’objet d’un faux débat, monsieur le secrétaire d’État, bien au contraire ! Cet accord crée une exception, pour ne pas dire une discrimination entre les mineurs selon leur nationalité. Le principe d’égalité, qui a valeur constitutionnelle, est lui aussi remis en cause ; on semble vouloir donner à penser que certains mineurs seraient meilleurs que d’autres.
Par ailleurs, notons que dans la mesure où le parquet est autorisé à se prononcer « dès réception de la demande roumaine », la vérification des garanties n’est pas assurée, alors que les principes qui régissent la protection de l’enfance devraient contraindre les autorités à prendre toutes les précautions. Le parquet est ainsi invité à « faire confiance » aux autorités roumaines, sans qu’aucune garantie ne soit apportée.
Cette modification affecte profondément les principes fondamentaux sur lesquels sont fondés nos dispositifs de protection des mineurs et va à l’encontre de nos obligations internationales. Le dispositif s’appliquera au détriment de la sécurité et de l’intérêt des enfants, puisque l’on sait que de bonnes conditions de retour ne leur sont pas assurées.
Cette nouvelle version change donc fondamentalement l’esprit du premier accord en mettant subrepticement en place une procédure d’expulsion des mineurs délinquants qui n’ose pas dire son nom.
Cet accord, par le biais de l’instauration d’une procédure de rapatriement qui s’apparente en fait à une mesure d’éloignement sans aucune garantie de suivi social et éducatif, ignore fondamentalement notre principe républicain de protection accordée aux mineurs. Notre pays s’est pourtant imposé le devoir de protéger tous les mineurs présents sur son territoire, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. Cette conception républicaine des droits de l’enfant est constitutive de l’honneur et de la grandeur de notre pays. À mes yeux, le renvoi de mineurs roumains dans les conditions prévues par ce nouvel accord signifierait que nous renonçons à ce devoir de protection.
La question de l’avenir de ces enfants est trop grave pour qu’elle soit maintenant traitée du seul point de vue de la « répression » de mineurs délinquants dont on voudrait se débarrasser. Je n’accepte pas non plus l’idée que cet accord puisse ainsi devenir un nouvel instrument de gestion des flux migratoires entre pays de l’Union européenne et que, selon la juste formule du directeur de l’association Hors la Rue, « on bascule de la protection de l’enfance vers la gestion des flux migratoires ».
Au-delà des critiques sur le contenu même de cet accord, je m’interroge sur son efficacité, et davantage encore sur son utilité, ainsi que sur l’opportunité de l’approuver dans de telles conditions.
Je le répète, du strict point de vue de la protection de l’enfance, quelle est l’efficacité du rapatriement s’il est si mal préparé ? Mais surtout, pourquoi approuver un accord bilatéral si critiquable, quand on sait que les mineurs isolés en danger en France ne sont pas uniquement roumains ? Ils proviennent en effet d’un grand nombre d’autres pays, comme l’a rappelé Mme le rapporteur, et ce phénomène concerne toute l’Europe. Ce problème devrait donc être traité dans le cadre de l’Union européenne. Vous avez vous-même évoqué cet impératif dans votre second rapport, madame Garriaud-Maylam.
Dès lors, dans le contexte de libre circulation des personnes au sein de l’espace européen qui est désormais le nôtre, cette approche strictement bilatérale est, elle aussi, inefficace, à moins que l’on ne considère qu’il existe des citoyens européens de seconde zone. Nous nous accordons tous à dire que cette question ne peut trouver de réponse satisfaisante qu’à l’échelle européenne.
La mise en œuvre d’une telle réponse passe, on le sait, par l’établissement d’une politique commune en la matière ainsi que par l’harmonisation des législations et des procédures, permettant une réelle coopération entre les pays concernés. Elle passe également par une volonté plus affirmée de lutter en priorité contre les réseaux d’exploitation de ces enfants, sauf à traiter les effets sans se donner véritablement les moyens de s’attaquer aux causes, à l’instar du texte qui nous occupe.
Aujourd’hui même, la Commission européenne présente un plan d’action sur cette grave question. Ce plan prévoit non seulement de garantir une représentation légale pour les mineurs non accompagnés, de leur éviter, sauf cas exceptionnel, toute mesure de détention, mais aussi d’axer les efforts sur le retour dans le pays d’origine. Quand on connaît les problèmes de ces enfants et la situation concrète des pays dont ils sont originaires, on mesure l’écart entre ces déclarations de principe et la réalité des moyens mis en œuvre. C’est d’ailleurs ce qu’ont immédiatement relevé, en France, les associations concernées, déplorant l’absence de mesures concrètes et de moyens financiers.
J’espère néanmoins que notre pays pèsera de tout son poids auprès de nos partenaires européens afin que ce plan soit précisé et qu’il voie rapidement le jour.
J’ai bien conscience que, dans l’attente de la définition d’une politique commune de l’Union, l’urgence et la gravité de la situation nous imposent de faire avec ce qui existe. Je ne pense pourtant pas que, faute de mieux, nous soyons obligés de nous satisfaire d’un très mauvais accord qui remet en cause des principes républicains fondamentaux, au risque de créer de graves précédents, et qui n’apportera pas de réponse efficace à des situations dramatiques.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche votera résolument contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le plus souvent, l’approbation d’une convention internationale par le Parlement ne pose pas de problème et s’apparente à une formalité. Mais, en l’occurrence, tel n’est pas le cas.
Ne tournons pas autour du pot : le nœud du problème réside dans la substitution du parquet au juge du siège pour la mise à exécution des demandes de raccompagnement des mineurs roumains émanant des autorités de leur pays d’origine.
Ne passe-t-on pas d’une logique de protection de l’enfance à une pure logique de lutte contre l’immigration clandestine ? Le traitement réservé aux enfants roumains isolés en France s’inscrirait, par ce biais, dans le cadre d’une politique volontariste de reconduite à la frontière.
D’un autre côté, depuis l’arrivée à échéance du précédent accord, signé en 2002, la coopération franco-roumaine en la matière est abandonnée, ce qui est très dommageable, je le reconnais, compte tenu de l’ampleur du phénomène considéré et de la nécessité de renvoyer ces jeunes au sein de leur famille, en les arrachant au plus vite des mains des réseaux maffieux.
La question est donc la suivante : la reprise au plus vite de cette coopération, dans l’intérêt des enfants roumains et de nos bonnes relations avec la Roumanie, doit-elle primer sur le respect des principes fondamentaux qui semblent heurtés par l’article 4 de l’accord ? À moins, monsieur le secrétaire d'État, que la rédaction qui nous est soumise ne réponde après tout à ces deux préoccupations.
Devant une telle question éthique, mettant en jeu l’intime conviction et la conscience de chacun, la politique du groupe de l’Union centriste a toujours été la même : la liberté de vote. C’est pourquoi certains membres de mon groupe voteront l’approbation de l’accord, contrairement à d’autres. Je me bornerai à présenter les raisons, tout à fait légitimes, des uns et des autres.
Pour justifier l’approbation de l’accord, on peut se rallier à l’argument central de notre rapporteur, à savoir la nécessité d’adopter un texte dont la ratification se fait attendre depuis trois ans, d’autant que, en pratique, le juge des enfants sera très vraisemblablement amené à intervenir dans la procédure et à autoriser le raccompagnement des mineurs concernés.
J’insisterai sur deux points connexes fondamentaux.
Si des mineurs étrangers isolés sont présents sur notre sol, c’est parce que des réseaux se sont chargés, peu ou prou, de les y amener. Si retour de ces mineurs il y a, encore faut-il que, sur place, on les aide à réellement se réinsérer.
En d’autres termes, cet accord n’a de portée que si on l’envisage dans sa globalité, en tenant compte de l’amont et de l’aval.
En amont, cette convention n’a de sens que si les gouvernements se sont dotés d’un outil, le groupe de liaison opérationnel, qui renforce vraiment la lutte contre les réseaux.
Ces réseaux, au demeurant multiformes, bénéficient trop souvent de la complaisance de certaines autorités, à l’échelon local ou au-delà. S’ils alimentent bien évidemment le marché de la prostitution, ils sont aussi présents dans bien d’autres domaines, jouant alors de la complaisance de certains mêmes de nos concitoyens : une jeune fille roumaine faisant le trottoir choquera les habitants d’un quartier, mais certains d’entre eux n’hésiteront pas à embaucher une de ses compatriotes pour en faire une employée de maison payée au noir…
M. Nicolas About. Un jeune homme provoquera l’exaspération en commettant de petits délits, mais il exaspérera certainement moins celui qui le chargera d’exécuter en parfaite illégalité des travaux saisonniers dans son exploitation…
Mme Alima Boumediene-Thiery approuve.
Renforcer la lutte contre ces réseaux est donc à mes yeux un impératif majeur, un devoir impérieux, car il ne servirait à rien de s’interroger sur la reconduite de ces enfants si, tous les jours, de nouvelles victimes arrivaient sur notre sol, d’autant que les ressortissants roumains bénéficient de la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne.
En aval, c'est-à-dire après le retour des mineurs dans leur pays d’origine, se pose la question de la réinsertion.
À cet égard, la Roumanie revient de loin. Il y a vingt ans encore, les structures d’accueil, héritées de l’ère Ceaucescu, ressemblaient davantage à des bagnes qu’à des maisons de l’enfance. Il faut reconnaître que d’indéniables progrès ont été réalisés, même si, en ce domaine comme en tant d’autres, la bonne volonté se heurte aux contingences financières.
Puisqu’il s’agit de coopération, celle-ci ne pourrait-elle pas s’étoffer aussi dans le domaine de la réinsertion sur place des jeunes revenus au pays ? La Roumanie n’a pas besoin que de nos seules incantations, elle peut aussi avoir besoin de notre aide, de notre expertise.
Telles sont les raisons d’approuver cette convention.
D’un autre côté, il est bien évident que la substitution du parquet au juge des enfants n’est pas innocente. C’est une logique d’efficacité qui est recherchée. Si le procureur travaillait de la même manière que le juge, cela se saurait ! Encore une fois, je me référerai à notre rapporteur, Mme Garriaud-Maylam, mais en l’occurrence pour justifier l’opposition au texte de certains d’entre nous. Les réserves qu’elle a émises sur l’accord me semblent frappées au coin du bon sens. Elles rejoignent d’ailleurs celles qui ont été exprimées par la Défenseure des enfants, Dominique Versini. Je me bornerai donc à citer cette phrase du rapport, qui résume bien nos doutes : « ni l’ampleur actuelle du phénomène des mineurs roumains, ni l’efficacité d’un retour non consenti dans un espace de libre circulation ne permettraient de justifier de déroger au principe de l’intervention du juge des enfants ».
Voilà pourquoi, mes chers collègues, certains membres du groupe de l’Union centriste ne voteront pas ce texte. Je souhaite que, dans sa sagesse légendaire, le Sénat fasse tout à l’heure le bon choix.
Sourires
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, le parcours de ce projet de loi d’approbation aura été pour le moins chaotique. Signé le 1er février 2007, l’accord franco-roumain relatif à la protection des mineurs roumains isolés, déposé sur le bureau du Sénat le 27 août 2008, aura connu deux passages en commission, pour ne venir en discussion devant la Haute Assemblée que ce jeudi 6 mai, plus de trois années après sa signature. Par ces quelques rappels chronologiques, je n’exprime pas notre regret de voir ce texte débattu si tardivement au sein de notre assemblée ; je souhaite plutôt mettre en lumière les raisons qui ont conduit à cette situation, tenant aux préoccupations que suscitent chez beaucoup d’entre nous un accord qui, depuis sa signature, aura soulevé de très nombreuses critiques.
En comparaison avec l’accord de 2002, dont le bilan de l’application doit sans doute être nuancé, notamment s’agissant de la réalité et de la qualité des mesures de protection des mineurs isolés une fois raccompagnés sur le territoire roumain, l’accord de 2007 marque un repli en matière de garanties offertes, pour sa protection, au mineur isolé roumain, qui est le plus souvent issu d’une minorité, les Roms, mal intégrée dans bien des pays, dont la Roumanie et plusieurs États de l’ex-Yougoslavie.
Ainsi disparaît de l’accord l’intégration du groupement d’ONG françaises au dispositif de prise en charge des mineurs roumains en difficulté sur notre territoire. Pourtant, atteindre véritablement les objectifs assignés à cette prise en charge –prise de contact, instauration d’un lien de confiance, élaboration d’un projet d’accueil – nécessite l’implication d’acteurs de terrain qui bénéficient d’une expertise et d’une réelle légitimité. Leur exclusion du dispositif laisse craindre une régression des ambitions affichées, s’agissant non seulement de la qualité de la prise en charge du mineur sur le territoire national, mais surtout du sérieux de sa préparation au retour.
Disparaît également l’enquête sociale, du moins telle qu’elle était prévue par l’article 3 de l’accord de 2002. Les « diligences nécessaires » destinées à obtenir « les éléments pertinents » sur la « situation personnelle et administrative » du mineur roumain isolé sont en effet loin de constituer l’enquête sociale qui était explicitement prescrite par l’accord de 2002. L’enquête sociale subsisterait en pratique, indique Mme le rapporteur, qui précise qu’elle devient désormais un élément de procédure interne à la Roumanie, dont le juge français n’aurait pas à avoir pleinement connaissance.
Je prends acte du maintien d’une enquête sociale, mais je ne souscris pas à l’explication de Mme le rapporteur au sujet du retrait de sa mention explicite dans l’accord. On ne peut raisonnablement pas à la fois insister sur la nécessité d’accentuer les modalités de la coopération entre les parties française et roumaine et considérer comme acceptable que les deux parties ne bénéficient pas des mêmes informations, car c’est bien à cela que revient le fait de restreindre l’enquête sociale à un simple élément de procédure de droit roumain.
Au-delà de l’aspect procédural de cette question, gommer toute référence explicite à l’enquête sociale témoigne d’un véritable recul, en termes d’ambitions, que la mise en conformité toute récente du dispositif roumain de la protection de l’enfance aux standards de l’Union européenne ne saurait justifier, d’autant que, sans contester la volonté réelle de la Roumanie de se doter d’un système de protection à la hauteur des exigences européennes et sans méconnaître les progrès qui ont été accomplis par ce pays en la matière, on ne peut que constater que la traduction effective de ces dispositifs juridiques reste en pratique inachevée.
Disparaît aussi – et ce n’est pas la moindre de nos préoccupations – la saisine systématique du juge des enfants. L’accord, en son article 4, ouvre désormais au parquet la possibilité d’autoriser lui-même le rapatriement du mineur. Cette dépossession du juge des enfants constitue un grave recul, symptomatique d’une dérive plus générale de transfert des pouvoirs judiciaires au parquet, qui laisse en l’espèce à celui-ci la possibilité d’organiser le retour du mineur en l’absence de toute procédure réellement contradictoire.
C’est encore plus vrai dans l’hypothèse nouvelle, inscrite dans l’accord de 2007, d’un rapatriement à la suite d’une nouvelle interpellation du mineur isolé consécutive à son inscription au système d’information Schengen.
Disparaît dès lors – c’est le quatrième recul marqué par ce texte – le consentement du mineur isolé roumain à son retour. Je n’insisterai pas sur les préoccupations exprimées, sur cette question, par la Défenseure des enfants, afin de ne pas donner au Gouvernement, à quelques jours de l’examen du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, un prétexte de plus pour supprimer cette fonction, mais chacun d’entre nous a en mémoire les propos de Mme Versini sur « l’accélération de la procédure et la suppression du consentement du mineur et en quoi ces options marquent un renoncement aux principes fondamentaux de la protection de l’enfance, en contradiction avec notre propre loi et avec la Convention internationale des droits de l’enfant ».
En revenant ainsi sur un principe fondamental régissant le retour des mineurs isolés roumains, cet accord fragilise sensiblement la frontière entre accompagnement et éloignement ; il contredit de ce fait nos engagements internationaux et notre droit interne. Par cet accord, la France célèbre de bien curieuse manière le vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant…
Surtout, sans consentement, il n’y a pas de projet véritable de retour et, de fait, pas de projet construit avec le mineur. On ne voit pas comment ni en quoi ce traitement expéditif contribuerait à la lutte contre la délinquance itinérante et les réseaux d’exploitation des mineurs. Un retour non préparé est la porte ouverte à une nouvelle errance.
L’accord de 2007 n’améliore en aucune façon le texte de 2002. Déjà, celui-ci a montré ses lacunes : la plupart des mineurs rapatriés n’ont bénéficié d’aucun suivi après leur retour et aucune évaluation d’ensemble n’a été réalisée. Le texte de 2007 opère des reculs importants en contournant les garanties offertes pour sa protection au mineur isolé roumain, afin de faciliter, voire d’automatiser, son éloignement, objectif véritable de cet accord, explicité à l’alinéa 2 de l’article 2, fût-ce sous l’enrobage de la mention des bonnes conditions du retour. De ce point de vue, l’intitulé même du texte que nous examinons s’apparente à une imposture, car comment parler, dans ces conditions, de « protection des mineurs » ?
Rien ne saurait justifier ces régressions, notamment pas le recul, constaté depuis 2003, du nombre de mineurs roumains isolés présents sur le territoire français. Ces derniers mois sont certes marqués par une nouvelle tendance à la hausse, mais nous sommes loin de retrouver les niveaux observés au début des années 2000.
Le phénomène des mineurs isolés doit surtout être évalué dans sa globalité et sa diversité. Ainsi, il est loin de concerner uniquement les mineurs roumains, comme l’a signalé Mme le rapporteur ; il touche, plus globalement, les communautés roms et tziganes, mais aussi l’Albanie, les pays issus de l’ex-Yougoslavie, et désormais la Chine, l’Afghanistan.
Dès lors, l’approche bilatérale apparaît invalidée, et l’accord déjà dépassé. La résolution d’une telle question impose à l’évidence une approche européenne, et l’entrée de la Roumanie au sein de l’Union européenne en 2007 plaide en ce sens. Manifestement, seule une intervention de l’Union européenne peut répondre efficacement au défi des mineurs isolés.
N’est-il pas paradoxal que, en dépit d’une telle analyse, largement partagée, sur la nécessité d’une intervention de l’Union européenne, rien n’ait été entrepris en ce sens, notamment pendant la présidence française ?
Surtout, comment accepter que vous puissiez aujourd’hui prendre prétexte de la carence d’une politique européenne commune en matière de mineurs isolés pour imposer un texte bilatéral inadapté qui dégrade à ce point leurs droits et leur protection ?
Je tiens à saluer le travail de Mme Garriaud-Maylam, dont le rapport a le mérite de ne pas faire l’impasse sur l’ensemble de ces préoccupations, mais je ne peux souscrire à son argument selon lequel la France, en n’approuvant pas un tel accord, prendrait du retard au regard de ses partenaires européens, telles l’Espagne ou l’Italie, déjà signataires d’accords de même type avec la Roumanie. La France est en retard quand elle ignore, contourne ou contredit les garanties fondamentales du droit des migrants et de la protection de l’enfant.
C’est la raison pour laquelle notre groupe invite le Gouvernement à prendre dans les meilleurs délais toutes les initiatives nécessaires pour instaurer une politique commune européenne conforme à nos engagements internationaux, au bénéfice des mineurs européens. Pour l’heure, le groupe socialiste n’approuvera pas cet accord.
En conclusion, j’invite l’ensemble de nos collègues à bien mesurer le recul que représente cet accord en matière de protection de l’enfance. Si isolés soient-ils, les mineurs étrangers présents sur notre territoire ont droit à une protection absolue !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est donc le 1er février 2007 que la France et la Roumanie ont signé l’accord prévoyant une coopération visant à une meilleure prise en charge des mineurs roumains isolés en France, en les identifiant, en menant des enquêtes sociales pour déterminer les raisons de leur isolement et, au besoin, en les rapatriant afin de les réintégrer dans leur pays. Je connais ce problème de plus longue date, pour vivre à Vienne depuis trente-sept ans et avoir beaucoup voyagé en Europe.
Comme l’a indiqué Mme Garriaud-Maylam dans son excellent rapport, cet accord s’inscrit dans une continuité, puisqu’il reprend pour l’essentiel celui de 2002, en renforçant tout de même le volet relatif à la lutte contre la criminalité et en aménageant la procédure de rapatriement des mineurs, afin de la rendre plus efficace.
En effet, le bilan des retours reste pour l’heure très peu satisfaisant : par exemple, six mineurs seulement ont été rapatriés en 2006, et soixante-trois depuis le 1er février 2003, date de l’entrée en vigueur de l’accord de 2002. Sur ce point, le bilan de l’application de ce dernier n’est donc pas bon et il était important, à notre avis, de revoir la procédure pour améliorer son efficacité.
En revanche, il faut insister sur la grande qualité de la coopération bilatérale – ce n’était pas le cas dans le passé – et la réelle volonté de la Roumanie de résoudre cette question très difficile. Membre de l’Union européenne depuis le 1er janvier 2007, ce pays a fait des efforts, certes insuffisants, mais néanmoins considérables, en matière de protection de l’enfance. Le contexte a donc beaucoup changé par rapport à 2002. À nos yeux, cela justifie la relance d’une dynamique de coopération avec ce pays.
Le nouvel accord vise principalement à reconduire sur des bases améliorées la coopération bilatérale, tant juridique qu’opérationnelle, dans le domaine de la protection de l’enfance.
Les deux principaux axes de travail visés par cet accord sont, d’une part, l’amélioration du nombre et de la qualité des rapatriements de mineurs en Roumanie, et, d’autre part, le développement de la coopération judiciaire ainsi que la mise en place d’une action commune contre la criminalité organisée et la délinquance itinérante, en vue du démantèlement des réseaux d’exploitation des mineurs isolés.
Les dispositions nouvelles de l’accord, auxquelles nous souscrivons pleinement, doivent ainsi nous permettre de mieux identifier et de mieux protéger les mineurs roumains isolés, victimes ou auteurs d’infractions pénales, en difficulté sur le territoire de la République. Le texte doit également mieux assurer leur protection et leur réintégration en Roumanie par un échange d’informations sur leur état civil et un suivi de leur réintégration sociale durant une période de six mois après leur retour.
Enfin, l’accord doit permettre de mieux prévenir les risques d’exploitation ou de représailles contre les mineurs lorsque ceux-ci sont remis à leurs parents en Roumanie, par l’échange d’informations sur les réseaux et les organisations criminelles qui les exploitent tant en Roumanie qu’en France.
Pour le groupe UMP, ce nouvel accord est très important, car il va dans le sens d’une véritable amélioration de la coopération bilatérale opérationnelle engagée dans ce domaine. Je rappelle ici que celle-ci est nécessaire en l’absence d’une véritable politique de l’Union européenne sur la question des mineurs étrangers isolés. Sur ce point, je suis d’accord avec Mme Tasca : il faudra que l’Union parvienne à élaborer une politique commune dans ce domaine.
À l’instar de Mme le rapporteur, nous jugeons indispensable que l’Union européenne engage une véritable action sur ce point, qui concerne, au-delà de la seule Roumanie, l’ensemble des pays balkaniques. Un constat sérieux doit être établi et l’élaboration d’une réponse européenne efficace s’impose ou s’imposera. Cependant, en l’absence actuelle de politique européenne, les accords bilatéraux sont les seuls outils à notre disposition, et nous devons les rendre opérationnels. J’ajoute qu’il nous paraît urgent de mettre en place un plan européen de réflexion et d’action concernant les Roms, notamment les mineurs, dont la situation est spécifique.
J’en viens maintenant au point qui fait débat, à savoir la procédure de raccompagnement des mineurs et la place du juge des enfants, c'est-à-dire la nature et l’efficacité de la réponse opérationnelle que nous pouvons apporter à un phénomène en recrudescence ces derniers mois, qui préoccupe fortement nos concitoyens.
Je le rappelle, selon le ministère de l’intérieur, le nombre de mineurs roumains mis en cause dans des infractions pénales sur le territoire français a fortement augmenté. Il s’agit d’un problème de délinquance sur la voie publique qui doit recevoir une réponse appropriée et efficace tout en préservant la protection du mineur.
Je comprends les interrogations, voire les critiques, de certains, mais nous sommes face à un problème de mineurs délinquants d’une réelle ampleur, et il est de notre devoir d’y apporter une réponse efficace, dans le respect de nos valeurs et de nos engagements internationaux. Encore une fois, nos concitoyens nous le demandent instamment.
Mes chers collègues, il ne s’agit en aucun cas d’expulsions de mineurs ou de reconduites à la frontière. Nous le savons, le point faible de l’accord de 2002 était le rapatriement des mineurs. Ce nouvel accord l’améliore, en le rendant plus rapide. L’intervention du parquet dans la procédure, notamment, est à l’origine de cette amélioration. L’exécution immédiate sera ordonnée si le parquet des mineurs estime que les garanties sont réunies pour assurer la protection du mineur et si le gouvernement roumain le demande. À cet égard, je précise que le parquet est une autorité non pas administrative, comme j’ai pu l’entendre dire, mais judiciaire. Elle est composée de magistrats soucieux d’appliquer la loi et compétents pour estimer si les garanties minimales de protection des mineurs sont réunies.
Je ne conteste pas que le juge des enfants soit compétent pour prendre les décisions judiciaires concernant les mineurs délinquants, mais il ne faut pas caricaturer la procédure mise en place par l’accord de 2007. À cet égard, les remarques de notre rapporteur me semblent opportunes et leur prise en compte doit permettre une application équilibrée du texte.
Selon nous, cet accord permet d’apporter de meilleures garanties juridiques et judiciaires, notamment grâce à l’attribution de la présidence du groupe de liaison opérationnel au ministère de la justice et au renforcement de l’obligation d’information de la partie française par les autorités roumaines. Il garantit une meilleure protection de l’enfance et une lutte plus efficace contre les réseaux criminels impliqués. De plus, rappelons-le, il est très attendu par la Roumanie, qui est soucieuse de régler ce problème.
En réaffirmant la nécessité de mettre en place une réponse européenne au phénomène des mineurs isolés, surtout d’origine rom, errant sur tout le territoire, dans le respect du principe fondamental de protection de l’enfance, le groupe UMP apportera son soutien unanime à ce projet de loi, qui permettra la relance de la coopération entre la France et la Roumanie.
Je terminerai en formant le vœu que des solutions à ce grave problème des mineurs isolés en situation irrégulière en France soient trouvées par notre collègue Isabelle Debré, qui a été chargée par Mme Alliot-Marie d’une mission temporaire sur ce sujet et doit rendre ses conclusions dans les jours à venir.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant d’aborder l’analyse de l’accord qui est aujourd'hui soumis à notre approbation, je souhaite rendre un hommage appuyé aux conseils généraux, qui accomplissent, à travers les services départementaux d’aide à l’enfance, un travail formidable en faveur de la protection des mineurs isolés.
La prise en charge des mineurs isolés est un processus complexe, une chaîne de compétences faisant intervenir des acteurs de qualité – je pense en particulier aux travailleurs sociaux –, et dont la logique trouve son inspiration dans un principe fondamental : l’intérêt supérieur de l’enfant.
Même si certaines méthodes peuvent être discutées, voire contestées, comme les tests osseux pour la détermination de l’âge du mineur, il n’en demeure pas moins qu’un travail approfondi est mené chaque jour par des centaines de personnes à travers la France. Ce travail mérite d’être loué pour son efficacité.
Le retour volontaire du mineur isolé suppose le respect d’un certain nombre de principes directeurs, reposant là encore sur une prise en compte renforcée de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Cela passe notamment par l’accord du mineur et par un ensemble d’investigations permettant de s’assurer que le rétablissement des liens familiaux correspond à son intérêt supérieur et qu’il permet de le mettre à l’abri d’un certain nombre de risques d’exploitation, qui existent et qu’il ne faut pas minimiser.
Le retour volontaire du mineur isolé doit répondre à plusieurs principes propres à garantir non seulement la nécessité, mais également la faisabilité de ce retour. En premier lieu, le retour volontaire, comme son nom l’indique, se fonde sur l’accord du mineur : les travailleurs sociaux doivent s’assurer que cette volonté de retour est réelle et partagée.
Le lieu d’arrivée est aussi important que le départ, et les services sociaux doivent s’assurer que le bien-être de l’enfant sera garanti dans le pays de retour. L’intérêt supérieur de l’enfant, consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant, commande d’inscrire le retour volontaire dans le cadre d’un véritable projet de vie adapté à la situation personnelle du mineur. Sur ce point, l’étude préalable menée par les services sociaux constitue un outil indispensable.
Ce processus, toujours fondé sur l’accord du mineur, suppose une enquête sociale qui prépare le rétablissement des liens familiaux, et surtout détermine les dangers ou les risques encourus par le mineur à l’arrivée.
Cette enquête incombe non seulement aux services sociaux français, mais également au pays d’accueil, qui doit garantir que le retour du mineur se fera dans les meilleures conditions.
Nous sommes là au cœur de la protection des mineurs isolés : est-il dans l’intérêt supérieur de l’enfant de le renvoyer dans un pays où le contexte politique et social, le système de protection des mineurs ou les risques d’exploitation sont susceptibles de briser le processus sécurisé mis en place en France ?
C’est dans ces circonstances qu’intervient le juge des enfants : magistrat indépendant, c’est lui qui apprécie l’intérêt supérieur de l’enfant et qui décide si le retour est bénéfique à celui-ci.
Ce n’est qu’à l’issue de ce long processus que le juge prononce une mainlevée de placement après s’être assuré de la conformité du retour à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La protection du mineur peut cesser en France si et seulement si ces garanties sont respectées.
Or l’accord franco-roumain qui nous est présenté aujourd’hui contourne le droit commun de la protection des mineurs isolés pour créer un régime d’exception, qui privilégie la logique migratoire et celle de la lutte contre l’immigration illégale à la logique de la protection de l’enfance.
Plusieurs éléments permettent d’apprécier le nivellement par le bas des garanties offertes au mineur isolé par cet accord.
L’objectif est avant tout de faciliter l’éloignement, sans considération de la situation personnelle du mineur, ni de son bien-être, ni des risques qu’il encourt dans son pays d’origine. En d’autres termes, ce n’est rien de plus qu’un énième accord de réadmission qui ne dit pas son nom !
De manière méthodique, cet accord supprime les garde-fous pourtant nécessaires que j’évoquai à l’instant, qui permettent d’assurer un retour volontaire du mineur isolé selon un processus sécurisé et prenant en compte, de manière primordiale, l’intérêt supérieur de l’enfant.
Une à une, ces garanties sont supprimées au profit d’une logique de rentabilité, d’éloignement et, finalement, de maîtrise des flux migratoires.
La dimension humaine cède le pas à la logistique, ce qui nous semble aller à l’encontre non seulement des engagements internationaux de la France, mais également de la tradition française d’accueil et de protection, notamment des mineurs. Ne faites pas d’amalgame : nous parlons d’enfants, pas de délinquants !
Ce sont des mineurs fragilisés !
La philosophie globale de cet accord repose sur un axiome très contestable : il est présumé que l’intérêt supérieur du mineur isolé résiderait, avant tout, dans son retour au pays d’origine.
Ainsi, le processus protecteur de l’intérêt supérieur de l’enfant instauré par ce texte est bâclé, qu’il s’agisse du travail social ou de l’intervention de l’autorité judiciaire indépendante, en l’occurrence le juge des enfants, qui est court-circuité. Cela peut avoir des conséquences tragiques pour l’avenir et le bien-être du mineur.
Ces carences n’ont pas échappé à Mme le rapporteur, puisque le texte de l’accord a été repoussé une première fois le 13 mai 2009.
Nous pensions que cette position pertinente avait pour objet de laisser de la marge pour une nouvelle négociation. Or, en réalité, c’est bien le même texte qui nous est présenté aujourd’hui, souffrant des mêmes carences. Seule la position de la commission des affaires étrangères a changé…
Depuis 2002, le cadre juridique du retour volontaire des mineurs isolés roumains pose des difficultés. Celles-ci sont connues et l’encadrement juridique qui a été privilégié à l’époque présentait déjà de nombreuses lacunes. Mme Garriaud-Maylam juge d’ailleurs contrasté le bilan de l’application de l’accord de 2002.
Pour ma part, je me référerai à l’étude menée par l’association Hors la Rue intitulée Que deviennent les jeunes après leur retour en Roumanie ? Une enquête de terrain a fait apparaître que, sur vingt-trois jeunes rapatriés dans le cadre de l’accord franco-roumain de 2002, neuf déclarent n’avoir jamais été auditionnés par un juge, sept indiquent qu’aucune enquête sociale n’a été conduite pour préparer leur retour en Roumanie et douze affirment qu’aucun suivi socio-éducatif n’a été réalisé depuis leur retour. Combien d’entre eux sont revenus en France depuis ?
Ces seuls constats suffisent pour considérer que cet accord devait être modifié dans un sens qui préserve avant tout l’intérêt supérieur des mineurs plutôt que celui des États. Or l’accord qui nous est soumis aujourd’hui n’arrange rien ; il aggrave même les choses.
On aurait pu se contenter du droit commun de la protection de l’enfance, accompagné d’un renforcement de l’évaluation des garanties de prise en charge par le pays de retour. Pourtant, la France et la Roumanie se sont accordées sur un système dérogatoire qui porte une atteinte grave aux droits fondamentaux des mineurs isolés.
La première critique majeure que l’on peut adresser à cet accord concerne l’absence de garanties offertes par les autorités roumaines en matière de protection effective des mineurs une fois le retour décidé. À la longueur des enquêtes sociales s’ajoute un problème d’application effective des mesures : nous savons que l’autorité nationale roumaine pour la protection de l’enfance n’a pas assuré le suivi qui lui incombait en vertu de l’accord de 2002.
La France n’a reçu aucune information concernant la situation des jeunes rentrés au pays. Nous ne savons même pas s’ils sont restés dans leur famille. En termes de suivi, on peut faire mieux !
Les autorités roumaines n’ont même pas signé de conventions avec les ONG locales, et montrent ainsi une grande faiblesse en matière de réintégration des enfants une fois leur retour assuré, en dépit des engagements qu’elles avaient pris. On comprend donc mieux pourquoi les mineurs reviennent sur le territoire français quelques mois après leur retour dans leur pays d’origine !
Qu’apporte le présent accord de ce point de vue ? Rien ! Au contraire, il réduit encore les obligations de la partie roumaine, ne prévoyant pas les garanties minimales relatives au suivi et à la réintégration des mineurs. La réalisation d’une enquête sociale n’y figure pas, de même que la communication aux autorités roumaines des mesures de protection.
Plus grave encore, la partie roumaine n’est plus tenue de recueillir l’accord des parents de l’enfant à son retour, tandis que la France n’a plus à obtenir celui du mineur. Le retour volontaire se transforme en mesure d’éloignement forcé, sans aucune garantie judiciaire ni procédurale. Nous sommes là devant un obstacle qui me semble insurmontable : les droits fondamentaux des mineurs sont bafoués, notamment avec l’exclusion totale de la procédure du juge des enfants, pourtant compétent en la matière, au profit du procureur de la République, aux ordres du pouvoir et soumis aux instructions ministérielles pour l’application d’une politique de lutte contre l’immigration.
Je rappelle que la question de l’indépendance du parquet fait débat depuis un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme : il ne peut pas être considéré comme une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dès lors, il ne peut prendre une mesure aussi grave que l’éloignement d’un mineur.
D’ailleurs, le procureur de la République n’a aucune compétence en matière de protection de l’enfance, sauf en cas d’urgence ; mais même dans cette situation, il doit aviser le juge des enfants sous huit jours.
Or, par cet accord, le procureur de la République devient compétent pour décider d’une mesure définitive d’éloignement, en violation de la Convention européenne des droits de l’homme et, surtout, de la Convention internationale des droits de l’enfant.
En outre, cette décision, qui n’est ni contradictoire, ni précédée d’une audition de l’enfant, ni motivée, ni susceptible d’une voie de recours, porte une atteinte irrémédiable au droit de l’enfant à un procès équitable, et plus particulièrement aux droits de la défense.
Cet accord est donc contraire à la Constitution, ainsi qu’aux engagements internationaux de la France. Il piétine les garanties minimales liées à la protection de l’enfance.
De plus, en prévoyant un régime spécifique aux mineurs isolés roumains, il consacre une discrimination fondée sur la nationalité en matière de protection de l’enfance : les uns bénéficient d’un droit commun protecteur, les autres d’une procédure sommaire, pour ne pas dire d’une procédure d’exception, sans protection judiciaire effective.
Mes chers collègues, la question des mineurs isolés ne peut être traitée dans un cadre bilatéral : tous les États européens sont intéressés à son règlement. Oui, c’est un vrai problème, mais la Roumanie, c’est l’Europe : par conséquent, seul l’échelon européen pourra apporter une réponse harmonisée, qui devra avant tout manifester le souci de la protection effective des mineurs isolés et de leur bien-être.
Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs Verts refuseront de ratifier cet accord : nous n’acceptons pas de sacrifier l’intérêt supérieur des mineurs en détresse sur l’autel de la surenchère migratoire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ai entendu une litanie de contre-vérités, auxquelles je voudrais maintenant répondre sur certains points.
Effectivement, j’ai eu des doutes en présentant le premier rapport et j’ai demandé à ce que l’on sursoie à son adoption, afin que je puisse me rendre en Roumanie pour vérifier les allégations propagées par certaines associations auditionnées en commission. À cet égard, j’aurais aimé que certains de nos collègues se donnent la même peine avant de se faire l’écho de telles affirmations à la tribune d’une assemblée parlementaire !
Il est faux de prétendre que l’intervention du parquet empêchera l’enfant d’exprimer son consentement à un retour. Cela relève du droit général ! Pourquoi le recours au parquet exclurait-il la consultation du mineur ?
Par ailleurs, certains propos que j’ai entendus sont profondément méprisants pour la Roumanie. J’ai l’impression que votre vision de ce pays date de l’ère Ceausescu. Or la Roumanie a fait d’énormes progrès ! Je l’ai dit tout à l’heure, j’ai eu l’occasion de rencontrer les principaux acteurs de la protection de l’enfance dans ce pays. De quel droit peut-on affirmer qu’un enfant sera privé de protection dès lors qu’il aura été renvoyé dans son pays d’origine, où il retrouvera sa famille ?
Mme Boumediene-Thiery a fait référence à la Convention internationale des droits de l’enfant. Ma chère collègue, cette convention demande justement que l’enfant soit réuni à sa famille ! C’est le droit premier d’un enfant que de vivre dans son pays d’origine !
Je souligne en outre le travail accompli par l’ambassade de France. Même si la coopération bilatérale a été arrêtée, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, subventionne de nombreux programmes de réinsertion, d’aide aux familles, d’apprentissage d’un métier.
Madame le rapporteur, vous avez raison de souligner que c’est surtout à l’échelle européenne que nous trouverons des solutions durables et réellement satisfaisantes en la matière. À ce titre, il faut d’ailleurs saluer l’initiative franco-roumaine, qui a été reprise par l’Italie et par l’Espagne. Nous devons pérenniser à l’échelon européen le traitement des mineurs isolés, et je compte sensibiliser mes collègues européens à cette question lors des conseils « justice et affaires intérieures ».
Monsieur Billout, contrairement à ce que vous avez indiqué, l’accord ne vise pas à la mise en œuvre d’une politique de retours forcés dans le cadre de la répression de l’immigration illégale. Je souligne à mon tour qu’il est conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant. La loi française interdit l’expulsion et la reconduite à la frontière des mineurs, et le présent accord ne revient pas, bien entendu, sur ces interdictions.
Rappelons d’ailleurs que l’application de l’accord de 2002 n’a donné lieu, en pratique, qu’à cinquante retours en Roumanie pour plus de trois cents identifications de mineur : on ne peut donc pas parler de politique du chiffre !
Au contraire, cet accord remédie à l’absence de dispositif adapté concernant les mineurs étrangers isolés à l’échelon de l’Union européenne. La France se conforme au droit communautaire avec ce texte, plus précisément à la directive 2004/38/CE. L’accord n’introduit pas de discrimination entre les mineurs. Tous bénéficient des dispositifs de l’assistance éducative prévus par l’article 375 du code civil, qui peuvent être mis en œuvre si leur santé, leur sécurité, leur moralité ou les conditions de leur développement sont compromises.
Concrètement, monsieur Billout, lors du rapatriement, les mineurs ne sont pas pris en charge par les services de police, comme ce serait le cas dans une procédure normale d’expulsion, mais par les services de l’OFII. Il s’agit donc non pas d’une expulsion, mais d’un raccompagnement préparé, avec identification du mineur et de sa famille, demande de rapatriement des autorités roumaines, identification du lieu d’accueil en Roumanie et des conditions de prise en charge.
Je voudrais maintenant revenir sur le rôle dévolu au parquet, que plusieurs orateurs ont évoqué.
Les dispositions prévues pour accélérer, si nécessaire, la procédure de rapatriement des mineurs sont conformes au droit français. L’article 375-5 du code civil accorde au parquet des pouvoirs en matière de protection de l’enfance en danger. En cas d’urgence, le procureur de la République dispose d’un délai de huit jours pour intervenir.
Lors des débats préparatoires, l’association Hors la rue, que plusieurs d’entre vous ont citée, a elle-même fait état de la situation de mineurs qui, lassés d’attendre trop longtemps un retour qu’ils souhaitaient, ont entrepris de regagner leur pays par leurs propres moyens.
L’accord ne modifie pas le droit français qui impose la saisine du juge des enfants au-delà du délai de huit jours. Dans la pratique, les parquets sollicitent l’enquête sociale mais, la procédure excédant le plus souvent le délai de huit jours, ce sont les juges des enfants qui autorisent les retours.
Monsieur About, je saisis l’occasion de votre intervention, qui était très équilibrée, pour marquer solennellement mon désaccord avec certaines critiques formulées à l’encontre des procureurs, que j’ai encore entendues cet après-midi. Selon ces critiques, le recours à un magistrat du parquet offrirait, dans les cas qui nous intéressent, moins de garanties au regard de l’intérêt de l’enfant. Je me limite bien entendu à ce sujet, sans aborder le débat général sur le rôle du parquet. Est-ce à dire que les 2 500 magistrats du parquet, qui œuvrent quotidiennement pour la défense de l’intérêt général, et qui, aux termes de la loi, requièrent au nom du peuple français ne sont pas aptes à estimer l’intérêt de l’enfant ? Que penser alors de l’action des parquets dans les affaires impliquant des mineurs ou encore de la mise en œuvre de l’ordonnance de 1945 ?
Je tiens à rendre hommage à l’action des procureurs de la République, auxquels nos concitoyens sont attachés, particulièrement pour le traitement de questions aussi sensibles que celles-ci.
Madame Tasca, vous avez indiqué que les mineurs étrangers avaient droit à une « protection absolue ». Je me retrouve dans cette expression. Mais, contrairement à ce que vous affirmez, le nouvel accord de 2007 ne constitue pas une régression. Au contraire, il va dans le bon sens – même s’il reste bien entendu du chemin à parcourir –, car il tient compte du bilan tiré de l’expérience de l’accord de 2002.
Comme vous le savez, l’accord de 2007 comprend deux innovations.
En premier lieu, il instaure un suivi plus étroit de la situation des mineurs raccompagnés, qui fait l’objet de l’article 4 de l’accord. Ce suivi est de nature à répondre aux insuffisances que vous avez dénoncées, et qu’il ne faut surtout pas généraliser.
En second lieu, il prévoit des moyens pour lutter contre les réseaux organisés d’exploitation des mineurs.
Ces deux dispositions représentant un progrès incontestable, leur entrée en vigueur ne peut être repoussée aux calendes grecques. Cessons donc de dire que cet accord intergouvernemental est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, car il représente au contraire une avancée ! Cet accord est équilibré et il nous permettra de renforcer la lutte contre les réseaux et d’améliorer la protection des mineurs.
Monsieur del Picchia, je vous remercie du soutien que vous avez, au nom de votre groupe, apporté à cet accord. Vous avez notamment souligné le travail d’approfondissement réalisé par la commission des affaires étrangères, sous l’autorité de son président, Josselin de Rohan, et de Mme le rapporteur.
Comme vous l’avez indiqué, cet accord vise à redynamiser la coopération judiciaire avec la Roumanie, et j’ai rappelé, dans mon intervention liminaire, dans quel esprit cette initiative avait été lancée. L’accord améliore l’organisation du retour des mineurs en Roumanie, qui est réalisée par le groupe de liaison opérationnel. J’ai déjà eu l’occasion, avec Mme le rapporteur, d’insister sur le rôle de ce groupe – il n’a été que peu évoqué –, qui travaille avec certaines organisations non gouvernementales et associations.
Madame Boumediene-Thiery, j’ai bien écouté votre argumentation, tout en nuances, … comme souvent !
Mme Alima Boumediene-Thiery sourit.
Le Gouvernement – vous le savez d’ailleurs, madame –ne remet pas en cause les principes de l’assistance éducative ! Il n’entend pas davantage supprimer l’enquête sociale préalable au retour des mineurs, qui est prévue à l’article 4 de l’accord. J’ajoute qu’il est fait obligation au magistrat – du siège ou du parquet – saisi de la situation d’un mineur isolé de demander sans délai aux autorités roumaines des éléments sur la situation administrative et personnelle de ce mineur afin d’arrêter les modalités de sa prise en charge.
Quelle que soit la situation, les magistrats, les associations et les organisations non gouvernementales travaillent tous dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Le moment venu, nous préciserons aux parquets dans quel esprit nous entendons mettre en œuvre cette convention, ce qui n’est en rien contradictoire avec le rôle très important dévolu aux procureurs de la République.
Je pense que nous sommes d’accord pour reconnaître que l’intérêt supérieur des enfants doit guider notre action. J’espère donc que cette convention sera adoptée et que l’accord pourra enfin entrer en application.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs, signé à Bucarest le 1er février 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
(Textes de la commission)
L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.
Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.
Avant de les mettre successivement aux voix, je donne la parole à M. le président de la commission.
Je tiens à m’inscrire en faux contre une observation de notre collègue Michel Billout, qui considère que le recours à la procédure d’examen simplifié permet d’adopter des conventions en catimini.
Mon cher collègue, c’est la deuxième fois qu’un membre de votre groupe fait cette observation. Je me permets donc de vous rappeler que le règlement du Sénat prévoit expressément que certains projets de loi tendant à autoriser l’approbation ou la ratification de conventions internationales puissent être adoptés selon une procédure d’examen simplifié. Il appartient au rapporteur de ces textes de demander l’application de cette procédure.
En revanche, si un seul groupe politique demande l’organisation d’un débat, ce dernier est de droit. Nous venons d’en avoir une illustration. Mme Tasca avait demandé – à juste titre, me semble-t-il – l’organisation d’un débat sur l’accord entre la France et la Roumanie relatif à la protection des mineurs roumains, et ce débat a eu lieu.
Prétendre que nous voudrions procéder « à l’étouffée » me paraît contraire à la vérité. Les neuf dixièmes des conventions que nous adoptons ne soulèvent aucune difficulté de nature politique, ce qui explique pourquoi les rapporteurs demandent le recours à la procédure d’examen simplifié. Alors, je vous en prie, mon cher collègue, n’inventons pas des complots qui n’existent pas !
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque sur l’échange de données et la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale, signé à Chantilly, le 11 juillet 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque sur l’échange de données et la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale (projet n° 605 (2008-2009), texte de la commission n° 311, rapport n° 310).
Le projet de loi est adopté.
Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, signé à Paris le 17 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale (projet n° 273, texte de la commission n° 312, rapport n° 310).
Le projet de loi est définitivement adopté.
Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Pékin le 26 novembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (projet n° 274, texte de la commission n° 314, rapport n° 313).
Le projet de loi est définitivement adopté.
Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
Permettez-moi d’observer que la procédure d’examen simplifié présente tout de même quelques mérites !
Sourires
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Roger Romani.