Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 18 février 2016 à 14h30
Protection de l'enfant — Adoption en nouvelle lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Laurence Rossignol, ministre de la famille, de l'enfance et des droits des femmes :

Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà plus d’un an que le travail engagé par les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini a mobilisé le Parlement sur un sujet dont on ne parlait jusqu’alors que trop peu : la protection des enfants, et la politique publique qui la garantit.

Nous touchons aujourd’hui au terme, au Sénat, du chemin législatif de cette proposition de loi émanant de la chambre haute.

Ce chemin est caractérisé par de réelles avancées pour les enfants accompagnés et pour leurs familles, par des désaccords, par des inquiétudes que l’échange et la concertation ont souvent permis d’apaiser, enfin et surtout par l’investissement et le travail de nombreux parlementaires sur un sujet sur lequel, on le sait bien, le gain politique est très faible, mais qui fait appel aux valeurs universelles pour lesquelles nous savons nous retrouver, en dehors des clivages partisans, et qui déterminent le sens de notre action.

Cette dernière lecture au Sénat ne marque pas pour autant la fin de la réforme de la protection de l’enfance, dont cette proposition de loi constitue le volet législatif.

En effet, celle-ci se poursuit dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de la feuille de route pour la protection de l’enfance : 101 actions construites avec les acteurs de terrain pour les soutenir dans l’évolution de leurs pratiques professionnelles, leur donner des repères et des outils sur lesquels s’appuyer.

Des groupes de travail thématiques ont été installés, qui permettent de poursuivre la dynamique de concertation engagée depuis plus d’un an maintenant et d’alimenter la réforme en cours.

J’attache une grande importance, vous le savez, à ce que les départements soient directement associés à ces chantiers.

J’ai maintenu le groupe de concertation avec les représentants des départements, l’Observatoire de l’action sociale décentralisée, l’ODAS, et l’Observatoire de l’enfance en danger, l’ONED, qui se réunit maintenant tous les deux mois et suit de près la mise en œuvre de la feuille de route.

Je continue de rassembler régulièrement les élus des départements, qui apprécient l’espace d’échange et de réflexion ouvert par nos soins à l’occasion de cette réforme.

Ce suivi est nécessaire car les lois ont besoin, dans leur application, de se confronter aux réalités de terrain, aux réalités des territoires, à leurs évolutions.

Nous l’avons constaté avec la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, dont le rapport des sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini a pu mesurer les difficultés de mise en œuvre.

Je le redis sans ambiguïté, la loi de 2007 est une bonne loi, mais il faut aujourd’hui aller plus loin, profiter des neuf années de recul qui nous séparent du texte pour apporter de nouvelles améliorations au dispositif de protection de l’enfance, en se centrant sur l’enfant et la prise en compte de ses besoins.

C’est pourquoi j’ai porté dans ce texte une nouvelle définition de la protection de l’enfance, clairement inspirée des valeurs et des principes de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Très naturellement, le meilleur intérêt de l’enfant et la perspective de bientraitance – notamment institutionnelle – se sont imposés comme le socle à partir duquel construire chacune des actions de la feuille de route. Très naturellement, la philosophie d’une politique publique centrée sur l’enfant a rythmé l’élaboration de ce texte.

Cette philosophie se retrouve bien évidemment au sein des trois objectifs portés par la proposition de loi : mieux prendre en compte les besoins de l’enfant dans leur pluralité ; améliorer le repérage et le suivi des situations de maltraitance, de danger ou de risque de danger ; développer la prévention à tous les âges de l’enfance.

Lorsque l’on appréhende la mise en œuvre d’une politique publique par le prisme de son premier bénéficiaire, a fortiori pour nos politiques sociales, certaines réponses apparaissent spontanément, certains verrous conceptuels sautent immédiatement.

Centrer son approche de la protection de l’enfance sur l’enfant, c’est envisager l’enfant dans la pluralité de ses besoins ; c’est envisager l’enfant dans son parcours et dans son environnement.

Cela signifie, par exemple, que la cohérence et la continuité du parcours de l’enfant sont clairement posées comme des priorités dans la loi.

Cela signifie également s’appuyer sur les ressources de l’environnement de l’enfant pour construire, avec lui et toutes les personnes qui comptent pour lui, des solutions adaptées, que ce soit dans le cadre de l’élaboration du projet pour l’enfant, ou dans une démarche de prévention, en favorisant les réseaux de solidarité.

Cette philosophie partagée de la protection de l’enfance, irriguant l’ensemble des actions de la feuille de route, constitue, à mon sens, une des évolutions majeures rendues possibles par la réforme de la protection de l’enfance.

Le texte que nous examinons aujourd’hui traduit, de ce point de vue, une avancée dans le respect des engagements de la France en faveur des droits de l’enfant.

Je me trouvais, voilà un peu plus d’un mois, à Genève, pour défendre la position de la France devant le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies.

Devant un comité attentif et exigeant, j’ai pu témoigner de ce changement de regard sur l’enfant, sur sa place dans notre société, sur le respect que nous lui devons en tant que personne, sur l’effectivité de ses droits. J’ai affirmé l’attachement de la collectivité aux valeurs qui en découlent, et souligné l’apparition du terme « enfance » dans la titulature, aujourd’hui, d’un ministère de plein exercice, et qui trouvera à s’épanouir dans une stratégie nationale pour l’enfance et l’adolescence.

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