Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la longue procédure parlementaire d’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’enfance approche de son terme.
Ce texte fait suite au rapport d’information que j’avais rédigé, au nom de la commission des affaires sociales, avec notre ancienne collègue Muguette Dini. Ce rapport constatait, comme Mme la ministre vient de le faire, que la loi du 5 mars 2007 était une bonne loi, mais soulignait le caractère inégal et trop disparate sur le territoire de la mise en œuvre de certaines de ses dispositions et de certains des principes posés par elle.
S’il est normal qu’une politique décentralisée ne soit pas menée de manière uniforme, nous ne pouvons nous satisfaire d’une situation dans laquelle trop de jeunes voient leur enfance, parfois leur vie, détruite du fait des défaillances des institutions et des dispositifs censés assurer leur protection.
Dans ce contexte, l’ambition de cette proposition de loi est d’apporter des réponses concrètes. L’objectif est de renforcer la gouvernance et d’aider les départements qui connaissent des difficultés en diffusant des méthodes et des pratiques qui ont fait leurs preuves dans les départements les plus en pointe.
La plupart des dispositions du texte initial ont fait consensus parmi nous, et le Sénat avait adopté, en mars 2015, un texte comportant seize articles.
Sur certaines des dispositions qui faisaient débat dans cet hémicycle, la position du Sénat a évolué au cours de la navette parlementaire. Je pense notamment à l’inscription de l’inceste dans le code pénal, ou à la réforme de la procédure judiciaire d’abandon. La rédaction des dispositions en question semble maintenant équilibrée, notamment grâce à l’apport de la commission des lois et de son rapporteur pour avis, François Pillet, dont je salue le travail.
Par ailleurs, si c’est bien le Sénat qui est à l’origine de ce texte, au travers de la mission d’information lancée par notre commission des affaires sociales au début de l’année 2014, l’Assemblée nationale et le Gouvernement s’en sont saisis, notamment à la suite de la concertation nationale que vous avez menée dès 2014, madame la ministre.
Je profite de cette intervention pour vous féliciter, madame la ministre, pour votre nomination à la tête de ce nouveau ministère. §Je ne doute pas de votre volonté d’agir avec fermeté, conviction, détermination et en faveur de combats et de valeurs que nous partageons.
Revenons à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Le texte a été substantiellement enrichi, et un certain nombre des dispositions proposées par le Gouvernement ont reçu sans grande difficulté l’accord du Sénat. Je pense notamment à la possibilité de confier un mineur protégé à un tiers bénévole digne de confiance ou encore à l’inscription dans la loi du dispositif de répartition sur le territoire des mineurs isolés étrangers qui a fait l’objet d’un accord entre l’État et les départements en 2013.
Malgré ce consensus de nos deux assemblées sur la grande majorité des dispositions du texte, plusieurs points de désaccord subsistent. Ainsi, le Sénat s’est opposé à la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance, chargé de conseiller le Gouvernement sur les orientations nationales de cette politique, dans le respect du principe de décentralisation. Cette mesure faisait pourtant partie des recommandations du rapport d’information rédigé avec Muguette Dini et voté à l’unanimité.
Par ailleurs, le Gouvernement propose que l’allocation de rentrée scolaire due au titre d’un enfant placé auprès d’un service de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, ne soit plus versée à ses parents, mais sur un compte auquel l’enfant aura accès à sa majorité. Si, à titre personnel, je salue cette disposition originale et utile, le Sénat préfère quant à lui que cette allocation soit versée au service qui a la charge de l’enfant.
Ces deux points d’achoppement majeurs, ainsi que plusieurs sujets de désaccord plus ponctuels, expliquent l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 12 janvier dernier.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté un texte quasiment identique à celui qui était issu de ses travaux en deuxième lecture.
Le Sénat a donc été saisi d’un texte de cinquante et un articles, dont seulement vingt et un sont encore en discussion. La commission des affaires sociales, lors de sa réunion du 10 février dernier, a adopté dix-huit amendements, supprimant deux articles et modifiant sept autres. La commission est notamment revenue sur la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance et a rétabli le versement de l’allocation de rentrée scolaire au service départemental.
Par ailleurs, sur mon initiative, la commission a supprimé certaines des dispositions ajoutées au texte par l’Assemblée nationale et qui apparaissaient surabondantes par rapport au droit existant.
Si j’ai eu l’occasion d’émettre un avis défavorable sur un certain nombre de ces modifications, je voudrais souligner que les désaccords qui subsistent portent sur un nombre limité de dispositions du texte.
Nos avis divergent parfois sur les moyens d’y parvenir, mais nous partageons toutes et tous ici l’objectif d’offrir rapidement aux enfants de notre pays le meilleur niveau de protection possible, et ce sur l’ensemble du territoire. Quelques jours après l’annonce des recommandations faites à la France par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, ces enjeux prennent tout leur sens. Et c’est peu dire !
Je suis sûre que nous pourrons, au cours de nos débats, retrouver l’état d’esprit constructif si caractéristique de notre assemblée, et avancer enfin vers la version finale d’un texte utile, efficace et qui rassemble.