Madame la présidente, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons, enfin, à la fin du processus législatif sur ce texte relatif à la protection de l’enfant. Cela a été très long, même si nous étions tous d’accord dès le départ pour saluer la nécessité de repenser et compléter la loi de 2007. Je tiens à remercier encore Michelle Meunier et Muguette Dini pour la qualité de leur travail sur un sujet si sensible, si fondamental, mais également si complexe, car il fait intervenir une multitude d’acteurs.
Les récents drames rendus publics dans les médias sont là pour nous le rappeler : notre dispositif actuel de protection de l’enfant est encore insuffisant et n’arrive pas à prévenir efficacement certaines situations problématiques. La coordination entre tous les professionnels de la protection de l’enfant est indispensable. Il faut communiquer, décloisonner, partager, coopérer, homogénéiser les dispositifs entre les territoires.
Malheureusement, plusieurs dispositions allant dans ce sens ont été supprimées en commission. La création d’un Conseil national de la protection de l’enfant en fait partie, alors qu’il aurait été une entité centralisatrice des bonnes pratiques bienvenue, car, tout le monde s’accorde pour le dire, les disparités entre les territoires sont encore trop grandes.
Déjà vingt-trois articles ont fait consensus entre les deux assemblées. Ils contiennent des avancées notables, dont la mise en place d’un projet pour l’enfant, la collaboration possible entre les services de l’aide sociale à l’enfance de différents départements, ou encore l’aide à la parentalité.
Le texte renforce également l’accompagnement des enfants suivis par l’aide sociale à l’enfance, et notamment dans la transition vers la majorité. C’est indispensable pour que les jeunes puissent passer de l’ASE à la vie autonome en toute sérénité.
Il inscrit par ailleurs dans le code pénal la notion d’inceste, mesure très attendue, et nous le saluons.
Cependant, un point nous pose particulièrement problème, et nous avons déposé deux amendements à ce sujet : il s’agit des tests osseux. La circulaire de 2013 explicitait le cadre de l’action des départements et de l’État et prônait bienveillance et bénéfice du doute. En effet, le test osseux n’est pas fiable scientifiquement – ce n’est pas moi qui le dis –, puisque les marges d’erreurs vont jusqu’à vingt-quatre mois ! C’est un dispositif, de fait, arbitraire, très lourd pour des enfants par ailleurs en grande fragilité psychologique, mais il est toujours largement utilisé, et ce malgré les demandes des associations, des médecins, du Haut Conseil de la santé publique, du Conseil national de l’ordre des médecins que ces tests « soient bannis » dans le cadre des politiques d’immigration. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a préconisé par ailleurs en février dernier la suppression de « cette pratique indigne ».
Nos collègues de l’Assemblée ont cherché à l’encadrer, mais cela pose problème, parce que, du coup, ils ont donné au dispositif une base légale, et en l’accompagnant de mesures qui se voulaient restrictives, mais qui paraissent en réalité peu efficaces. L’enfant peut refuser les tests. Mais comment s’assurer qu’il comprenne bien les enjeux du test qu’on lui propose ? Et s’il refuse, qu’adviendra-t-il de lui ? Que répondre aux médecins qui s’opposent, pour des raisons d’éthique professionnelle, à ces tests qui les obligent à poser un diagnostic prétendument scientifique en se fondant sur des analyses qui sont scientifiquement contestées ? Il ne nous paraît pas raisonnable de faire figurer ces tests dans un texte de loi.
Je tiens également à revenir à mon tour sur l’article 22 quater, qui traite de la répartition de l’accueil des mineurs isolés étrangers entre les départements. Les budgets des départements alloués à l’accueil de ces enfants sont toujours aussi serrés, et la volonté de répartir les enfants, et donc les efforts, dans tous les départements se heurte parfois à l’obstruction de certains qui refusent de les accueillir.
Selon nous, il faut prévoir dans la loi les modalités d’une prise en charge conforme aux valeurs énoncées dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France est, rappelons-le, signataire. Sur ce point, le rapport rendu récemment par l’UNICEF nous rappelle que la France a des progrès à faire.
Sont particulièrement concernés les enfants roms, ceux de Mayotte et d’autres départements et collectivités d’outre-mer, sans compter les camps de migrants où, nous le savons tous, les conditions de vie sont particulièrement difficiles.
Il n’est pas possible de laisser quelques départements surchargés – je citerai aujourd’hui quelques exemples tels le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône ou la Seine-Saint-Denis ; cela a été évoqué en commission – organiser seuls l’accueil de ces enfants migrants en grande vulnérabilité. La proposition de répartir l’accueil entre tous les départements est une mesure de solidarité nationale indispensable, qui doit figurer dans la loi et qui permettrait à tous les territoires de France d’œuvrer pour que ces enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes et à la merci des réseaux. Ce dispositif, issu d’un accord entre l’État et l’Assemblée des départements de France, doit être inscrit dans un texte législatif pour être valide et permettre enfin que nous avancions sur ces questions.
Mes chers collègues, si les écologistes soutiennent, sur le fond, la plupart des mesures présentées dans le texte issu des débats à l’Assemblée nationale, nous ne nous inscrivons pas dans la logique portée par la majorité sénatoriale et qui a prévalu lors des débats en commission. Si ce texte reste en l’état, nous ne pourrons le voter.