Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous abordons l’ultime lecture de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, après l’échec de la commission mixte paritaire.
S’il n’est nullement question de remettre en cause les principes et l’équilibre de la loi de juillet 1989, complétée par celle du 5 mars 2007, Mme la rapporteur Michelle Meunier, après le travail mené avec Muguette Dini, nous propose de tirer les conséquences de leur application, d’en corriger les imperfections et les dysfonctionnements constatés, tout en apportant des réponses à de nouvelles problématiques.
Le texte initial a été étoffé et comporte désormais une cinquantaine d’articles. Il recèle des évolutions très attendues par les départements, les associations, les travailleurs sociaux, les juges, les médecins, les familles, sans oublier les enfants eux-mêmes. Il rencontre donc un accueil très favorable.
Pourquoi ce consensus ?
La proposition de loi relative à la protection de l’enfant répond à plusieurs grands défis, en plaçant l’enfant au cœur du dispositif, en s’attaquant aux trop grandes disparités territoriales, en améliorant le pilotage de cette politique par les conseils départementaux, pilotage qui s’appuie, conformément au souhait des départements, sur une doctrine, une philosophie et des repères.
Grâce aux débats constructifs qui se sont tenus au sein des deux assemblées du Parlement, mais aussi grâce à la très large concertation que vous avez menée à l’automne 2014, madame la ministre, réunissant l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance, les élus et les institutions, de nombreuses avancées sont d’ores et déjà acquises.
Parmi ces acquis nouveaux, je relève d’abord un changement d’approche. L’enfant devient l’acteur central et sera désormais associé à l’élaboration du contenu de son propre projet.
Ensuite, la place des personnes qui s’impliquent auprès de lui est reconnue. Il s’agit d’un point important qui concourra à lutter contre les placements abusifs via la mobilisation des ressources de l’environnement proche de l’enfant, lorsque c’est dans son intérêt. Cette approche sera de nature à éviter les ruptures et favorisera la stabilité du parcours.
Un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social du parent et de l’enfant sera mis en place, dans les cas d’enfants nés sous le secret ou d’enfants pupilles de l’État restitués à l’un des parents.
La révocation de l’adoption simple lorsque l’adopté est mineur ne pourra être demandée que par le ministère public, pour motifs graves. Cette modification, nous l’espérons, lèvera les réticences des acteurs à l’égard de cette procédure et devrait favoriser le recours à cet outil de protection de l’enfant.
Enfin, la notion d’inceste a été introduite dans le code pénal. Il s’agit d’une avancée très attendue, en premier lieu par les victimes.
Vingt et un articles restent en discussion et deux mesures continuent de faire l’objet de désaccords chroniques : la création du Conseil national de protection de l’enfance, qui permettra d’assurer la cohérence et la coordination des politiques de protection de l’enfance et le versement de l’allocation de rentrée scolaire, lorsque l’enfant est confié au service d’aide sociale à l’enfance, sur un compte bloqué à la Caisse des dépôts et consignations.
La création du Conseil national de protection de l’enfance comporte, aux yeux de certains de nos collègues, deux inconvénients : il s’ajouterait inutilement à des institutions qui remplissent déjà le rôle qui lui est confié et il porterait atteinte à la libre administration des départements.
Pourtant, son objectif est bien de garantir, à l’avenir, une égalité de traitement entre tous les enfants sur l’ensemble du territoire. Or, à ce jour, il faut le reconnaître, le trop grand nombre d’instances qui ont compétence sur ce sujet, nuit à la bonne coordination des politiques.
Le Conseil national pour la protection de l’enfant doit donc se substituer à plusieurs structures : le comité technique de prévention spécialisée et le comité interministériel de l’enfance maltraitée. Il sera chargé d’animer, de coordonner et d’évaluer la mise en œuvre de la politique de la protection de l’enfance.
Il s’agit donc d’une avancée essentielle qui répond à la demande des professionnels de disposer d’une instance pluridisciplinaire où les services de la justice, des départements, de la pédopsychiatrie, des maisons des adolescents, etc. pourront s’asseoir autour d’une table et discuter de leurs pratiques afin de se coordonner et d’accorder leurs méthodes de travail.
Mutualiser les bonnes pratiques et homogénéiser les actions des services départementaux ne sont pas des objectifs dont la nature porte atteinte au principe de libre administration des départements ! Cette interprétation, à la fois présumée et erronée, ne correspond en rien au but recherché. L’ensemble de nos collègues de l’Assemblée nationale, je dis bien l’ensemble, au-delà des clivages partisans, ne s’y est pas mépris.
J’émets le vœu que nous puissions ici les imiter. C’est la raison pour laquelle je défendrai, au nom de mon groupe, un amendement pour rétablir la création de cette institution, véritable pilier de la présente proposition de loi.
La seconde pierre d’achoppement, objet de profonds désaccords, concerne le versement de l’allocation de rentrée scolaire lorsqu’un enfant est confié à l’aide sociale à l’enfance.
Il s’agit d’une mesure innovante dont l’objectif est d’accompagner les jeunes majeurs vers l’autonomie. Son but est de constituer un petit pécule à l’enfant, qui est mis à sa disposition à sa majorité, de façon à l’aider à se lancer dans la vie dans des conditions plus sereines. Je regrette, là encore, que notre commission ait une nouvelle fois supprimé ce dispositif. Le choix a été fait de restituer l’allocation aux départements, alors que ce pécule serait pourtant beaucoup plus utile à des jeunes déjà fragilisés par la vie. Nous pourrions également leur adresser ainsi un signal fort. C’est pourquoi je proposerai également de réintroduire cette mesure par voie d’amendement.
Mes chers collègues, le texte que nous allons examiner intègre des avancées majeures qui concourent à donner un cadre et des repères à la politique de protection de l’enfant. Grâce aux solutions très pragmatiques proposées dans ce texte, l’enfant aura un parcours mieux sécurisé et des conditions d’existence améliorées. La loi du 4 mars 2007 s’en trouvera ainsi confortée.
Je tiens de nouveau à saluer le travail de notre collègue rapporteur Michelle Meunier, qui n’a pas ménagé ses efforts et nous donne l’occasion de voter un texte de loi au service de la cause de l’enfant.