Intervention de François Autain

Réunion du 16 novembre 2006 à 9h45
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Article 35

Photo de François AutainFrançois Autain :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voulions supprimer la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques, qui nous semblait avoir perdu de son sens. Comme nous avons oublié de déposer sur ce point un amendement et comme il aurait certainement reçu un avis défavorable, je me contenterai d'intervenir sur l'article.

Je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas saisi l'occasion de la modification de la tarification des médicaments bénéficiant d'une autorisation temporaire d'utilisation pour engager une réflexion sur le mode de tarification de l'ensemble des médicaments à usage hospitalier.

La situation qui prévaut dans ce domaine est pleine d'incohérences, d'anachronismes et, ce qui me paraît beaucoup plus grave, entraîne des dépenses inutiles pour l'assurance maladie. Voilà bien un secteur dans lequel il serait possible de faire d'importantes économies si le Gouvernement voulait bien s'en donner les moyens.

Alors que le prix des médicaments dispensés en officine est fixé par décret, depuis 1987, celui des médicaments achetés par les hôpitaux est libre. En d'autres termes, alors que le marché des médicaments remboursés dispensés dans les officines est administré, le marché hospitalier du médicament est complètement dérégulé.

On pourrait penser que, la concurrence aidant, le prix du médicament serait moins élevé à l'hôpital. C'est tout le contraire qui se produit, ce qui tendrait à prouver que le libéralisme économique n'a pas que des vertus !

La clé d'accès à l'hôpital pour un médicament est son inscription sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques. Cette dernière est distincte de la liste des spécialités remboursées, mais gérée par la même commission, à savoir la commission de la transparence. La commission compétente pour délivrer l'agrément des médicaments à l'usage des collectivités publiques n'est intervenue, me semble-t-il, qu'à deux reprises au cours de ces cinquante dernières années. Si elle existe encore, elle devrait être supprimée.

Quoi qu'il en soit, la procédure d'agrément relative aux collectivités publiques est beaucoup moins contraignante que la procédure d'inscription sur la liste des médicaments remboursés. C'est la raison pour laquelle de nombreux laboratoires sollicitent, pour leurs médicaments, l'agrément à l'usage des collectivités publiques en demandant l'admission au remboursement par la sécurité sociale. Cela leur permet d'échapper au régime de contrôle des prix et, comme les prix pratiqués à l'hôpital sont plus élevés, d'un tirer un avantage substantiel. Cette pratique a été officiellement dénoncée par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et par la Cour des comptes.

De plus, de tels médicaments n'étant distribués qu'en milieu hospitalier, la question de la continuité des soins se pose inévitablement. C'est ainsi que la mutualité sociale agricole a fait remarquer que « la stratégie, développée par certains laboratoires de ne pas demander l'inscription de leurs produits sur la liste des spécialités remboursables peut s'avérer à l'origine de problèmes d'accès aux soins », d'où la nécessité de la rétrocession dans l'état actuel de la réglementation, pour assurer cette continuité des soins. Nous en demanderons la suppression tout à l'heure.

Cette voie, dans laquelle se sont engouffrés les laboratoires, constitue pour eux une formidable opportunité, mais une catastrophe financière pour l'assurance maladie. Il est dès lors plus avantageux pour les firmes de commercialiser les médicaments à l'hôpital, où le prix est libre et plus élevé, que de faire fixer ce prix par le Comité économique du médicament. C'est un moyen de disposer à la fois de l'autorisation de mise sur le marché et de la liberté des prix puisque, dans les officines, les prix sont réglementés.

Mieux, avec la rétrocession, on peut même vendre à des patients non hospitalisés des médicaments absents des officines à des prix pratiqués à l'hôpital. C'est une vraie aubaine !

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'espère que vous engagerez très rapidement une réflexion sur le régime des prix pratiqués à l'hôpital et que vous envisagerez la suppression de la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques, qui a été complètement vidée de son sens.

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