Intervention de Jean Desessard

Réunion du 18 février 2016 à 21h45
Expérimentation territoriale pour la lutte contre le chômage de longue durée — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, que nous examinons pour la deuxième fois au Sénat, porte une réflexion nouvelle, une conception innovante des politiques publiques sur la question du chômage. Cette approche est salutaire, car elle permet de s’extraire de la seule question de la compétitivité des entreprises ou de la prétendue rigidité du code du travail, en partant du concret, c’est-à-dire des territoires et des habitants.

Ce texte est directement issu de la réflexion d’acteurs mobilisés sur le terrain, comme ATD Quart Monde. Ces acteurs ont depuis longtemps compris que la précarité n’est pas un choix, que les chômeurs ne sont pas des assistés et qu’ils ne demandent qu’à mettre leurs compétences au service de la société.

ATD Quart Monde constate également que beaucoup de travail utile à la société n’est pas réalisé. Que ce soit dans le domaine culturel, le secteur des services à la personne ou le champ de l’amélioration du cadre de vie, les territoires et leurs habitants ont des besoins qui, faute de rentabilité suffisante des activités concernées, ne sont pas satisfaits. Le marché privé concurrentiel délaisse effectivement des pans entiers d’activités, dont la valeur lucrative est jugée insuffisante, alors même qu’elles sont créatrices de valeur d’usage.

Enfin, ATD Quart Monde souligne que l’inactivité d’une partie de plus en plus importante de la population coûte très cher à la société, pas simplement en termes d’allocations versées. Ainsi, un chômeur de longue durée coûterait de 15 000 à 17 000 euros par an à la collectivité du fait du manque à gagner en termes d’impôts ou de cotisations sociales, de l’échec scolaire des enfants ou encore de la détérioration de l’état de santé.

Pour remédier à cette situation, le député Laurent Grandguillaume, avec le soutien d’ATD Quart Monde, propose une expérimentation apportant des réponses concrètes au plus près des besoins des territoires. Le dispositif – nous le connaissons – est le suivant : réunir toutes les allocations et dépenses de l’État, des collectivités et de Pôle emploi à destination des chômeurs de longue durée involontairement privés d’emploi dans un fonds unique. Ce fonds utilisera ensuite cette somme pour créer des emplois en CDI, au sein de structures de l’économie sociale et solidaire conventionnées, afin de répondre à des besoins locaux bien identifiés.

La proposition de loi présente un triple intérêt.

Pour les chômeurs de longue durée, elle leur permet de retrouver un emploi stable en CDI – le fait que ce type de contrats ait été retenu est extrêmement positif pour des travailleurs habitués jusque-là à cumuler des jobs précaires.

Pour les territoires, elle permet de satisfaire les besoins non pourvus de leur population et contribue à leur développement.

Enfin, pour la société tout entière, elle permet de transformer des dépenses purement passives en investissements utiles, tout en diminuant les dépenses indirectes liées à la précarité.

S’agissant de la mise en œuvre, le texte propose une bonne méthode : l’expérimentation. Les dix territoires qui se porteront volontaires permettront d’accumuler suffisamment d’expérience pour, ensuite, songer à une généralisation du dispositif, après évaluation à dix-huit mois de la fin de l’expérimentation.

Preuve du caractère transpartisan de cette proposition de loi, la commission mixte paritaire est rapidement parvenue à un accord. Les écologistes se réjouissent tout particulièrement que l’amendement de notre rapporteur Anne Emery-Dumas ait été conservé dans la version finale. Les personnes ayant signé une rupture conventionnelle pourront ainsi être intégrées dans la liste des bénéficiaires potentiels. C’est une mesure extrêmement positive, car les ruptures conventionnelles sont parfois des licenciements déguisés.

En conclusion, j’indique que le groupe écologiste votera cette proposition de loi, qui redonne une chance de travailler aux exclus, dynamise les territoires en créant de nouveaux services et réduit le coût de la précarité pour toute la collectivité.

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