Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant d’aborder l’analyse de l’accord qui est aujourd'hui soumis à notre approbation, je souhaite rendre un hommage appuyé aux conseils généraux, qui accomplissent, à travers les services départementaux d’aide à l’enfance, un travail formidable en faveur de la protection des mineurs isolés.
La prise en charge des mineurs isolés est un processus complexe, une chaîne de compétences faisant intervenir des acteurs de qualité – je pense en particulier aux travailleurs sociaux –, et dont la logique trouve son inspiration dans un principe fondamental : l’intérêt supérieur de l’enfant.
Même si certaines méthodes peuvent être discutées, voire contestées, comme les tests osseux pour la détermination de l’âge du mineur, il n’en demeure pas moins qu’un travail approfondi est mené chaque jour par des centaines de personnes à travers la France. Ce travail mérite d’être loué pour son efficacité.
Le retour volontaire du mineur isolé suppose le respect d’un certain nombre de principes directeurs, reposant là encore sur une prise en compte renforcée de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Cela passe notamment par l’accord du mineur et par un ensemble d’investigations permettant de s’assurer que le rétablissement des liens familiaux correspond à son intérêt supérieur et qu’il permet de le mettre à l’abri d’un certain nombre de risques d’exploitation, qui existent et qu’il ne faut pas minimiser.
Le retour volontaire du mineur isolé doit répondre à plusieurs principes propres à garantir non seulement la nécessité, mais également la faisabilité de ce retour. En premier lieu, le retour volontaire, comme son nom l’indique, se fonde sur l’accord du mineur : les travailleurs sociaux doivent s’assurer que cette volonté de retour est réelle et partagée.
Le lieu d’arrivée est aussi important que le départ, et les services sociaux doivent s’assurer que le bien-être de l’enfant sera garanti dans le pays de retour. L’intérêt supérieur de l’enfant, consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant, commande d’inscrire le retour volontaire dans le cadre d’un véritable projet de vie adapté à la situation personnelle du mineur. Sur ce point, l’étude préalable menée par les services sociaux constitue un outil indispensable.
Ce processus, toujours fondé sur l’accord du mineur, suppose une enquête sociale qui prépare le rétablissement des liens familiaux, et surtout détermine les dangers ou les risques encourus par le mineur à l’arrivée.
Cette enquête incombe non seulement aux services sociaux français, mais également au pays d’accueil, qui doit garantir que le retour du mineur se fera dans les meilleures conditions.
Nous sommes là au cœur de la protection des mineurs isolés : est-il dans l’intérêt supérieur de l’enfant de le renvoyer dans un pays où le contexte politique et social, le système de protection des mineurs ou les risques d’exploitation sont susceptibles de briser le processus sécurisé mis en place en France ?
C’est dans ces circonstances qu’intervient le juge des enfants : magistrat indépendant, c’est lui qui apprécie l’intérêt supérieur de l’enfant et qui décide si le retour est bénéfique à celui-ci.
Ce n’est qu’à l’issue de ce long processus que le juge prononce une mainlevée de placement après s’être assuré de la conformité du retour à l’intérêt supérieur de l’enfant.
La protection du mineur peut cesser en France si et seulement si ces garanties sont respectées.
Or l’accord franco-roumain qui nous est présenté aujourd’hui contourne le droit commun de la protection des mineurs isolés pour créer un régime d’exception, qui privilégie la logique migratoire et celle de la lutte contre l’immigration illégale à la logique de la protection de l’enfance.
Plusieurs éléments permettent d’apprécier le nivellement par le bas des garanties offertes au mineur isolé par cet accord.
L’objectif est avant tout de faciliter l’éloignement, sans considération de la situation personnelle du mineur, ni de son bien-être, ni des risques qu’il encourt dans son pays d’origine. En d’autres termes, ce n’est rien de plus qu’un énième accord de réadmission qui ne dit pas son nom !
De manière méthodique, cet accord supprime les garde-fous pourtant nécessaires que j’évoquai à l’instant, qui permettent d’assurer un retour volontaire du mineur isolé selon un processus sécurisé et prenant en compte, de manière primordiale, l’intérêt supérieur de l’enfant.
Une à une, ces garanties sont supprimées au profit d’une logique de rentabilité, d’éloignement et, finalement, de maîtrise des flux migratoires.
La dimension humaine cède le pas à la logistique, ce qui nous semble aller à l’encontre non seulement des engagements internationaux de la France, mais également de la tradition française d’accueil et de protection, notamment des mineurs. Ne faites pas d’amalgame : nous parlons d’enfants, pas de délinquants !