Intervention de Michel Billout

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 3 février 2016 à 9h30
Statut des forces en visite et coopération en matière de défense — Approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la nouvelle-zélande- examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel BilloutMichel Billout, rapporteur :

A titre liminaire, je souhaite vous présenter brièvement les enjeux de notre relation bilatérale de défense avec la Nouvelle-Zélande. Je vous rappelle tout d'abord que la France est une puissance riveraine du Pacifique avec ses territoires en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et à Clipperton. 62 % de notre zone économique exclusive, la deuxième du monde avec 11 millions de km2, se situe dans le Pacifique. La Nouvelle-Zélande est dès lors un partenaire-clé pour assurer la stabilité et la sécurité des territoires français en Océanie, ainsi que des États insulaires du Pacifique. En octobre 2015, la Nouvelle-Zélande a ainsi participé, avec l'Australie, au séminaire trilatéral interministériel sur la surveillance maritime intégrée dans le Pacifique Sud que le ministère de la défense a organisé en Nouvelle-Calédonie.

La France s'est fixé comme priorités d'approfondir le dialogue politico-militaire avec la Nouvelle-Zélande, en mettant l'accent en particulier sur la situation des États insulaires du Pacifique Sud et les stratégies régionales d'influence, notamment celle de la Chine en mer de chine et dans le Pacifique, que nous avons déjà évoquée à de nombreuses reprises dans cette commission; d'assurer un suivi attentif de la mise en oeuvre des principaux contrats militaires et d'identifier de nouveaux prospects, notamment pour les hélicoptères NH90 et l'A400M, et de poursuivre sa relation en matière de renseignement.

Pour la Nouvelle-Zélande, la France est le seul pays européen qui représente à la fois un acteur global et un acteur régional, à l'exception du Royaume-Uni, mais qui n'a cependant plus de présence militaire dans la région. La France est donc le troisième partenaire militaire de la Nouvelle-Zélande, après l'Australie et les États-Unis.

Cet accord se présente avant tout comme un accord relatif au statut des forces ou « SOFA », acronyme de « Status Of Forces Agreement », le premier conclu entre la France et la Nouvelle-Zélande.

Dès 2001, la France s'est préoccupée d'obtenir un statut juridique pour les forces françaises appelées à participer à des opérations de coopération en Nouvelle-Zélande, mais ses démarches ont achoppé sur la réticence des autorités néo-zélandaises à modifier leur loi relative aux forces en visite. Le Visiting Forces Act, qui a finalement été révisé en 2004, fournit jusqu'à présent un cadre juridique partiel aux forces armées françaises présentes sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. Elle ne répond toutefois pas à toutes les exigences françaises, notamment à la question du règlement des dommages et ne prévoit aucun statut pour les membres des forces néo-zélandaises présentes en France dans le cadre d'activités de coopération, d'où la nécessité d'un statut réciproque des forces armées en visite dans un contexte de coopération grandissante en matière de défense. Les Néo-zélandais ont proposé, à l'automne 2009, un projet d'accord, qui a abouti, après de nombreux échanges, à la signature, en mai 2014, de cet accord, en marge de la 13e session de la Conférence annuelle sur la sécurité régionale de la zone Asie-Pacifique, le fameux « Shangri-La Dialogue ».

Cet accord s'inscrit dans une relation de défense solide et ancienne entre la France et la Nouvelle-Zélande. Cette relation bilatérale repose, depuis 1999, sur un dialogue politico-militaire entre les ministères des affaires étrangères et de la défense (en format dit « 2 + 2 ») qui se tient, tous les deux ans, au niveau des directeurs, alternativement dans une des capitales. La prochaine édition devrait avoir lieu à Wellington au cours du premier trimestre 2016. Depuis mai 2014, ce dialogue est doublé par un dialogue d'état-major qui se déroule le lendemain du « 2+2 ». Conduit par le commandant supérieur des Forces armées de la Nouvelle-Calédonie, le COMPSUP FANC, il a pour objet l'évaluation de l'environnement de sécurité régionale et la coordination des secours aux populations victimes de catastrophes naturelles, en application de l'accord FRANZ (France, Australie et Nouvelle Zélande), signé à Wellington, en décembre 1992. Depuis la conclusion de l'accord FRANZ, les Forces armées de la Nouvelle-Calédonie, les FANC, ont participé à 31 interventions humanitaires, notamment lors des catastrophes récentes au Vanuatu (cyclone Pam en mars 2015) et aux Tonga (cyclone Ian en janvier 2014).

Les FANC comptent environ 1 500 militaires, dont près de 1 000 permanents, répartis à Nouméa, Plum, Tontouta et Nandaï, auquel s'ajoutent environ 200 personnels civils de la défense ainsi que près de 250 réservistes. Les forces opérationnelles néo-zélandaises, quant à elles, comptent 14 135 personnels dont 9 086 militaires d'active et 2 264 réservistes. Pour une description plus détaillée de ces forces, je vous renvoie à mon rapport écrit.

La coopération opérationnelle se déroule également dans le cadre du dispositif QUAD (Quadrilateral Defence Coordination Group), qui rassemble les forces armées de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et de la France avec l'objectif de « coordonner l'effort de sécurité dans le Pacifique, notamment dans le domaine maritime, en accompagnant les États insulaires vers une gestion saine et durable de leurs ressources naturelles, entre autres halieutiques ». Invitée en tant qu'observateur en 1998, la France est devenue membre du QUAD en 2002. Elle y est représentée par le COMSUP FANC et un officier des Forces armées en Polynésie française. Le champ d'action du QUAD s'est désormais élargi à l'ensemble des missions relevant de l'action de l'État en mer (surveillance maritime, lutte contre les trafics illicites, etc.).

La coopération avec la Nouvelle-Zélande s'exprime également à travers une contribution aux principaux exercices régionaux relevant de la sécurité des espaces maritimes, de l'aide humanitaire, du soutien aux populations victimes de catastrophes naturelles, voire de l'évacuation de ressortissants organisés par nos alliés ou nos partenaires dans la zone. À cet égard, il faut signaler les participations croisées aux exercices français « Croix du sud » et néo-zélandais « Southern Katipo » qui constituent des moments importants de l'entraînement des forces à l'assistance humanitaire et qui sont l'occasion de développer l'interopérabilité entre les différentes nations présentes. Il faut y ajouter l'exercice « Tropic Twilight », qui se déroule les années impaires au profit d'États insulaires de la région et qui s'inscrit dans le cadre de l'opération civilo-militaire américaine « Pacific Partnership ».

Enfin la France et la Nouvelle-Zélande ont signé, en février 2013, un accord relatif à la protection des informations classifiées dans le domaine de la défense, qui est entré en vigueur en août 2013.

Ce SOFA a pour principal objet de garantir un statut juridique protecteur aux éléments des forces françaises présents sur le territoire néo-zélandais, afin de favoriser la coopération en matière de défense et d'alléger les procédures administratives, financières et douanières qui y sont liées.

S'agissant de la coopération, l'accord donne une liste non exhaustive de ses domaines et de ses formes. Ces activités de coopération seront mises en oeuvre, non pas par une structure de pilotage, mais par les organismes de défense nationale des deux Parties, c'est-à-dire, leur ministère de la défense respectif et en particulier l'état-major interarmées néo-zélandais et les forces françaises stationnées en Nouvelle-Calédonie. La coordination se fera par le biais des dispositifs de consultation déjà évoqués : le dialogue politico-militaire et le dialogue entre états-majors. Cet accord, point extrêmement important, exclut toute clause d'assistance afin d'éviter que le personnel d'échange français ne se trouve engagé dans des opérations de guerre, de maintien ou de rétablissement de l'ordre de l'État d'accueil, sans que la France n'ait officiellement donné son accord. Classiquement, chaque Partie supporte ses propres coûts de coopération.

S'agissant du statut des forces en visite, la plupart des stipulations qui y figurent sont très courantes dans les accords SOFA signés par la France Son contenu est proche de celui du SOFA Maroc et du SOFA Brésil, déjà ratifiés. Sont ainsi précisées les conditions d'entrée de la force en visite pour l'accomplissement des activités de coopération en matière de défense ainsi que les priorités de juridictions applicables en cas d'infractions commises par ses membres. Ce SOFA accorde aussi classiquement une série de facilités opérationnelles aux forces en visite comme la reconnaissance de la validité des permis de conduire, des permis de pilotage d'aéronefs ou de navires délivrés par l'État d'envoi, l'autorisation des transports ou des déplacements terrestres, l'autorisation de possession et de port d'arme, la sécurité des installations mises à la disposition de la force en visite, l'autorisation d'installer et de faire fonctionner des systèmes de communications temporaires, un régime d'exonération fiscale et douanière applicable en matière d'importation et d'exportation de matériels destinés à l'usage exclusif des forces en visite. Le régime de prise en charge des soins médicaux et les règles applicables en cas de décès d'un membre des forces en visite sont également précisés, tout comme le régime applicable aux demandes d'indemnité entre les Parties et émanant de tiers.

La seule disposition atypique de ce SOFA est la clause d'aide d'urgence qui y figure à la demande expresse des Parties. Elle permet la fourniture d'un soutien médical, logistique, technique ou autre par les forces armées, lorsque les circonstances rendent rapidement nécessaire un tel soutien, comme en cas de catastrophe naturelle. Elle s'explique par la présence des FANC dans la zone et retranscrit en fait les engagements découlant de l'accord FRANZ déjà évoqué sur la coopération en matière d'urgence en cas de catastrophe naturelle dans le Pacifique Sud.

Enfin, l'accord est conclu pour une période initiale de 20 ans et, sauf dénonciation, demeure en vigueur au-delà de ladite période.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi qui ne pose pas de problème particulier. Ce SOFA apparaît comme un outil utile pour donner une vraie sécurité juridique aux personnels des forces françaises et néo-zélandaises appelées à coopérer sur le terrain en matière de défense, mais aussi pour faciliter la coordination des secours aux populations victimes de catastrophes naturelles. Je tiens à souligner le calendrier tout à fait raisonnable du Gouvernement dans ce dossier, puisque cet accord a été signé en mai 2014 et que la Commission permanente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée de la Polynésie française, consultées, ont émis un avis favorable, au printemps 2015. C'est un net progrès.

Dernier argument pour vous convaincre si cela était encore nécessaire, des commandes d'armement pourraient résulter des priorités opérationnelles que la Nouvelle-Zélande va définir dans son nouveau Livre blanc qui paraîtra début 2016. En conséquence, il importe de lui montrer l'intérêt que la France lui porte, en ratifiant rapidement cet accord, d'autant que la Nouvelle-Zélande l'a déjà fait en octobre 2014 et exprime une forte attente quant à son entrée en vigueur.

L'examen en séance publique est fixé au jeudi 11 février 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée. Je vous propose d'accepter cette proposition.

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