Intervention de Mireille Jouve

Réunion du 1er mars 2016 à 15h15
Liberté de création architecture et patrimoine — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Mireille JouveMireille Jouve :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un an après l’assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo, un an après les saccages successifs de l’œuvre d’Anish Kapoor, un mois seulement après l’agression de Combo, l’auteur de l’œuvre Coe X is T, il nous faut protéger les artistes et les lieux d’exposition artistiques et clamer haut et fort que nous faisons front commun pour préserver la liberté de création artistique.

Bien que largement symboliques, les dispositions proclamant les libertés de création et de diffusion n’en demeurent pas moins indispensables, car elles fixent à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics des objectifs ambitieux en matière culturelle. Il s’agit, pour ces politiques auxquelles nous souscrivons entièrement, de garantir notamment la diversité de la création, de veiller au respect de la liberté de diffusion artistique et d’élargir, dans les territoires, l’accessibilité de la création artistique aux publics qui en sont éloignés – les jeunes ou les handicapés, par exemple.

Il est important de défendre l’exception culturelle française et la politique de mise à l’abri de la production culturelle des lois du marché. Nous avons ainsi pu présenter un amendement tendant à supprimer la possibilité offerte au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, d’accorder une dérogation aux seuils en matière de diffusion de titres francophones des radios. Dans cette perspective, nous voulions également inscrire dans la loi la notion de politique de service public en faveur de la création artistique, seule garante de l’accès de tous les publics à l’art, qui n’a malheureusement pas trouvé un écho favorable lors de la présente lecture.

Le projet de loi fixe plusieurs règles de partage et de transparence des rémunérations dans les secteurs de la création, règles que le Sénat a complétées et qui vont dans le sens de l’équilibre que nous appelions de nos vœux.

Toujours dans un objectif de transparence, nous avons permis l’adoption d’un amendement visant à rendre public le nom des bénéficiaires des aides accordées dans le cadre de l’utilisation des 25 % de la rémunération pour copie privée affectés au financement d’actions artistiques et culturelles.

Toutefois, nous regrettons quelques complexifications introduites dans ce projet de loi. C’est le cas, par exemple, de la mise en place obligatoire des commissions « culture » des conférences territoriales de l’action publique, alors que les modalités d’organisation devraient être tranchées librement par les conférences territoriales de l’action publique, ou CTAP.

Je regrette également, pour ma part, le sort réservé à l’archéologie préventive. Dans son rapport intitulé Pour une politique publique équilibrée de l’archéologie préventive, Martine Faure estime que les dysfonctionnements constatés sont liés à l’absence d’outils de régulation efficaces.

Lors de la discussion générale, j’avais ainsi évoqué la nécessité de renforcer le contrôle de l’État sur les opérateurs privés et ce, afin d’améliorer la qualité scientifique des fouilles. L’amendement déposé en ce sens n’a toutefois pas été retenu par le Sénat.

De la même manière, il semblait important, dans un souci d’intérêt général, d’entériner la distinction introduite à l’Assemblée nationale entre l’Institut national des recherches archéologiques préventives, l’INRAP, le rôle spécifique joué par les services archéologiques des collectivités territoriales et les opérateurs agréés. La commission du Sénat a néanmoins souhaité consacrer les opérateurs privés au niveau de l’opérateur historique et des services des collectivités territoriales, ce qui ne me paraît pas opportun.

À cela s’ajoute la possibilité pour ces opérateurs privés de bénéficier du crédit d’impôt recherche : un avantage fiscal qui, en plus d’être infondé, introduit surtout une concurrence déloyale contre laquelle la commission se faisait pourtant fort de lutter.

Je suis convaincue qu’on ne traite pas la politique scientifique de recherche archéologique comme n’importe quelle activité économique. Il s’agit d’une richesse patrimoniale et d’un savoir pour lesquels l’État, et à travers lui l’INRAP, doit jouer un rôle prépondérant.

La préservation du rôle de l’État concernant la réforme des abords des 43 000 monuments historiques emporte, en revanche, le soutien de mon groupe. La simplification voulue dans le texte original supprimait des verrous essentiels de protection de notre patrimoine national, protection que seul l’État est à même de garantir au-delà d’intérêts locaux parfois incompatibles.

De même, le régime des sites patrimoniaux protégés, auquel nous préférions toutefois une appellation un peu plus attractive, propose un équilibre approprié entre la volonté de simplification du texte original et la garantie de protection du patrimoine dans la durée.

Il était impératif que les collectivités territoriales – c’était d’ailleurs l’une de leurs inquiétudes – ne soient pas laissées en première ligne et que le patrimoine puisse compter sur une préservation durable. C’est l’objet du plan de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, ou PMVAP, qui se substitue au plan local d’urbanisme patrimonial et qui sera soumis à l’avis de la commission régionale et à l’approbation du préfet avant son adoption. Ainsi, l’État retrouve-t-il ses prérogatives.

Par ailleurs, nous nous réjouissons que la commission régionale du patrimoine et de l’architecture soit présidée par un élu et que les sites patrimoniaux soient dotés d’outils de médiation et de participation citoyenne. La protection du patrimoine est, en effet, l’affaire de tous.

Quant aux dispositions relatives à l’architecture, elles sont accueillies diversement au sein de mon groupe. Je salue, pour ma part, le désir d’architecture suscité par la loi. Rendre le recours à l’architecte presque banal, c’est aussi favoriser des constructions individuelles et collectives bien plus harmonieuses.

Je me félicite donc de l’adoption de notre amendement visant à rendre obligatoire l’affichage du nom de l’auteur du projet architectural en même temps que celui des autorisations d’urbanisme sur le terrain. Ce dispositif, qui n’entraîne aucun coût, non seulement permet de corriger certaines dérives, mais également met en avant les travaux conduits par les architectes. Le rétablissement du seuil de recours obligatoire à l’architecte en dessous de 150 mètres carrés pour les particuliers, hors constructions à usage agricole, est également une bonne chose eu égard à la complexité actuelle des modes de calcul.

Enfin, dans un souci d’équilibre, la version médiane trouvée par notre assemblée concernant l’élaboration du projet architectural, paysager et environnemental me semble de nature à répondre aussi bien à l’exigence de qualité pour les lotissements qu’aux préoccupations de certains professionnels du secteur qui craignaient d’être marginalisés.

Eu égard à l’ensemble des avancées permises par ce texte, le groupe du RDSE votera à l’unanimité en sa faveur, mais, à titre personnel, je resterai vigilante sur le sort réservé à l’archéologie en deuxième lecture.

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