Madame la sénatrice, un projet de loi a été préparé par la ministre du travail, Myriam El Khomri, et transmis au Conseil d’État. Il devait être présenté en conseil des ministres le 9 mars prochain. Nous avons considéré que nous pouvions nous donner quelques jours supplémentaires, ce qui nous permettra de recevoir de manière bilatérale, avec la ministre du travail et le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, l’ensemble des organisations syndicales et patronales au début de la semaine prochaine. Au début de la semaine suivante, je les recevrai de façon plénière pour leur présenter le fruit de ces discussions, qui devraient donner lieu à des propositions d’approfondissement, de modification du texte, à travers une lettre rectificative qui sera adressée au Conseil d’État, de manière que le texte puisse être examiné et adopté en conseil des ministres le 24 mars prochain.
Ce délai, nécessaire à la discussion et à la levée d’un certain nombre d’incompréhensions, permettra aussi de dénoncer certaines inexactitudes qui ont malheureusement pu être colportées et de corriger ce qui doit l’être.
Le texte sera examiné d’abord par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sans doute au début d’avril, afin que les députés puissent en débattre en séance publique après les vacances parlementaires du même mois. À quelques jours près, il n’y aura donc pas de changement de date par rapport à ce qui avait été prévu.
Je souhaite dialoguer avec les organisations syndicales et patronales. Ce texte est issu d’une très longue réflexion, qui a débuté, pour le moins, lors de l’examen de la loi Macron et de la loi Rebsamen, puisqu’un débat sur les barèmes des prud’hommes s’était déjà tenu à cette occasion. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, il était clair pour tout le monde que ce sujet serait abordé dans le projet de loi sur le travail.
J’ai d’abord confié une mission à Jean-Denis Combrexelle sur la négociation dans l’entreprise, puis une autre à Robert Badinter sur les principes essentiels du droit du travail. Bon nombre d’éléments figurant dans leurs rapports respectifs ont été intégrés au texte.
À la suite de l’adoption par le Parlement du principe du compte personnel d’activité, une négociation s’est engagée, qui est dans la main des partenaires sociaux. Nous devrons sans aucun doute enrichir ce dispositif, en particulier au niveau du Parlement, à l’issue de la discussion avec ces derniers.
Par ailleurs, des avancées incontestables ont déjà été rendues possibles en matière de médecine du travail, de détachement de travailleurs, sujet qui suscite beaucoup d’inquiétudes, de négociation dans l’entreprise… Je fais en effet confiance à l’ensemble des partenaires sociaux.
C’est dans cet esprit que nous allons travailler. J’entends évidemment les slogans, les accusations des uns et des autres. Ma conviction est qu’il faut réformer, non pour le plaisir de le faire, mais pour donner plus de liberté aux entreprises. Qui d’entre vous n’a reçu, dans sa permanence, des responsables de petites ou moyennes entreprises qui expriment leurs réticences à embaucher en raison, notamment, des craintes que leur inspirent les procédures prud’homales ? Partons aussi de la jurisprudence dans ce domaine, marquée d’ailleurs par des disparités selon les départements.
Parallèlement, il faut assurer un certain nombre de protections aux salariés. Je récuse évidemment toutes les caricatures relatives à un retour au XIXe siècle. De quoi s’agit-il ? De donner aux entreprises davantage de liberté, de souplesse, de flexibilité et de renforcer la négociation en leur sein. §Cela était d’ailleurs au cœur du pacte de responsabilité et de solidarité que, pour votre part, vous n’approuvez pas, madame la sénatrice, et c’est tout à fait votre droit, mais qui a reçu le soutien du MEDEF, ainsi que celui des syndicats réformistes.
Par conséquent, il n’y aura pas de retrait du texte, mais nous sommes ouverts à son amélioration. Nous en maintenons bien sûr les principes et les axes, parce que c’est nécessaire pour le pays : il s’agit d’offrir plus de liberté aux entrepreneurs, plus de protection aux salariés, dans un monde économique qui a changé, avec l’« ubérisation » d’une partie de notre économie.
Voulons-nous oui ou non apporter des réponses aux jeunes qui sont au chômage, aux précaires qui ne trouvent pas d’emploi stable, aux chômeurs de longue durée ? Là est le débat de fond, que nous devons mener sereinement, tranquillement, mais avec beaucoup de détermination et de conviction.