Intervention de Philippe Esnol

Réunion du 1er mars 2016 à 15h15
Situation des salariés rémunérés par le chèque emploi service universel cesu en cas d'arrêt pour maladie — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Philippe EsnolPhilippe Esnol :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, au travers de sa question portant sur l’indemnisation, en cas d’arrêt pour maladie, des salariés rémunérés par le biais du CESU, M. Desessard nous propose de remédier à ce qui est, à ma connaissance, l’une des seules difficultés techniques relatives à un dispositif dont la facilité d’utilisation par ailleurs extraordinaire mérite d’être soulignée.

Instauré voilà maintenant dix ans pour lever les obstacles au recours aux services à la personne, jugé à la fois trop coûteux et trop compliqué par des particuliers peu enclins à endosser le rôle d’employeur et son lot de formalités, le CESU a formidablement rempli sa mission de simplification, c’est le moins que l’on puisse dire. Toutefois, rien n’étant parfait, il semblerait qu’il y ait au moins encore un aspect à améliorer !

Madame la secrétaire d’État, si tant est que cela soit possible, comme le laisse à penser la proposition de notre collègue, allons jusqu’au bout et levons cette dernière difficulté !

Il le faut, car c’est bien la simplicité d’utilisation du CESU qui a fait son succès et permis d’accompagner la croissance des services à la personne ces dernières années.

Le taux de natalité élevé, le vieillissement de la population française et l’émergence de la problématique de la dépendance, mais aussi la recherche d’un nouvel équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, ont contribué à ce que les Français soient toujours plus demandeurs de services de garde d’enfants, de travaux ménagers ou de jardinage, de soutien scolaire ou encore, bien sûr, d’assistance aux personnes âgées et aux personnes handicapées.

Ces multiples activités, regroupées sous la dénomination « services à la personne », se caractérisent par une relation d’emploi direct, c’est-à-dire par l’existence de particuliers employeurs.

Les gouvernements successifs, conscients de l’existence d’un enjeu essentiel pour notre société, mais percevant aussi celle d’opportunités considérables en matière d’emplois, non délocalisables de surcroît, ont cherché à créer les conditions du développement de ces activités, notamment en simplifiant, au moyen du CESU, les démarches pour les particuliers employeurs. Ceux-ci n’ont plus aujourd’hui qu’à déclarer, chaque mois, le nombre d’heures travaillées par leur salarié, et c’est le CNCESU qui s’occupe du reste, à savoir le calcul des cotisations sociales et l’établissement des attestations d’emploi. Pour avoir recours moi-même à ce dispositif, je puis garantir qu’il n’y a rien de plus simple !

Si le dispositif est aussi simple pour le particulier, il serait souhaitable qu’il le soit également pour le salarié. C’est pourquoi j’approuve la proposition faite par M. Desessard, car, pour l’heure, en cas d’arrêt pour maladie, le salarié doit non seulement envoyer dans les quarante-huit heures le volet 3 de sa feuille d’arrêt pour maladie à l’ensemble de ses employeurs, souvent nombreux, mais également faire signer à chacun d’entre eux une attestation d’emploi, qu’il faut préalablement télécharger en ligne sur le site de l’assurance maladie, avant de la renvoyer à la CPAM.

S’il n’y a là rien d’insurmontable, on peut néanmoins légitimement penser que cette procédure peut vite se transformer en parcours du combattant pour le salarié malade, d’autant que les employeurs sont dans la plupart des cas des personnes âgées peu aguerries à l’usage d’internet. Or si un seul des documents manque, le salarié ne peut être indemnisé.

C’est la raison pour laquelle il est important de lever cette dernière difficulté, car la lutte contre le travail au noir et, partant, la protection des salariés étaient aussi, précisément, l’objet du dispositif. Le CESU devrait représenter pour les salariés l’assurance de bénéficier d’une couverture sociale ; il est impératif de leur garantir les mêmes droits qu’aux autres, et non des droits sociaux au rabais.

Toutefois, il faudrait peut-être reconnaître que nous avons sans doute atteint la limite de la simplification s’agissant du CESU et que les véritables problèmes à traiter sont ailleurs.

En effet, force est de constater que la « révolution des services à la personne » que l’on nous avait annoncée n’a pas eu lieu. Depuis 2010, on constate un fléchissement de la demande, qui ne fait que s’accentuer. En 2015, le nombre moyen d’heures déclarées par employeur et le nombre d’employeurs ont encore diminué. Seul le secteur des services aux personnes âgées de soixante-dix ans et plus, qui sont aussi les dernières à bénéficier de l’exonération des cotisations patronales, est encore en croissance.

Se pose donc, inévitablement, la question de la solvabilisation de la demande en services à la personne, alors que le pouvoir d’achat des ménages s’est réduit et que, dans le même temps, les collectivités territoriales, notamment les départements, qui financent les aides sociales à destination des personnes âgées et des personnes handicapées, telles que l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, subissent de très fortes « turbulences budgétaires ».

Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que les avantages fiscaux et exonérations de charges, qui ont aussi été une des clés du succès du dispositif du CESU, sont progressivement remis en cause. Je viens d’évoquer l’exonération de cotisations patronales, qui concerne désormais uniquement les services rendus à domicile à des publics dits « fragiles », c’est-à-dire les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ou éligibles à l’APA ou à la PCH. Je ne saurais être complet sans mentionner la suppression, en 2013, de la déclaration au forfait, qui a eu pour effet une accélération de la baisse d’activité. On peut s’attendre, par conséquent, à une augmentation parallèle du travail au noir et, de fait, à un recul en matière de protection des salariés.

Enfin, le secteur des services à la personne n’a pas réussi sa mue, dans la mesure où il n’est pas plus attractif aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans. En effet, malgré les déclarations d’intention en faveur de l’amélioration de la qualité de l’accompagnement, et donc de la professionnalisation du secteur, je suis au regret de devoir constater que l’on n’a pas réussi à faire des services à la personne un métier à part entière, un vecteur de qualification et de carrières professionnelles. À des conditions de travail difficiles et marquées par des déplacements fréquents s’ajoutent la problématique des temps partiels subis, la faiblesse de la rémunération, le manque de perspectives et les difficultés d’accès à la formation professionnelle.

Pourtant, les besoins, eux, n’ont pas diminué. Les discussions récentes sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ont été l’occasion de rappeler qu’ils sont immenses. Le secteur est toujours porteur d’opportunités en matière d’emploi, d’autant que de nombreux départs à la retraite sont programmés jusqu’en 2020.

En outre – incroyable, mais vrai ! –, alors que nous connaissons un taux de chômage record, les entreprises de services à la personne qui se sont développées ces dernières années peinent à recruter des collaborateurs qualifiés !

En conclusion, si je n’avais qu’une préconisation à formuler, ce serait d’accélérer la mise en place de formations qualifiantes pour ces métiers, ce qui permettrait par ailleurs d’orienter vers ceux-ci les demandeurs d’emploi intéressés.

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