Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que, à une exception près – heureusement, ce fut bref –, nous ayons un débat de qualité, montrant ainsi que la représentation nationale est consciente de l’importance et de la difficulté du sujet. Tous, nous affirmons cette obligation de solidarité à l’égard des réfugiés, même si elle est difficile à mettre en œuvre, notamment parce que nos populations – comme de nombreuses autres en Europe – n’y sont pas aussi favorables que l’on pense. Même en Allemagne, la Chancelière est critiquée, alors que, de là où je vis, je vois comment des communes allemandes accueillent facilement 400 réfugiés. Reste que les populations commencent à s’inquiéter.

On oublie vite, trop vite, l’image de cet enfant mort sur une plage de Méditerranée, qui a suscité un émoi extraordinaire ; tout le monde en parlait. Tout cela semble avoir disparu aujourd'hui. Je ne suis pas sûr que les populations, sauf celles qui sont directement concernées, soient aussi sensibles aux difficultés de vie des réfugiés à Calais et des populations voisines.

La solidarité de nos populations n’est pas au rendez-vous. Il est vrai que celles-ci souffrent aussi : difficultés économiques, chômage… Ce n’est certainement pas le meilleur moment pour avoir le sens de l’accueil.

La solidarité, cela a été dit, c’est d’abord la solidarité européenne. L’Europe est-elle capable de construire effectivement une politique commune qui lie chacun des États alors que, pour être clair, certains refusent de s’engager et d’autres acceptent que certains pays, notamment la Grèce, mais très souvent également l’Italie, soient confrontés plus que d’autres à des difficultés ? Disant cela, je pense à la situation que vivent souvent les maires en matière d’accueil des gens du voyage, chacun espérant que ces gens s’arrêtent sur le terrain des autres et pas sur le sien !

La solidarité en Europe est indispensable. La proposition de Jean-Yves Leconte et d’autres de travailler sur une identification unique est la seule solution, bien que sans doute difficile à mettre en œuvre.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, une initiative franco-allemande est fortement attendue. Alors que la Chancelière a clairement affirmé sa volonté d’accueillir des réfugiés, elle connaît quelques difficultés dans son pays. L’État français est lui aussi prêt à en accueillir, mais notre pays n’est pas la terre préférée des réfugiés, qui déclarent régulièrement qu’ils ne veulent pas rester en France.

Une solidarité des territoires, localement, est également nécessaire. Vous avez, les uns et les autres, mes chers collègues, évoqué un partenariat avec les collectivités locales. Je pense, monsieur le ministre, qu’il y a lieu de mieux construire ce partenariat. Il n’est pas forcément simple, pour les élus locaux, de demander à leurs administrés de bien vouloir accueillir des réfugiés, surtout lorsque les logements sociaux sont déjà pleins. C’est un peu plus facile de le faire en Alsace, car on peut rappeler aux Alsaciens qu’ils étaient contents, en 1939, d’être réfugiés notamment en Dordogne ou dans le Limousin, mais les générations qui ont vécu cette période tendent à disparaître.

Permettez-moi d’évoquer la manière dont les services de l’État en région se comportent à l’égard des communes, car il faut en parler. Un vrai partenariat est nécessaire. Lorsque vous mettez des logements à disposition pour l’accueil des réfugiés, on vous dit : Signez une convention avec une association. Or, en tant que maire, je veux un écrit avec l’État !

Ce partenariat suppose également que l’accueil des enfants à l’école soit garanti. Or, alors que le nombre d’enfants que la commune s’apprête à accueillir devrait permettre le maintien d’une classe, on m’annonce sa fermeture ! C’est un détail, mais il est important. En effet, les maires qui font l’effort de convaincre leur population d’accueillir des réfugiés doivent être soutenus par l’État. Ceux qui ont répondu à votre invitation, monsieur le ministre, qui ont ensuite fait des efforts et qui constatent aujourd'hui qu’ils n’ont pas de réponse ne manquent pas de s’interroger.

Les maires de Grande-Synthe et Calais sont interpellés par leur population et ont besoin d’une présence de l’État afin de ne pas avoir le sentiment d’être seuls face à leurs administrés. À défaut, certains maires pourraient très vite être enclins à partager, parfois de manière démagogique, les discours xénophobes et sectaires que l’on entend parfois.

Enfin, et cela fait longtemps que l’on en parle, les territoires doivent être solidaires en matière d’accueil des mineurs isolés étrangers. Des départements se plaignent depuis longtemps d’avoir beaucoup trop de charges quand d’autres n’en ont pas. Pour respecter nos engagements internationaux, nous devons accueillir ces mineurs étrangers, même si nous savons que certains sont victimes de trafic et de réseaux et dont les parents ont payé en pensant les envoyer vers un eldorado. Ces enfants ont vécu tellement de choses qu’ils sont admirables. Une solidarité de l’ensemble des territoires, je le répète, est nécessaire.

Ce débat a permis de montrer, monsieur le ministre, que la représentation nationale, dans sa très grande majorité, à une exception près, avait conscience de ce besoin de solidarité.

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