Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés

Bernard Cazeneuve, ministre :

Car telle est bien, malgré tout, la réalité.

Un autre sujet a été évoqué, qui renvoie toujours au contexte européen, celui du lien entre l’arrivée des migrants, le contexte international et le risque terroriste.

Rien ne serait pire que de confondre l’ensemble de ceux qui ont été persécutés par les barbares de Daech et les quelques bourreaux qui pourraient se mêler au flux des victimes, par cynisme, barbarie et volonté de commettre d’autres crimes que ceux qu’ils ont déjà commis en Syrie, en Irak ou ailleurs. Si nous voulons éviter une telle confusion, il faut impérativement que nous prenions, au moment du franchissement des frontières extérieures de l’Union européenne, des dispositions qui, pour l’instant, ne sont pas prises, mais qui correspondent aussi à l’agenda français au sein de l’Union européenne.

Lorsque les réfugiés franchissent les frontières extérieures de l’Union, en Grèce ou en Italie, non seulement le dispositif des hotspots doit être mis en place – nous y contribuons, même si c’est très difficile –, mais le système d’information Schengen doit aussi être systématiquement interrogé. S’il ne l’est pas, nous sommes confrontés à des risques sécuritaires.

Pour que le système d’information Schengen soit interrogé avec efficacité, encore faut-il que tous les pays de l’Union européenne l’alimentent de façon homogène et identique, ce qui n’est pas le cas. Un certain nombre de ceux qui nous ont frappés lors des attentats du 13 novembre, qui n’étaient pas connus de nos services, n’avaient pas été signalés au système d’information Schengen comme terroristes, mais simplement comme délinquants, notamment par la Belgique.

Ensuite, le système d’information Schengen ainsi informé doit être connecté aux autres fichiers, notamment au SLTD – Stolen and Lost Travel Documents. Je pense aussi que le fichier Eurodac doit pouvoir être interrogé pour des raisons sécuritaires, ce qui suppose une modification du règlement Eurodac au sein de l’Union européenne. Une véritable task force européenne de lutte contre les faux documents doit se constituer. En effet, Daech a récupéré des centaines de passeports vierges en Irak et en Syrie et s’est dotée d’une véritable usine de fabrication de faux documents. Deux des kamikazes qui nous ont frappés le 13 novembre ont fait prendre leurs empreintes à Leros en ayant en main de faux passeports.

Si ces mesures ne sont pas prises d’urgence au sein de l’Union européenne – c’est une demande française constamment réitérée –, nous n’avons aucune chance de pouvoir créer les conditions de l’efficacité de notre démarche et de notre discours à l’égard de ceux qui, dans l’outrance, s’emploient à susciter les sentiments les plus xénophobes en convoquant les peurs les plus instinctives. De ce point de vue, nous venons d’assister, ici même, dans cette assemblée, à six minutes d’un discours emblématique des représentants de cette mouvance. Nous devons y répondre en consolidant cet agenda et en le mettant en œuvre rapidement.

Mme Létard et M. Rapin ont évoqué la question de Calais et des dispositions prises en France pour faire face à l’arrivée des réfugiés. Tout d’abord, vos chiffres ne sont pas exacts, monsieur Buffet, et je veux rappeler ici les chiffres précis pour Grande-Synthe et Calais.

Il y avait effectivement 6 000 migrants à Calais, dans la « jungle », à la fin de l’année 2015. Voyant que ce nombre augmentait, le ministère de l’intérieur a pris la décision d’ouvrir des centres d’accueil et d’orientation. On en compte désormais 102 en France, et ils permettent aux migrants de Calais qui relèvent du statut de réfugié d’être accueillis dans des lieux en dur, où ils sont pris en charge par des associations, ont accès à la langue française et à l’asile.

Depuis le mois d’octobre, nous avons accueilli près de 3 000 personnes venant de Calais et de Grande-Synthe dans ces centres d’accueil et d’orientation. Voilà ce qu’un grand journal du soir appelle un « échec » ! Sur ces 3 000 personnes accueillies dans les centres d’accueil et d’orientation, 85 % ont fait une demande d’asile en France, et 15 % seulement se sont « évaporées » – il s’agit là d’une moyenne, le pourcentage pouvant varier selon la nature des CAO.

Alors qu’il y avait 6 000 migrants dans la boue, le froid et la précarité à Calais à la fin de l’année dernière, on en dénombre aujourd’hui 3 800, soit une diminution de près de moitié. À Grande-Synthe, le dernier comptage est de 1 100, contre 3 000 l’an passé, soit une division par trois.

Ces migrants-là ne se sont pas évaporés ; ils n’ont pas non plus été dispersés après que le ministre de l’intérieur a survolé la « jungle » en hélicoptère en demandant aux forces de l’ordre d’évacuer le camp ! Des travailleurs sociaux de la direction de la cohésion sociale, de l’OFII, de l’OFPRA et des associations comme SOS se sont mobilisés pour aller proposer à chaque migrant un hébergement en dur dans un centre d’accueil et d’orientation.

Ce que vous appelez « expulsion » ou « démantèlement » de la « jungle » n’est rien d’autre que la poursuite d’une politique méthodique et difficile de mise à l’abri des migrants de Calais. Cette politique, engagée voilà quatre mois, a déjà permis de dégager un certain nombre d’espaces. Nous la poursuivons avec détermination, pour une raison très simple, madame Létard, monsieur Rapin : nous ne considérons pas que maintenir des enfants, des femmes et des familles en situation précaire dans la boue de Calais corresponde à un idéal humanitaire !

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