Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 1er mars 2016 à 21h00
Dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés

Bernard Cazeneuve, ministre :

Je veux bien que chacun développe son argumentation et soutienne sa posture, mais je ne veux pas que cela se fasse au détriment de la vérité et de la réalité de l’engagement de l’État. Je le dis d’autant plus volontiers, monsieur le sénateur, que vous êtes bien placé pour savoir qu’il existe entre les collectivités locales, notamment la ville de Calais, la région et le Gouvernement une relation de grande confiance sur ce sujet, qui s'explique aussi par le sens élevé de leur responsabilité qu’ont les élus et la tradition d’accueil dans laquelle ils se sont engagés. Je veux saluer ici en votre présence l’action de la maire de Calais, Natacha Bouchart, et du nouveau président du conseil régional, avec lequel nous agissons du mieux que nous pouvons.

Je voudrais conclure sur un point : ce qui fait la capacité de la France à accueillir, dans la durée, c’est la volonté d’un gouvernement de donner aux services qui sont en charge de l’asile les moyens d’un accueil digne. Là aussi, je tiens à apporter quelques précisions. Nous avons fait voter une loi sur l’asile qui vise à réduire de vingt-quatre mois à neuf mois la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile. Une telle évolution ne se fait pas d’un coup de baguette magique. M. Buffet, qui a beaucoup travaillé sur cette question, le sait bien.

Pour passer de vingt-quatre mois à neuf mois, il faut augmenter considérablement les effectifs de l’OFII et de l’OFPRA. En quelques mois, nous aurons créé 300 emplois à l’OFII et l’OFPRA. Il faut aussi créer des places en centres d’accueil de demandeurs d’asile, ou CADA. Nous en aurons créé près de 20 000 en cinq ans. Combien de places ont-elles été créées au cours des dix dernières années ? Nous avons également mis en place des dispositifs d’urgence, au mois de juin dernier, avec ma collègue ministre du logement. Nous avons aussi décidé de doter certaines associations des moyens dont elles avaient besoin pour nous accompagner dans cet effort, notamment à Calais.

Mais, si nous voulons être efficaces dans l’accueil des réfugiés, il faut un parcours complet d’intégration, en particulier d’un point de vue résidentiel.

Quand, à Paris, on ne peut pas faire autrement que de vider des squats pour mettre à l’abri des migrants, nous le faisons en mobilisant l’hébergement d’urgence. Ceux qui relèvent du statut de demandeur d’asile sont intégrés en CADA.

Il est important que ceux qui sont dans un hébergement d’urgence et relèvent de l’asile en sortent pour entrer en CADA et il importe que ceux qui sont en CADA et ont obtenu le statut de réfugié en sortent pour entrer dans les logements de droit commun.

Là, je réponds donc très précisément à Valérie Létard : c’est ce parcours-là que nous voulons construire.

Lorsque nous mobilisons les maires et que je nomme le préfet Kléber Arhoul, qui est ici avec nous ce soir, pour recenser les logements qui, dans les bourgs ou dans les villes, permettront à ceux qui ont obtenu le statut de réfugié de se loger, nous sommes dans un dispositif d’accueil de ceux qui ont terminé leur parcours d’accès à l’asile.

Mais lorsque nous demandons à des communes de mettre en place des centres d’accueil et d’orientation pour faire entrer dans le processus d’asile ceux qui sont à Calais, nous ne mobilisons pas des logements de droit commun, mais des bâtiments qui sont à la disposition des communes et dont nous aurons utilité mais ferons une utilisation temporaire, jusqu’à ce que nous ayons pu ouvrir des CADA. Ces nouvelles structures permettront d’accueillir des personnes venant de Calais, qui sont temporairement dans des centres d’accueil et d’orientation. Ensuite, elles pourront entrer dans les 1 500 logements que nous avons mobilisés avec le concours du préfet Arhoul.

Si nous ne disposons pas de ce parcours complet de résidence, pour lequel nous avons mobilisé énormément de moyens, nous n’aurons absolument aucune chance d’être à la hauteur de l’accueil que nous voulons mettre en place pour ceux qui relèvent du statut de réfugié.

Cette pression migratoire va se poursuivre, du fait du désordre du monde, et nous aurons, nous, pays européens, à être à la hauteur de cette situation.

Il ne s’agit pas de dire qu’il faut accueillir tout le monde pour y parvenir et pour que les peuples d’Europe l’acceptent. Pour accueillir ceux qui doivent l’être parce qu’ils sont persécutés dans leur pays, il faut qu’il y ait une organisation et une maîtrise.

Dire qu’il n’y a pas d’accueil possible si cette maîtrise et cette organisation n’existent pas et si les dispositifs de contrôle à l’entrée des frontières extérieures de l’Union européenne ne sont pas présents, ce n’est pas manquer de générosité, c’est avoir la lucidité qui rend la générosité possible.

En effet, la générosité autoproclamée ne règle aucun des problèmes auxquels le monde est confronté lorsqu’il veut – comme c’est notre cas – être à la hauteur de sa réputation et de ses valeurs.

Il faut pour cela de la maîtrise, de l’organisation, du travail.

Je voudrais ajouter qu’il ne suffit pas d’avoir des postures pour garantir la générosité… Ce que je disais sur Calais tout à l’heure m’a beaucoup enseigné de ce point de vue. Lorsque l’on est au Gouvernement, il ne suffit pas d’être sincère dans ses intentions et déterminé à atteindre le but pour être compris et parvenir au résultat escompté : il y a toujours des activistes, des groupes, qui n’ont pas intérêt à ce que les problèmes se règlent, …

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