Intervention de François Autain

Réunion du 16 novembre 2006 à 9h45
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Articles additionnels après l'article 35

Photo de François AutainFrançois Autain :

Cet amendement concerne le problème de la rétrocession hospitalière, qu'il vise, conformément au dernier rapport de la Cour des comptes, à supprimer.

Les médecins hospitaliers peuvent, dans certains cas, prescrire des médicaments à des patients non hospitalisés. C'est le cas, par exemple, de médicaments prescrits aux urgences ou à l'occasion de consultations externes. C'est également le cas des médicaments destinés à être utilisés lors d'un séjour hospitalier.

Mais ces médicaments peuvent également être délivrés par les pharmacies hospitalières pour des malades non hospitalisés s'il s'agit de médicaments dont l'hôpital a le monopole de distribution. C'est ce qu'on appelle communément la « rétrocession hospitalière », qui concerne notamment des médicaments innovants.

Ces médicaments, remboursés au titre des soins de ville, ne suivent pourtant pas le circuit « normal » des médicaments dispensés en officines : ils figurent sur une liste à part, la liste des médicaments rétrocédables, et sont remboursables à 100 % par l'assurance maladie ; leur prix est négocié directement avec l'hôpital, avec simple déclaration au CEPS, le Comité économique des produits de santé, qui dispose seulement d'un droit d'opposition.

Pour les médicaments délivrés en officine, le prix est au contraire négocié avec le CEPS à partir de critères fixés par le code de la sécurité sociale et qui tiennent compte, en particulier, du service médical rendu.

C'est ainsi que la rétrocession, qui, à l'origine, avait un caractère exceptionnel, a été progressivement pérennisée et détournée de son objet. Le rapport de la Cour des comptes de 2002 pouvait ainsi relever que la rétrocession constituait un moyen pour les laboratoires pharmaceutiques de contourner les règles de fixation du prix du médicament, tant et si bien que, confrontés à des dépenses en forte croissance - elles ont presque doublé entre 2000 et 2004 - et qui représentent quelque 9 % des dépenses de remboursement de l'assurance maladie, ce qui n'est pas négligeable, les pouvoirs publics ont décidé, hélas ! avec beaucoup de retard, de réagir.

Le décret du 15 juin 2004 - il a donc été publié douze ans après que l'article de loi qui le rendait nécessaire a été voté - visait ainsi à encadrer plus strictement la rétrocession en imposant, pour les médicaments autres que les médicaments ayant en quelque sorte vocation « naturelle » à figurer sur la liste des médicaments rétrocédables, des critères d'inscription tenant à des contraintes de distribution ou d'approvisionnement, ou encore à la nécessité d'un suivi particulier.

Néanmoins, et c'est inquiétant, la rétrocession hors liste continue de subsister. Malgré le décret, la réglementation n'est donc pas respectée, ce qui hypothèque grandement le sort de la réforme. Selon la Cour des comptes, « l'établissement d'une liste limitative de médicaments rétrocédables a été vidé de son sens ».

En 2005, un système de marges non plus proportionnelles au prix mais forfaitaires a en outre été institué pour les hôpitaux : de 2 milliards d'euros en 2004, le remboursement par l'assurance est ainsi passé à 1, 7 milliard d'euros en 2005 selon les chiffres du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Pour autant, comme le relève la Cour des comptes, cette fois dans son rapport de 2006, l'absence de contrainte budgétaire qui pèse sur les hôpitaux, qui voient ces médicaments intégralement pris en charge, ne les incite guère à négocier les prix, et le système des marges - elles restent pour l'instant proportionnelles, en l'absence de décision sur leur fixation - renforce cette « déresponsabilisation » aux dépens de l'assurance maladie.

Quant aux prix, qui s'avèrent plus élevés que ceux des médicaments dispensés en ville, un accord entre le LEEM, qui regroupe les entreprises du médicament, et le CEPS a certes permis de contenir la progression. « Néanmoins », pour citer une fois encore la Cour des comptes, « les prix acceptés ou fixés dans le cadre de la rétrocession demeurent légèrement plus élevés, selon le CEPS, que les prix fixés dans le cadre de l'admission au remboursement en ville », et ces prix ont forcément tendance à peser sur les négociations futures avec le CEPS lorsque les médicaments intègrent le circuit des officines de pharmacie.

La rétrocession a donc pour effet d'augmenter inutilement les dépenses de la sécurité sociale, et il paraît en conséquence urgent de la supprimer.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement qui vise à réintégrer le régime des médicaments rétrocédés dans le droit commun. Ayant perçu parmi les membres les plus éminents de la commission des affaires sociales, lors de l'audition du Premier président de la Cour des comptes, le souhait, peut-être pas explicite mais tout au moins latent, de voir la rétrocession supprimée, j'espère que cet amendement recevra un meilleur accueil que tous ceux que j'ai défendus jusqu'à présent.

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