Intervention de Jean-Jacques Lasserre

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Situation financière des départements

Photo de Jean-Jacques LasserreJean-Jacques Lasserre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative prise par le groupe Les Républicains, qui est à l’origine de ce débat.

En toile de fond, il y a l’idée sous-jacente – mais que certains d’entre nous veulent combattre – d’un affaiblissement permanent des conseils départementaux. Elle s’appuie sur une hypothèse fausse : la simplification du millefeuille et les économies générées seraient la solution universelle.

Le Sénat a pleinement joué son rôle de défenseur des communes et des départements ; c’est à l’honneur de la Haute Assemblée d’avoir combattu la pensée unique. Surtout, c’est à son honneur d’avoir prouvé à tous les inspirateurs politiques qui n’ont jamais dépassé le périphérique parisien que la vie, la vraie vie, est tout autre chose. La vie des départements, c’est avant tout, cela a été dit, la construction des solidarités.

C’est d’abord la solidarité territoriale ; nous sentons ainsi déjà le désir des régions de s’asseoir autour de la table pour préparer leurs futures politiques. Nécessité fait loi : les régions, gigantesques au plan tant géographique que démographique, sont totalement dénuées de réels pouvoirs du point de vue financier.

C’est ensuite la solidarité humaine. Il s’agit probablement là du plus bel engagement de nos collectivités et de la plus noble de toutes les compétences.

Les départements ont des atouts incomparables et surtout non transposables : un immense savoir-faire, une expérience faite de rigueur et de beaucoup d’engagement ainsi qu’une vraie sensibilité que l’on retrouve tant dans la relation avec les élus et dans leur implication sur le terrain que chez l’ensemble de nos travailleurs sociaux, dont on ne parle jamais assez.

Les départements sont donc véritablement les collectivités qui s’imposent. On ne construit pas des dispositifs sociaux du jour au lendemain ; cela demande de l’expérience, des débats permanents et des capacités d’évolution de tous les instants face à une société qui bouge.

La situation financière des départements est dramatique. Depuis cinq ans, ils ont perdu la moitié de leur autonomie fiscale au gré des décisions successives : la taxe professionnelle – cela a été rappelé – et la quasi-totalité des autres impôts, le foncier bâti faisant exception. Cela place les départements en situation de totale subordination, notamment par rapport aux initiatives gouvernementales.

En ce qui concerne la solidarité financière, les engagements de l’État ne sont pas respectés. En moyenne, dans tous les départements, les dotations de l’État baissent chaque année de 10 % et les engagements sociaux – RSA, personnes âgées, handicap, enfance et famille – augmentent de 10 %. La césure se manifeste dans ces deux chiffres. Pour formuler les choses différemment, je dirai que les engagements sociaux, qui doivent relever de la solidarité nationale, sont assurés par les seuls départements. En outre, leurs situations sont très contrastées.

Tout d’abord, l’augmentation du RSA est, qu’on le veuille ou non, une conséquence directe des difficultés du Gouvernement en matière d’emploi. Chacun le sait, la France, contrairement à la majorité des États européens, n’aura pas vu son taux de chômage baisser.

Ensuite, concernant l’APA, les départements font face à des situations très différentes. De très nombreux départements ruraux ont une proportion importante de personnes âgées ; ce sont ceux-là mêmes qui ont les capacités contributives les plus faibles.

Par ailleurs, la prise en charge du handicap est une belle ambition, mais les réponses apportées aux populations handicapées ne sont, à ce jour, malheureusement pas à la hauteur des demandes.

Enfin, s’agissant de la protection de l’enfance, il faut en particulier souligner la situation des départements frontaliers, comme celui que j’ai l’honneur de présider : plus que pour les autres, la charge que représente le nombre croissant de mineurs étrangers isolés explose. Cela est notamment dû à l’existence de véritables filières d’immigration et de réseaux bien tissés.

Sur ces quatre points bien précis, le désengagement de l’État est évident. Chacun le sait, les dotations de départ n’évoluent pas au rythme de la variation des charges obligatoires des départements, contrairement au véritable contrat moral qui avait été passé. Le débat sur les ressources propres des départements doit donc s’engager dans deux directions : la nécessaire prise en charge par l’État de l’évolution des engagements sociaux relevant naturellement de sa responsabilité et la stabilisation, la reconstruction du chapitre des recettes dynamiques que les départements ont perdues.

La situation de dépendance par rapport à l’État est inacceptable. Non seulement nous devons stopper le phénomène de siphonnage mais, surtout, nous devons intervenir pour reconstruire l’autonomie fiscale. Les recentralisations successives, et elles seules, portent la marque d’un véritable archaïsme.

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