Intervention de Jean-Claude Leroy

Réunion du 2 mars 2016 à 14h30
Incivilités et terrorisme dans les transports collectifs de voyageurs — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Claude LeroyJean-Claude Leroy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il était important qu’un accord puisse être trouvé sur ce texte relatif à la lutte contre les incivilités et contre les atteintes à la sécurité dans les transports. Les débats, on l’a dit, ont été très riches, ce dont atteste l’augmentation du nombre d’articles, qui est passé de neuf dans le texte initial à vingt dans celui qui est issu de la commission mixte paritaire.

Chacune des deux assemblées a su faire des concessions pour parvenir à un texte commun. Le Sénat et l’Assemblée nationale se sont facilement retrouvés sur plusieurs articles.

C’est le cas notamment sur l’autorisation de transmission en temps réel aux forces de l’ordre des images réalisées au sein des véhicules et emprises immobilières de transports publics, sur l’unification de l’application du régime répressif de la « vente à la sauvette » dans les gares, ou sur la sanction pénale pour le manquement à l’obligation de rester à la disposition de l’agent assermenté pendant le temps nécessaire pour qu’un officier de police judiciaire soit informé. Il en est de même sur la création d’un nouveau délit de presse pour lutter contre la pratique des mutuelles de fraudeurs ou sur l’extension des compétences des polices municipales à l’exercice de la police des transports.

À ce sujet, comme l’avait voté le Sénat lors du débat, le texte final place les polices municipales sous l’autorité du maire, y compris lorsque le réseau s’étend à une intercommunalité. Certes, il y avait débat : fallait-il ou non créer les polices territoriales ? Le texte final ne va pas jusqu’à reprendre cette mesure, préconisée par notre collègue René Vandierendonck dans son rapport, mais prévoit néanmoins que des agents de police municipale pourront être mis en commun à l’échelle d’un groupe de communes.

La navette parlementaire aura permis aussi d’améliorer sensiblement la rédaction de nombreuses dispositions et de consolider les garanties apportées en matière de protection des libertés individuelles et de la vie privée. Il en est ainsi notamment pour l’expérimentation du dispositif des caméras-piétons au bénéfice des agents de services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

La rédaction adoptée en commission mixte paritaire encadre strictement l’usage de ce dispositif et apporte toutes les garanties pour les personnes filmées, en veillant au bon usage des images produites. L’expérimentation sera lancée à partir du 1er janvier 2017, pour une durée de trois ans, et fera l’objet d’un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur.

De même, en ce qui concerne le droit de communication entre les exploitants de transports et les administrations publiques afin d’améliorer le recouvrement des amendes, la commission mixte paritaire a renforcé les garanties sur les données collectées. Le dispositif proposé est restreint et proportionné, et les données sont protégées, notamment par la non-divulgation à des tiers. Ainsi, les agents de l’exploitant chargés du recouvrement des amendes seront tenus au secret professionnel et les exploitants pourront conclure des conventions de mise à disposition de leurs agents au bénéfice du Trésor public pour recouvrer les amendes majorées.

Des garanties ont également été introduites, sur l’initiative du Sénat, en ce qui concerne l’inspection visuelle et la fouille des bagages par les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire, prévues à l’article 6.

En ce qui concerne le contrôle des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP par les forces de l’ordre mentionné à l’article 2, la suppression de la supervision du CNAPS sur la formation de ces agents est pour nous une source de satisfaction.

Les différents outils mis en place pour le contrôle des agents du SUGE et du GPRS semblent parfaitement adaptés. Il faut souligner que, à l’initiative du groupe socialiste du Sénat, ce contrôle a été renforcé afin de permettre aux forces de l’ordre d’avoir accès aux registres du personnel et aux locaux des services, lorsque les contrôles sont – et c’est important pour nous de le préciser – en lien avec les activités opérationnelles des agents de sécurité.

Quant au contrôle préalable avant le recrutement ou l’affectation des personnels, la version finale du texte répond aux interrogations soulevées au cours des débats. L’efficience de la procédure de criblage est assurée par l’élargissement du champ d’application à l’ensemble du domaine du transport public, y compris le transport de marchandises dangereuses. L’objet de l’enquête administrative est précisé, de même que le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés est prévu. Et comme le souhaitait le groupe socialiste du Sénat, l’information préalable de la personne concernée est assurée.

Par ailleurs, il est important que l’ensemble des usagers des transports, et non pas seulement les Franciliens, bénéficient des mêmes garanties de sûreté. Nous nous réjouissons donc du rétablissement de l’article 6 ter qui introduit l’obligation, pour tous les opérateurs de transports urbains, d’assurer la sûreté de leur réseau, où qu’il se trouve sur le territoire, et donne la possibilité à tous les réseaux de transports en commun de se doter de services de sécurité internes en fonction de leurs spécificités locales.

La conclusion d’un contrat départemental d’objectifs de sécurité dans les transports entre le préfet, les autorités organisatrices de transports et les exploitants est facultative, ce qui permet de ne pas faire peser sur les AOT, notamment sur les plus petites d’entre elles, une charge excessive. Le fait que ce contrat ne puisse pas mettre à la charge des AOT le financement d’actions qui relèvent de la compétence exclusive de l’État évite le transfert par l’État des charges de police et de gendarmerie aux AOT, ce qui ne peut que rassurer les collègues qui craignaient ces transferts de charge.

En ce qui concerne, plus généralement, la problématique financière, il faut constater que l’article 6 quinquies qui prévoit le dépôt d’un rapport gouvernemental sur le coût de la sécurité dans les transports et sur ses modalités de financement a été fort opportunément rétabli. Les mesures peuvent engendrer des coûts importants. Certes, la disposition ne va pas jusqu’à évoquer la création d’une redevance de sûreté, mais nous oblige à réfléchir sur les modalités de financement, à l’instar de ce qui est fait dans le transport aérien.

Enfin, nous nous réjouissons du rétablissement du titre III et de l’article 14 – auxquels nous tenions tout particulièrement – relatifs à la lutte contre le harcèlement et les violences faites aux femmes dans les transports. Ne pas traiter de ce problème dans un texte sur la sécurité dans les transports publics aurait en effet été paradoxal au moment où les pouvoirs publics se mobilisent fortement sur ce sujet jusqu’alors visiblement ignoré. Le texte reprend en cela une des mesures proposées par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, dont s’est inspiré le Gouvernement pour élaborer son plan de lutte contre ces comportements.

Pour conclure, le Parlement est à nos yeux parvenu à élaborer un texte équilibré. Nous y voyons là un des effets positifs du bicamérisme, qui aboutit à des lois également équilibrées.

La proposition de loi apporte selon nous des réponses cohérentes et proportionnées aux enjeux importants en termes de prévention des actes terroristes, des incivilités ou de lutte contre la fraude auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés dans le domaine des transports publics terrestres. Il s’agit d’un texte de sécurité qui garantit par ailleurs les libertés publiques. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion