L'ADEAF compte deux mille adhérents, soit un quart des enseignants d'allemand. L'apprentissage de l'allemand s'inscrit, comme il a été dit, dans l'application du traité de l'Élysée, qui prévoit que chaque pays s'engage à promouvoir l'apprentissage de la langue de son partenaire. L'allemand présente également de nombreux atouts pour les jeunes Français, en matière de formation professionnelle et d'emploi, ainsi que de mobilité. En effet, 60 % des enseignants de collège organisent des échanges avec leurs collègues d'outre-Rhin.
L'enseignement de l'allemand est-il à la hauteur des besoins économiques, culturels et sociaux de notre pays ? À la rentrée 2014, 15,2 % des élèves apprenaient l'allemand, tandis que 98,8 % apprenaient l'anglais, 47,2 % l'espagnol et 4,2 % l'italien.
À partir de 1995, l'apprentissage de l'allemand a fortement diminué. À l'époque, 22,9 % des élèves apprenaient l'allemand et cinq ans plus tard, ce chiffre baissait pour n'atteindre que 18 %. Il fallait donc enrayer cette chute et les classes bilangues ont apporté une réponse structurelle à ce phénomène. Ces classes sont en fait des sections - les élèves pouvant être répartis dans différentes classes - dans lesquelles, dès la sixième, ceux-ci peuvent continuer ou débuter l'apprentissage de deux langues vivantes, dont l'une est forcément l'anglais. Elles se sont révélées d'emblée efficaces en permettant aux élèves qui auraient commencé l'allemand en primaire de poursuivre leur apprentissage en sixième et de commencer celui de l'anglais un peu plus tôt. Ces sections permettaient également de rassurer les familles en leur confirmant la possibilité d'un apprentissage ultérieur de l'anglais dès la sixième.
Or, le développement de ces sections ne s'est pas opéré comme prévu. Le dispositif a énormément plu aux familles et aux établissements. Les élèves ont en fait poursuivi l'apprentissage de l'anglais débuté dans le primaire de manière diverse. Le succès a cependant été tel, que des sections bilangues allemand-anglais ont été implantées dans la moitié des collèges. Aujourd'hui, parmi les 100 000 élèves qui apprennent l'allemand en sixième, 10 % seulement l'apprennent comme première langue ; les 90 % restants dans le cadre des sections bilangues. En classe de quatrième, les deux-tiers des 150 000 élèves qui apprennent l'allemand sont issus de sections bilangues.
Les conséquences de la réforme sur l'apprentissage de l'allemand ne pourront être mesurées qu'après sa mise en oeuvre à la rentrée 2016, mais on peut déjà craindre une régression du nombre d'élèves apprenant l'allemand. En outre, s'agissant des horaires d'enseignement, le compte n'y est pas non plus puisque la parité horaire - trois heures hebdomadaires pour chacune des langues - va fortement diminuer, y compris dans les zones où les sections bilangues sont maintenues. À partir de la classe de cinquième, il n'y aura plus qu'une grille d'horaire langue vivante 1 (LV1) et langue vivante 2 (LV2), ce qui induit une perte horaire importante pour les élèves et ainsi la diminution du niveau de compétences linguistiques.
Nous prévoyons donc une baisse du nombre de germanistes et une baisse de leur niveau de langue. Voilà ce sur quoi nous souhaitons attirer votre attention. D'après une très récente enquête portant sur la dotation horaire globale des collèges, la rentrée 2016 devrait enregistrer une baisse de trois heures d'allemand par établissement. Ces résultats sont certes partiels, puisque trois cent collègues nous ont répondu à ce jour, mais ils indiquent une tendance que la suite des réponses devrait malheureusement confirmer.
De plus, la carte des langues a permis de mettre au jour l'extrême inégalité territoriale devant la suppression des sections bilangues. Ainsi, l'académie de Caen voit près de 95 % de ses sections supprimées pour la langue allemande, mais pour l'italien, le taux de ces suppressions s'élève à 100 %.
Enfin, nous avons déposé un recours auprès du Conseil d'État sur le fondement du respect des engagements du traité de l'Élysée et de la rupture d'égalité devant les charges publiques. Pour répondre à l'impératif d'un bon niveau de compétences dans deux langues vivantes au minimum, tout en promouvant l'apprentissage de l'allemand, il nous semble nécessaire de développer les classes européennes, de généraliser les sections bilangues pour tous les élèves qui le souhaitent et tout au long de leur scolarité au collège et ce, sans exigence d'un parcours préalable en primaire. En effet, les recteurs sont autorisés à maintenir ou à ouvrir des sections bilangues dans des collèges où l'allemand est proposé dans au moins l'une des écoles élémentaires du secteur. Une certaine souplesse y est d'ailleurs constatée : si l'apprentissage de la langue doit débuter au cours préparatoire, celui de l'allemand s'inscrit en complémentarité de l'anglais. Cependant, l'enseignement de l'allemand au primaire est peu courant et absent dans de nombreux départements.