Je suis membre du CPP de Nancy Est III depuis plusieurs années et le préside depuis 1992. Pour avoir suivi l'évolution de la législation, depuis la loi Huriet-Sérusclat de 1988, j'ai pu relever deux problèmes. Le premier est que les CPP fonctionnent avec beaucoup d'autonomie... et très peu de concertation. Ensuite, il ne faut pas oublier que cette loi, qui est une grande loi, n'en a pas moins été combattue par un certain nombre de nos confrères, notamment dans les domaines très particuliers de la réanimation et de la chirurgie. Si bien qu'au fil du temps, ces remises en cause ont suscité des demandes de modification. La transposition de la directive européenne, qui pour l'heure, nous gouverne, fait de l'examen des protocoles par les comités la règle. Mais l'arrivée du règlement européen a introduit un biais dans le fonctionnement des comités, soumis, dans cette phase pilote, à deux législations distinctes. Ils peuvent ainsi être amenés à examiner des protocoles de recherche clinique selon les modalités prévues par ce règlement européen, qui ne s'applique, pour l'instant, qu'au médicament. Quant à la loi Jardé, votée en 2012, elle ne trouve toujours pas à s'appliquer puisque manquent les décrets d'application. Si bien qu'au total, sachant que les procédures sont appelées à évoluer dans le temps, les comités, manquant de visibilité, ont du mal à statuer.
A quoi il faut ajouter un troisième paramètre, qui n'est sans doute pas étranger à ce qui est arrivé à Rennes : les comités se trouvent dans un environnement concurrentiel. On a même parlé à un moment d'un « Gault et Millau » les concernant ! Soumis aux règles de la comptabilité publique, ils connaissent de grandes difficultés financières, ce qui ne facilite pas la tâche de leurs membres, bénévoles. Quand on se trouve amené, pour sécuriser son financement, à examiner davantage de protocoles, comment mener ces examens avec équanimité ? Il est important de le souligner.
Certes, des réponses peuvent être apportées, mais encore faut-il qu'elles ne tardent pas trop. Or, voilà deux ans que l'on attend la promulgation des décrets. Mieux répartir l'examen des protocoles permettrait ainsi à chaque comité de n'être pas chargé de plus de 70 examens - ce qui paraît un chiffre raisonnable. Mais dans les rapports successifs de l'Igas, on constate que certains comités déclarent examiner plus de 100 protocoles par an, quelques-uns même jusqu'à 200. On peut comprendre, à ce compte, que ceux qui n'en examinent pas plus de 45 se sentent un peu menacés et que le déroulé de leurs examens s'en trouve affecté.