Cette question de l'affectation aléatoire est en effet centrale. Mais elle a un préalable : la nécessaire harmonisation des pratiques des comités. Ce qui s'est passé à Rennes porte, de fait, à s'interroger. A l'aune du travail que nous avions réalisé sur les bonnes pratiques, et au vu du rapport de l'Igas, il est clair qu'il y a eu dysfonctionnement - ou dérapage. On lit ainsi dans le rapport de l'Igas que le CPP, en première lecture, avait émis un certain nombre d'observations, parmi lesquelles deux réserves, l'une, de nature scientifique, concernant le critère d'inclusion ou d'exclusion des patients, l'autre, de nature éthique, relative au niveau d'information à délivrer au patient une fois la dose prévue fixée par les premières étapes. Moyennant quoi, le comité avait émis un avis sous réserve. L'investigateur - le laboratoire Prial - a répondu en supprimant le point qui posait problème en matière de critères d'inclusion mais, s'agissant de l'information des sujets, il était allé jusqu'à écrire qu'il n'acceptait pas la demande, compte tenu de la planification très serrée de l'étude - cela fait froid dans le dos. Il n'est pas normal que le comité ait donné son feu vert sans que ce refus d'obtempérer soit examiné en séance. C'est une façon de procéder regrettable, qui m'a fait violemment réagir. Si l'harmonisation des pratiques prévue par la loi de 2004 avait été mise en oeuvre, ce comité n'aurait probablement pas procédé ainsi.
Mais un autre point a également attiré mon attention. Le rapport de l'Igas nous apprend que le personnel de ce comité compte un mi-temps d'« assistant scientifique » - ce n'est pas là une appellation banale. Je me suis donc reporté au rapport précédent, celui de 2014, dans lequel ce comité Ouest-VI avait, avec d'autres, fait l'objet d'un audit. La seule réponse apportée à l'inspecteur de l'Igas qui l'interrogeait sur ses propositions pour améliorer la situation est la suivante : « disposer d'un pharmacien ou d'un médecin chargé d'évaluer la pertinence scientifique et méthodologique des dossiers tout au long de l'année ». Et voilà qu'en 2016, on apprend que ce comité dispose en effet d'un salarié qualifié d'assistant scientifique. Cela pose un gros problème. Car si le législateur a prévu des dispositions destinées à prévenir les conflits d'intérêts pour les membres siégeant aux CPP, rien n'est prévu pour garantir l'indépendance des personnels salariés de ces comités.
Je reviens, à présent, sur l'affectation aléatoire. Son objectif est double. Il s'agit, d'abord, d'harmoniser la charge de travail des comités. Il est insupportable de constater, en lisant le rapport de 2014, que certains comités se penchent sur 25 nouveaux protocoles par an quand d'autres sont saisis de 300. Comment le ratio peut-il être de 1 à 14 dans des instances qui comportent le même nombre de membres, devraient toutes porter la même attention à l'analyse et disposer du même temps pour la conduire ? On peut se demander pourquoi certains comités sont si attractifs aux yeux des promoteurs - je n'en dirai pas plus.
Comment prévenir les conflits d'intérêts ? Les déclarations publiques d'intérêt - dont je note au passage qu'elles ne sont pas publiques pour le comité Ouest VI, puisqu'il n'est pas possible, en consultant le site internet, de connaître le nom de ses membres - sont centrées sur les intérêts financiers. Mais c'est oublier, en particulier pour les membres appartenant au corps médical, les conflits non financiers qui ont trait aux relations hospitalières et universitaires. L'affectation aléatoire était aussi un moyen de neutraliser ce risque - de complaisance voire de conflit d'intérêts dans l'examen du protocole émanant d'un collègue du même CHU ou de la même région.
Pour toutes ces raisons, il est extrêmement urgent que l'affectation aléatoire soit mise en place. Le rapport de l'Igas l'a, après enquête, souligné, confirmant que cette pratique serait souhaitable et donnant quelques pistes de mise en oeuvre. Cela fait 18 mois que ce rapport a été rendu, et rien n'a bougé. Il est devenu urgent de passer aux actes.