Intervention de Pierre Cardo

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 mars 2016 à 10h35
Audition de M. Pierre Cardo président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières arafer

Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) :

Nous émettons aussi des avis sur la tarification du fret. Jamais une somme ne doit servir à deux objets en même temps. Pour stabiliser sa dette, les responsables de la SNCF s'étaient engagés à réaliser trois fois 500 millions d'économies, soit 1,5 milliard d'euros. L'État s'engageait à ne pas percevoir l'équivalent de 500 millions d'euros de dividendes ou d'impôt sur les sociétés et à les faire redescendre à la SNCF pour stabiliser la dette. Mais cela supposerait déjà qu'il existe un résultat ! La tarification du fret repose sur la double notion de coût direct ou marginal - faire rouler un train - et de coût complet - incluant l'investissement et l'amortissement du capital. Pour le fret ferroviaire, il n'est pas nécessaire de couvrir le coût complet. La tarification rapporte toutefois moins de 40 % du coût direct - montant en cours de recalcul. Il serait en baisse, à environ 3 centimes par voyageur par kilomètre. Les entreprises paient environ 2 centimes, le différentiel reste donc à combler. L'État a obtenu de l'Union européenne l'autorisation de verser une subvention pour atteindre le coût marginal - soit environ 200 millions d'euros. Chaque année, vous autorisez l'État à verser cette subvention mais il gèle les crédits ; SNCF Réseau ne peut donc pas atteindre le coût marginal.

Après des échanges tendus avec le ministère, nous avons fait remarquer qu'une partie des dividendes versés par SNCF Mobilités - 500 millions d'euros - sera utilisée pour atteindre le coût marginal, afin de compenser l'absence de subvention, alors qu'elle aurait dû réduire la dette du réseau. Au-delà de la loi, voilà la réalité.

Nous n'avons pas encore émis d'avis sur la tarification de la Sûreté. Nous attendons les conclusions imminentes d'un audit.

Nous avons donné un avis sur les infrastructures de service. Des acteurs régionaux - comme le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) - sont à l'origine de contentieux sur la tarification des gares définie par Gares et Connexions, notamment sur le taux de rémunération du capital. La SNCF est en quasi-monopole hormis pour le fret, le risque est donc réduit ! Nous avons tranché mais SNCF Réseau et SNCF Mobilités ont interjeté l'appel.

La régularité des trains est, davantage que le prix, un élément de choix des utilisateurs : les sillons sont attribués deux ans à l'avance, mais des perturbations peuvent intervenir entretemps. Des itinéraires de déviation peuvent être prévus, mais parfois les trains connaissent des retards importants et fréquents, ce qui rend par exemple difficile l'approvisionnement des grandes surfaces. Après concertation, nous avons donc expérimenté un système incitatif avec des pénalités, d'une part pour les opérateurs réservant des sillons sans les utiliser et les rendant trop tard pour que la SNCF puisse les réallouer, d'autre part pour SNCF Réseau si une plage de travaux bloque brutalement un sillon pendant une période donnée alors qu'il avait été garanti au client. Résultat : les entreprises ont essayé de ne pas trop réserver de créneaux, tandis que SNCF Réseau pourrait devoir payer environ 15 millions d'euros de pénalités, ce qui lui a paru excessif. Nous avons obtenu gain de cause en première instance et en appel, et nous attendons le résultat de la cassation demandée par SNCF Réseau. Je regrette ces pourvois : nous n'en étions qu'au stade expérimental, le système aurait pu être aménagé, et les pénalités sont dérisoires par rapport à la dette. Il était essentiel que les comportements soient plus prévisibles, respectueux, qu'ils optimisent l'utilisation du système ferroviaire et garantissent le service public. Une surréservation par SNCF Infra de sillons ni utilisés ni rendus dans des délais raisonnables est un manque à gagner pour l'entreprise.

Nous avons été interpellés par les rapports de l'Autorité de la concurrence sur la régulation du système routier après l'ouverture à la concurrence pour les autocars des liaisons supérieures à 100 kilomètres. Entre deux arrêts distants de plus de 100 kilomètres, il peut exister des arrêts intermédiaires qui ne peuvent être commercialisés. Ainsi, sur une liaison Paris-Le Havre, un car peut s'arrêter à Rouen, mais sans commercialiser le billet. Nous avons enregistré 116 déclarations pour des services entre deux arrêts distants de moins de 100 kilomètres, et avons été saisis par les AOT d'une demande de limitation du service ou d'interdiction pour 24 d'entre eux. Dans certains secteurs, les AOT n'ont pas fait de recours. C'est tout nouveau : nous évaluons l'impact de l'ouverture des lignes d'autocar en parallèle des lignes de trains express régionaux (TER).

La semaine dernière, nous avons été saisis de trois dossiers : pour deux d'entre eux, on n'observe pas de déséquilibre substantiel à la suite de l'ouverture à la concurrence. Pour le troisième, la ligne Paris-Beauvais, nous avons interdit l'ouverture de la ligne : départ et arrivée étaient au même endroit, sur une ligne d'une forte fréquence, avec deux compagnies de cars en concurrence, tandis qu'une convention de service public existait déjà avec l'aéroport de Beauvais. L'impact était très fort. Mais la situation peut évoluer et cela n'interdira pas une éventuelle ouverture de ligne à l'avenir. Globalement, l'ouverture de ces lignes de car a peu d'impact sur la fréquentation des TER, mais davantage sur les trains d'équilibre du territoire (TET), déjà menacés par l'essor du covoiturage.

Nous avons créé un observatoire du marché français du transport terrestre. Nous collectons des informations des opérateurs sur le transport routier et ferroviaire ; j'attends les résultats. Nous publierons régulièrement des informations - sous réserve du secret des affaires - grâce auxquelles le politique aura une idée plus précise de la situation des transports. Cinq personnes en sont chargées. Les premiers chiffres seront publiés le 21 mars, lors d'une conférence de presse.

La loi Macron nous a donné la compétence sur les gares routières, et nous devons rendre des avis. Ce travail assez important donnera lieu au règlement de différends. Jusqu'à présent, les gares routières étant surtout utilisées par des services publics, elles n'étaient pas soumises à tarification.

Nous sommes actuellement submergés par les dossiers d'ouvertures de lignes d'autocar. Nous serons ensuite occupés par les gares routières. Si nous avions attendu qu'elles existent pour ouvrir le secteur des autocars à la concurrence, nous n'y serions toujours pas parvenus. La fonction crée l'organe.

Je n'avais pas demandé la compétence sur les autoroutes. Le législateur n'a pas confié à l'Arafer un rôle de régulation mais de contrôle. Nous tenterons de le remplir malgré les difficultés posées par la loi et les décrets.

L'Arafer doit contrôler les attributions de marchés et notamment l'indépendance de la majorité des membres de la commission d'appel d'offres. Mais le décret ne prévoit pas qu'elle désigne le président de cette commission, ni qu'il soit choisi parmi les membres indépendants. Le concessionnaire pourra ainsi choisir qui il veut. Sachant que seul le président de la commission peut interpeller l'Arafer, il sera délicat pour celle-ci d'effectuer un contrôle idéal - même s'il existe toujours des solutions. En tant que régulateur, j'aurais préféré disposer de moyens spécifiques.

La hausse de la tarification autoroutière, en février, fait suite à des accords passés l'an dernier, la vérification en sera assurée par la Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports. En revanche, un futur avenant sur une concession serait de notre ressort.

Nos rapports sur l'état de santé des concessionnaires serviront aux décideurs politiques.

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