La réunion est ouverte à 10 h 35.
Nous accueillons M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), qui l'a portée sur les fonts baptismaux dès sa création en 2010. Depuis, cette Autorité s'est imposée et a vu ses compétences substantiellement élargies, en particulier dans le domaine historique du ferroviaire, afin d'éviter une situation trop avantageuse de l'opérateur historique après le rapprochement des gestionnaires de l'infrastructure et des transports issu de la loi de 2014.
L'Arafer donne un avis conforme sur les redevances d'infrastructures - péages, accès aux gares, services - et sur la tarification des prestations de sûreté (Surveillance générale (Suge)). Le 10 février dernier, vous avez émis un avis défavorable sur les péages applicables aux transports de voyageurs et des réserves sur les péages applicables au fret. Vous avez recommandé une refonte globale de la tarification.
Vous devez publier des avis non contraignants sur les projets de contrats-cadre entre l'État et l'établissement public industriel et commercial (Epic) de tête SNCF et SNCF Réseau qui, je le regrette en tant que membre du conseil de surveillance de la SNCF, ne sont pas encore signés.
Vous émettez un avis sur la participation financière de la SNCF à la modernisation du réseau, alors que la SNCF est de plus en plus sollicitée pour investir, et avance moins vite sur la remise en état du réseau. Ainsi, vous vous êtes prononcés négativement sur l'ordonnance relative à la liaison Charles-de-Gaulle Express (CDG Express), et sur le budget de SNCF Réseau, qui nous inquiète : la loi ne prévoyait pas que l'État prélève des fonds sur SNCF Mobilités. Quels sont les écarts entre l'esprit de la loi et la réalité ?
Depuis la loi Macron, vos compétences ont été élargies au transport par autocar ; vous êtes consultés par les autorités organisatrices des transports (AOT) - tenues par vos avis - lorsqu'une liaison par car de moins de 100 kilomètres concurrence une liaison qu'elles financent ; vous régulez l'accès aux gares routières, et les demandes d'ouverture de lignes sont nombreuses depuis la loi Macron. Dans le secteur autoroutier, vous êtes consultés sur les projets de modification des concessions autoroutières, et avez aussi un rôle de régulation des marchés.
L'Arafer collecte enfin des données générales sur les transports et les concessions autoroutières. Comment vous organisez-vous pour répondre à cet accroissement des compétences ? En cinq ans et demi, vous avez développé l'Arafer, et vous quitterez sa présidence en juillet prochain. Pouvez-vous nous faire part de votre expérience et de cette expertise, avec toute la liberté de ton d'une personne en fin de mandat qui peut dresser un bilan de son action ?
Je suis très heureux de rendre des comptes devant le Parlement. C'est important que les autorités publiques ou administratives indépendantes (API et AAI) fassent part de leurs actions sur les compétences que vous leur avez attribuées. L'Araf, devenue Arafer, a fortement évolué. J'ai été nommé en juillet 2010, après la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et une étude réalisée six mois auparavant. Comment le secteur ferroviaire a-t-il évolué, notamment depuis la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ? Chaque année, nous publions un avis sur le document de référence du réseau. Ce dernier a été simplifié pour que chaque compagnie qui le souhaite puisse utiliser le réseau.
Nous donnons un avis conforme sur la tarification des prestations minimales - comme le coût des sillons - compétence étendue par la loi du 4 août ; cet avis conforme a fait débat avant même la création de l'Araf : si le gestionnaire de l'infrastructure définit ses tarifs, un avis conforme peut être considéré comme une codécision de fait de l'Araf. C'est l'Union européenne qui exige de vérifier que la tarification soit conforme aux directives européennes sur le contenu, le transport et la justification du coût. L'extension de l'avis conforme concerne les gares, les infrastructures de service, les marchandises et la Suge. Si la tarification ne correspond pas aux exigences, nous demandons sa modification. Jusqu'à présent, nos avis négatifs ont été suivis d'arrangements, assez simplement. La tarification doit avoir un but, afin d'être efficace. Récemment, notre position s'est durcie après avoir demandé durant plusieurs années à SNCF Réseau de modifier les principes de sa tarification. L'année dernière, l'entreprise s'était engagée par courrier à modifier ses tarifs pour 2018, ce qu'elle n'a pas fait, contrainte par Bercy de maintenir un niveau de recettes suffisant.
Il vaudrait mieux que l'entreprise définisse les exigences de la tarification, formule des hypothèses et simule des résultats, avant de négocier avec l'État. La loi de 2014 nous demandait de suivre la trajectoire financière de SNCF Réseau, or ce n'est toujours pas possible deux ans après : si l'État ne respecte pas ses engagements, SNCF Réseau en pâtira. Le contrat doit être équilibré entre les deux partenaires. La loi du 4 août crée une règle d'or : dès que le ratio est dépassé, tout projet demandé à SNCF Réseau doit être financé par celui qui le demande. Le ratio, rapport de la dette sur la marge opérationnelle, qui ne devrait pas dépasser 18, a atteint 22 l'année dernière - d'où notre avis négatif sur la liaison CDG Express, après l'échec des appels d'offres et une rentabilité non assurée. La société comprendrait Aéroports de Paris et SNCF Réseau à son capital, mais devrait investir lourdement. L'État devra donc attribuer à SNCF Réseau une subvention d'un montant équivalent à celui que SNCF Réseau devrait apporter au capital, en raison du dépassement du ratio. Il semblerait que la règle d'or soit en train d'être précisée ; j'espère qu'on n'essaiera pas de la contourner par un calcul biaisé, sans quoi le régulateur le signalera. Nous ne sommes pas en harmonie avec les différents partenaires de SNCF Réseau.
La loi du 4 août prévoyait la stabilisation de la dette du réseau, sachant que l'ambition initiale était de la réduire. L'année dernière, la dette a augmenté de 3 milliards d'euros : on est déjà hors des clous ! La dette augmente, il n'y a pas de contrat avec l'État : les objectifs fixés par le Parlement ne sont donc pas atteints, même si la loi a permis la réunification intéressante de Réseau Ferré de France (RFF), de la direction de la circulation et de SNCF Infra ; cela ne règle pas tout.
Nous émettons aussi des avis sur la tarification du fret. Jamais une somme ne doit servir à deux objets en même temps. Pour stabiliser sa dette, les responsables de la SNCF s'étaient engagés à réaliser trois fois 500 millions d'économies, soit 1,5 milliard d'euros. L'État s'engageait à ne pas percevoir l'équivalent de 500 millions d'euros de dividendes ou d'impôt sur les sociétés et à les faire redescendre à la SNCF pour stabiliser la dette. Mais cela supposerait déjà qu'il existe un résultat ! La tarification du fret repose sur la double notion de coût direct ou marginal - faire rouler un train - et de coût complet - incluant l'investissement et l'amortissement du capital. Pour le fret ferroviaire, il n'est pas nécessaire de couvrir le coût complet. La tarification rapporte toutefois moins de 40 % du coût direct - montant en cours de recalcul. Il serait en baisse, à environ 3 centimes par voyageur par kilomètre. Les entreprises paient environ 2 centimes, le différentiel reste donc à combler. L'État a obtenu de l'Union européenne l'autorisation de verser une subvention pour atteindre le coût marginal - soit environ 200 millions d'euros. Chaque année, vous autorisez l'État à verser cette subvention mais il gèle les crédits ; SNCF Réseau ne peut donc pas atteindre le coût marginal.
Après des échanges tendus avec le ministère, nous avons fait remarquer qu'une partie des dividendes versés par SNCF Mobilités - 500 millions d'euros - sera utilisée pour atteindre le coût marginal, afin de compenser l'absence de subvention, alors qu'elle aurait dû réduire la dette du réseau. Au-delà de la loi, voilà la réalité.
Nous n'avons pas encore émis d'avis sur la tarification de la Sûreté. Nous attendons les conclusions imminentes d'un audit.
Nous avons donné un avis sur les infrastructures de service. Des acteurs régionaux - comme le Syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) - sont à l'origine de contentieux sur la tarification des gares définie par Gares et Connexions, notamment sur le taux de rémunération du capital. La SNCF est en quasi-monopole hormis pour le fret, le risque est donc réduit ! Nous avons tranché mais SNCF Réseau et SNCF Mobilités ont interjeté l'appel.
La régularité des trains est, davantage que le prix, un élément de choix des utilisateurs : les sillons sont attribués deux ans à l'avance, mais des perturbations peuvent intervenir entretemps. Des itinéraires de déviation peuvent être prévus, mais parfois les trains connaissent des retards importants et fréquents, ce qui rend par exemple difficile l'approvisionnement des grandes surfaces. Après concertation, nous avons donc expérimenté un système incitatif avec des pénalités, d'une part pour les opérateurs réservant des sillons sans les utiliser et les rendant trop tard pour que la SNCF puisse les réallouer, d'autre part pour SNCF Réseau si une plage de travaux bloque brutalement un sillon pendant une période donnée alors qu'il avait été garanti au client. Résultat : les entreprises ont essayé de ne pas trop réserver de créneaux, tandis que SNCF Réseau pourrait devoir payer environ 15 millions d'euros de pénalités, ce qui lui a paru excessif. Nous avons obtenu gain de cause en première instance et en appel, et nous attendons le résultat de la cassation demandée par SNCF Réseau. Je regrette ces pourvois : nous n'en étions qu'au stade expérimental, le système aurait pu être aménagé, et les pénalités sont dérisoires par rapport à la dette. Il était essentiel que les comportements soient plus prévisibles, respectueux, qu'ils optimisent l'utilisation du système ferroviaire et garantissent le service public. Une surréservation par SNCF Infra de sillons ni utilisés ni rendus dans des délais raisonnables est un manque à gagner pour l'entreprise.
Nous avons été interpellés par les rapports de l'Autorité de la concurrence sur la régulation du système routier après l'ouverture à la concurrence pour les autocars des liaisons supérieures à 100 kilomètres. Entre deux arrêts distants de plus de 100 kilomètres, il peut exister des arrêts intermédiaires qui ne peuvent être commercialisés. Ainsi, sur une liaison Paris-Le Havre, un car peut s'arrêter à Rouen, mais sans commercialiser le billet. Nous avons enregistré 116 déclarations pour des services entre deux arrêts distants de moins de 100 kilomètres, et avons été saisis par les AOT d'une demande de limitation du service ou d'interdiction pour 24 d'entre eux. Dans certains secteurs, les AOT n'ont pas fait de recours. C'est tout nouveau : nous évaluons l'impact de l'ouverture des lignes d'autocar en parallèle des lignes de trains express régionaux (TER).
La semaine dernière, nous avons été saisis de trois dossiers : pour deux d'entre eux, on n'observe pas de déséquilibre substantiel à la suite de l'ouverture à la concurrence. Pour le troisième, la ligne Paris-Beauvais, nous avons interdit l'ouverture de la ligne : départ et arrivée étaient au même endroit, sur une ligne d'une forte fréquence, avec deux compagnies de cars en concurrence, tandis qu'une convention de service public existait déjà avec l'aéroport de Beauvais. L'impact était très fort. Mais la situation peut évoluer et cela n'interdira pas une éventuelle ouverture de ligne à l'avenir. Globalement, l'ouverture de ces lignes de car a peu d'impact sur la fréquentation des TER, mais davantage sur les trains d'équilibre du territoire (TET), déjà menacés par l'essor du covoiturage.
Nous avons créé un observatoire du marché français du transport terrestre. Nous collectons des informations des opérateurs sur le transport routier et ferroviaire ; j'attends les résultats. Nous publierons régulièrement des informations - sous réserve du secret des affaires - grâce auxquelles le politique aura une idée plus précise de la situation des transports. Cinq personnes en sont chargées. Les premiers chiffres seront publiés le 21 mars, lors d'une conférence de presse.
La loi Macron nous a donné la compétence sur les gares routières, et nous devons rendre des avis. Ce travail assez important donnera lieu au règlement de différends. Jusqu'à présent, les gares routières étant surtout utilisées par des services publics, elles n'étaient pas soumises à tarification.
Nous sommes actuellement submergés par les dossiers d'ouvertures de lignes d'autocar. Nous serons ensuite occupés par les gares routières. Si nous avions attendu qu'elles existent pour ouvrir le secteur des autocars à la concurrence, nous n'y serions toujours pas parvenus. La fonction crée l'organe.
Je n'avais pas demandé la compétence sur les autoroutes. Le législateur n'a pas confié à l'Arafer un rôle de régulation mais de contrôle. Nous tenterons de le remplir malgré les difficultés posées par la loi et les décrets.
L'Arafer doit contrôler les attributions de marchés et notamment l'indépendance de la majorité des membres de la commission d'appel d'offres. Mais le décret ne prévoit pas qu'elle désigne le président de cette commission, ni qu'il soit choisi parmi les membres indépendants. Le concessionnaire pourra ainsi choisir qui il veut. Sachant que seul le président de la commission peut interpeller l'Arafer, il sera délicat pour celle-ci d'effectuer un contrôle idéal - même s'il existe toujours des solutions. En tant que régulateur, j'aurais préféré disposer de moyens spécifiques.
La hausse de la tarification autoroutière, en février, fait suite à des accords passés l'an dernier, la vérification en sera assurée par la Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports. En revanche, un futur avenant sur une concession serait de notre ressort.
Nos rapports sur l'état de santé des concessionnaires serviront aux décideurs politiques.
Ce que vous nous présentez nous interpelle énormément. Un monde sépare la mission confiée à l'Arafer par la loi et son application. L'Arafer publie-t-elle chaque année un rapport ? Monsieur le président de la commission, nous avons une mission de contrôle. Ne devrions-nous pas, dans ce cadre, mettre en évidence les dysfonctionnements évoqués ? Pourquoi créer des structures si elles ne peuvent pas fonctionner ?
La délivrance d'un avis non conforme sur la tarification la bloque-t-elle ? Que pensez-vous de la suppression de l'écotaxe et du déficit de 11 à 12 milliards d'euros annoncé par la SNCF ?
La liaison ferroviaire Le Havre-Rouen-Paris pose problème. Que suggérez-vous pour couvrir les frais de fonctionnement ? Le paiement des usagers couvre 40 % des coûts. Comment le calcul est-il réalisé en amont ? Comment procèdent nos voisins ?
Quand nous rendons un avis non conforme, la nouvelle tarification est bloquée et ne peut être exigée ; l'entreprise peut éventuellement appliquer à titre provisionnel la tarification de l'année précédente, mais les opérateurs peuvent aussi décider de ne pas payer. La délivrance d'un avis non conforme fait l'effet d'une bombe atomique ; nous l'évitons, sauf quand les principes ne sont pas respectés.
L'État est schizophrène : il demande à SNCF Réseau à la fois de rénover le réseau en priorité, de construire des lignes à grande vitesse et de ne pas accroître sa dette. Le réseau représente un patrimoine national. En tant qu'autorité publique indépendante, nous devons rappeler les principes.
L'écotaxe devait financer pour partie les investissements de SNCF Réseau. Les sources de financement qui l'ont remplacée ne s'y substituent pas totalement.
En Île-de-France, la part des coûts assurée par les usagers, hors réductions, est de 30 %. En province, elle est en moyenne de 25 %.
Chaque année, le déficit des TET est conséquent. Il faudrait définir des lignes prioritaires et les moderniser. Si l'on ouvre tout ce réseau à la concurrence, avant 2019 ou 2026 selon ce qui sera décidé par l'Union européenne, on devra prendre en compte les besoins d'investissement de celui qui remportera le marché, soit en passant un marché suffisamment long pour qu'il y ait retour sur investissement, soit en louant le matériel roulant. L'État doit en décider. Ce serait faire échouer l'ouverture à la concurrence que de ne proposer que les lignes déficitaires.
Les 12 milliards d'euros évoqués ne sont pas un déficit mais une moindre valorisation des actifs. Le président de SNCF Mobilités a estimé que le TGV était de moins en moins rentable puisqu'il dessert des villes qui ne sont pas des métropoles et doit parfois multiplier les arrêts. Il a donc soustrait plusieurs milliards de valorisation. Quant au réseau, il se dévalorise en vieillissant. La dévalorisation d'actifs de 12 milliards d'euros est probablement justifiée, mais en aucun cas elle n'est qu'une opération de comptabilité sans incidence : les banques ne prêteront pas aussi facilement et au même taux, car les prêts à SNCF Réseau sont garantis par la valeur des actifs. Cette dévalorisation révèle aussi l'état du réseau.
En interrogeant le président de l'Arafer ce matin, nous exerçons notre mission de contrôle. Le 30 mars, nous recevrons le président de SNCF Mobilités. Nous auditionnerons ensuite le candidat à la succession de M. Rapoport, qui a démissionné de la présidence de SNCF Réseau, selon l'article 13 de la Constitution. Hier, nous sommes convenus d'être plus incisifs lors de ces auditions.
L'exercice de contrôle en commission est très important, mais ce sujet doit aussi être abordé en séance.
La régulation est un art difficile. Comment ne pas être inquiet ? Les mêmes problèmes s'empilent depuis quarante ans. Il faudrait y voir plus clair.
Lorsque nous avons travaillé sur les concessions autoroutières, nous nous sommes aperçus que l'État était absent du contrôle des contrats et des plans de mise en oeuvre, d'où l'intérêt d'instaurer un régulateur. Nous n'avons pas connaissance des décrets dont vous parlez. Il serait ennuyeux qu'ils n'aillent pas dans le sens du législateur. Ce manquement de l'État est dommageable.
La dernière feuille de route ministérielle sur les TET prévoit de mobiliser des moyens pour le matériel. Dans le rapport réalisé avec Philippe Duron, nous avions prévu 3 milliards d'euros. La moitié de la somme a été débloquée, à laquelle s'ajoutent 500 millions. Deux milliards d'euros de nouveau matériel suffiront-ils ? Le coût de production de la SNCF, de 30 % supérieur à ses concurrents, est inquiétant. Quels sont les moyens mis en oeuvre pour le réduire ?
N'attendons pas 2019 ou 2026 pour ouvrir les TET à la concurrence. Alors que la ligne Paris-Venise était déficitaire, la compagnie Thello a équilibré ses comptes, et gagne même de l'argent sur la portion française du train Marseille-Nice-Milan. Nous aurions peut-être des surprises positives avec cette ouverture.
Le partage des financements de la régulation du tunnel sous la Manche est compliqué. Eurotunnel ne finance pas l'Arafer, qui pourtant régule la partie française. Réglerez-vous le problème avant votre départ ?
Je me suis inquiété du versement de la rallonge budgétaire liée à l'accroissement des attributions de l'Arafer auprès de M. Macron. Il affirme que son versement est en cours, qu'en est-il ? Où en êtes-vous des saisines sur les autocars ?
Le plan de relance autoroutier a été doté de 3,2 milliards d'euros. Je m'en félicite. Il a été décidé que 75 % des travaux devaient être effectués par des entreprises non liées aux concessionnaires. Êtes-vous chargé de ce suivi ?
Monsieur Cardo, vous connaissez l'Arafer mieux que quiconque. Quelles sont les qualités objectives nécessaires pour la diriger ?
Puisque l'État fait défaut dans le contrôle autoroutier, il faut bien qu'une autorité indépendante s'en saisisse. Où en est le plan de relance autoroutier ? Qui contrôle qui ?
Une passe d'armes - courtoise - a eu lieu dans le cabinet de la préfète de la Sarthe entre M. Le Foll et le maire du Mans à propos du siège de l'Arafer, installé dans cette ville. Selon M. Le Foll, seules les réunions du conseil d'administration de l'Arafer se tiennent à Paris. Tout ne doit pas s'y dérouler.
On sait depuis longtemps que l'État est schizophrène. Au fur et à mesure des auditions, nous sommes très surpris par le fonctionnement de nos institutions et des entreprises publiques et parapubliques. Je prenais peu le train avant d'être élu sénateur il y a dix-huit mois. Je suis étonné de l'état de détérioration des matériels, du manque d'entretien intérieur et extérieur. Quelle image renvoyons-nous aux touristes étrangers ?
Je suis particulièrement surpris par votre exposé. Les entreprises ferroviaires ont un réel problème de gestion. En tant que président de l'Arafer depuis 2010, quelle organisation pourrait améliorer les performances du groupe SNCF ?
L'État n'avait pas prévu qu'une loi était nécessaire pour revenir sur les compétences de la Commission intergouvernementale (CIG) sur le tunnel sous la Manche. La directive européenne 2012/34 a imposé un seul régulateur par pays, sans préciser lequel. La CIG et l'Arafer ne peuvent pas coexister sur le même sujet. Un projet de loi régularisant la situation doit être bientôt examiné par le Sénat. Pour l'instant, l'Arafer donne des recommandations en accord avec son homologue britannique, sans divergence. Eurotunnel verse cinq millions d'euros directement au régulateur britannique. La moitié est destinée à la France. Le ministre ne s'est pas encore prononcé sur la façon de procéder. Nous avons évalué le coût, pour nous, de 700 000 à 1 million d'euros par an ; le CIG pourrait garder le reste. Mais pour l'instant, nous n'avons pas touché le moindre centime.
En 2009, le Sénat a décidé d'assurer l'indépendance de l'Autorité en imposant que son budget ne dépende pas de l'État mais d'un péage sur les entreprises régulées. Celui-ci devait être de cinq millièmes des redevances d'utilisation du réseau ferré. Nous l'avons voté à 3,7 millièmes. L'État a plafonné ces recettes à 11 millions, pour un produit de plus de 13 millions d'euros par an. Ce plafond n'a pas été modifié.
Les entreprises d'autocars et d'autoroutes versent quant à elles un pourcentage de leur chiffre d'affaires. Au vu des tarifs des premières, l'Arafer n'en tirera pas plus de 150 000 euros. Serait-ce au secteur ferroviaire de payer pour son concurrent ? Comme les autres entreprises régulées, Eurotunnel devrait nous verser directement sa redevance. Il est hors de question que l'argent transite par le compte de l'État.
Alors que l'effectif de l'Arafer devait atteindre 60 membres, au 31 décembre 2010, il était de 15 ; en 2011, de 36 ; en 2012, de 35 ; en 2013, de 36 ; en 2014, de 45. Le recrutement d'experts est très difficile, surtout quand il doit être très rapide, comme sur les autoroutes et les autocars. En 2015, nous comptions 54 salariés. Ils sont actuellement 64 et devraient être 68 à l'été 2016, soit le plafond d'emplois voté.
La difficulté à recruter a poussé l'État à écrêter notre budget dès 2011, le réduisant en 2016 jusqu'à 8,3 millions d'euros. Il y a deux ans, au lieu de rendre l'argent aux entreprises puisque nous avions 20 millions d'euros de trésorerie, nous avons fixé le niveau de la taxe à zéro. Actuellement, alors que la somme de 11 millions d'euros ne devrait être consacrée qu'au secteur ferroviaire, elle représente le budget total de l'Arafer. J'ai écrit en janvier au ministre pour lui faire part de nos difficultés. En 2015, après discussion, le gouvernement a accepté d'ajouter seulement cinq postes équivalents temps plein à l'effectif total de l'Arafer pour toutes les responsabilités supplémentaires. Comment tout gérer ? La loi Macron demande beaucoup d'analyse.
Je comprends le souhait de répartir les lieux de décision afin d'aménager le territoire. Le problème est celui du recrutement. Le bassin d'emploi du Mans est intéressant pour pourvoir des postes de siège, de greffe et de services généraux. En revanche, les experts sont en région parisienne. Ce sont des ingénieurs des Ponts ou de Polytechnique, des microéconomistes expérimentés, des personnes qui ont déjà travaillé dans la régulation, des experts ferroviaires et des juristes spécialisés en droit de la concurrence ou en droit européen. Je n'ai rien contre le Mans - j'ai ma famille dans cette région. Mais je n'arrive pas à recruter d'experts prêts à faire le trajet tous les jours ou à s'installer là-bas. J'habite moi-même Chanteloup-les-Vignes, en Île-de-France. Je mets entre deux heures et demie et trois heures pour rejoindre Le Mans.
Si douze à quinze personnes travaillent au Mans, les services d'instruction sont à Paris, comme les grandes entreprises autoroutières et ferroviaires. Sinon, les effectifs seraient encore de 45 personnes, ou ne réuniraient que des débutants. En face, la SNCF dispose d'une armée de juristes. L'Arafer est installée à la gare Montparnasse pour être le plus près possible du Mans. Les employés qui y habitent peuvent aujourd'hui y rester deux jours par semaine. La décision d'installer le siège de l'Arafer au Mans par décret ne respectait pas le caractère indépendant de l'autorité. Le déplacement de la localisation des services a été autorisé par la loi Macron. Je l'ai décidé pour que le travail de l'autorité soit efficace.
Je n'ai pas de compétence particulière sur le plan de relance autoroutier, ni d'éléments précis sur la proportion de 75 %. S'agit-il des entreprises qui répondent directement aux appels d'offre ou des sous-traitants ?
Nous rédigerons un rapport pour vous apporter de la transparence. En revanche, le respect de cet accord ne relève pas de nos compétences.
Nos économistes ont défini une doctrine afin de juger s'il y a atteinte substantielle à l'équilibre économique de services publics par de nouvelles lignes d'autocars. Les AOT peuvent intenter un recours contre nos avis, ce qui développera une jurisprudence utile pour faire évoluer les choses.
Les Allemands ont ouvert le ferroviaire à la concurrence il y a longtemps, ce qui a réduit le coût des trains régionaux de 25 à 30 %. J'espère que notre observatoire fournira des éléments plus précis sur la France et les autres pays.
Je ne peux pas conseiller de mode d'organisation à la SNCF ; je peux seulement regretter son manque d'ingénieurs. En France, elle a perdu beaucoup de parts de marché de fret alors que VFLI, qui est une filiale de la SNCF, prévoit une progression à deux chiffres l'an prochain, selon la presse. Face aux difficultés de SNCF Réseau, tant sur la tarification que l'organisation, il faut un patron industriel, comme l'a été M. Rapoport, et que l'État arrête d'être schizophrène. La matière grise de SNCF Réseau n'est pas divisible à l'infini. Définissons de vraies priorités au lieu de dépenser de l'énergie dans ce qui ne le mérite pas.
Je laisse le politique décider du profil de mon successeur. Quand je suis arrivé, il m'a fallu un décodeur. Pourquoi un ingénieur n'avait pas été choisi à ma place ? On m'a rétorqué qu'un profil tel que le mien était appréciable car objectif.
À l'époque, le Sénat avait demandé un profil indépendant et en fin de carrière. Cette sagesse devrait être maintenue. En tant que politique, j'ai eu à coeur que toutes les décisions du collège de l'Arafer, depuis cinq ans et demi, soient prises à l'unanimité - ce qui n'a pas été simple : les membres du collège ont été nommés par des ministères et des assemblées de différents bords. Je suis le seul survivant de la première nomination. J'ai beaucoup appris, j'ai été très heureux. Je ne peux que remercier ceux qui m'ont nommé.
Le président ne peut pas être démis et son mandat est non renouvelable, sauf si son premier mandat a duré moins de deux ans.
Je vous remercie pour la qualité de votre intervention et pour ces informations qui nous seront très précieuses.
La réunion est levée à 12 h 20.