Intervention de Pierre Cardo

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 mars 2016 à 10h35
Audition de M. Pierre Cardo président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières arafer

Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) :

L'État n'avait pas prévu qu'une loi était nécessaire pour revenir sur les compétences de la Commission intergouvernementale (CIG) sur le tunnel sous la Manche. La directive européenne 2012/34 a imposé un seul régulateur par pays, sans préciser lequel. La CIG et l'Arafer ne peuvent pas coexister sur le même sujet. Un projet de loi régularisant la situation doit être bientôt examiné par le Sénat. Pour l'instant, l'Arafer donne des recommandations en accord avec son homologue britannique, sans divergence. Eurotunnel verse cinq millions d'euros directement au régulateur britannique. La moitié est destinée à la France. Le ministre ne s'est pas encore prononcé sur la façon de procéder. Nous avons évalué le coût, pour nous, de 700 000 à 1 million d'euros par an ; le CIG pourrait garder le reste. Mais pour l'instant, nous n'avons pas touché le moindre centime.

En 2009, le Sénat a décidé d'assurer l'indépendance de l'Autorité en imposant que son budget ne dépende pas de l'État mais d'un péage sur les entreprises régulées. Celui-ci devait être de cinq millièmes des redevances d'utilisation du réseau ferré. Nous l'avons voté à 3,7 millièmes. L'État a plafonné ces recettes à 11 millions, pour un produit de plus de 13 millions d'euros par an. Ce plafond n'a pas été modifié.

Les entreprises d'autocars et d'autoroutes versent quant à elles un pourcentage de leur chiffre d'affaires. Au vu des tarifs des premières, l'Arafer n'en tirera pas plus de 150 000 euros. Serait-ce au secteur ferroviaire de payer pour son concurrent ? Comme les autres entreprises régulées, Eurotunnel devrait nous verser directement sa redevance. Il est hors de question que l'argent transite par le compte de l'État.

Alors que l'effectif de l'Arafer devait atteindre 60 membres, au 31 décembre 2010, il était de 15 ; en 2011, de 36 ; en 2012, de 35 ; en 2013, de 36 ; en 2014, de 45. Le recrutement d'experts est très difficile, surtout quand il doit être très rapide, comme sur les autoroutes et les autocars. En 2015, nous comptions 54 salariés. Ils sont actuellement 64 et devraient être 68 à l'été 2016, soit le plafond d'emplois voté.

La difficulté à recruter a poussé l'État à écrêter notre budget dès 2011, le réduisant en 2016 jusqu'à 8,3 millions d'euros. Il y a deux ans, au lieu de rendre l'argent aux entreprises puisque nous avions 20 millions d'euros de trésorerie, nous avons fixé le niveau de la taxe à zéro. Actuellement, alors que la somme de 11 millions d'euros ne devrait être consacrée qu'au secteur ferroviaire, elle représente le budget total de l'Arafer. J'ai écrit en janvier au ministre pour lui faire part de nos difficultés. En 2015, après discussion, le gouvernement a accepté d'ajouter seulement cinq postes équivalents temps plein à l'effectif total de l'Arafer pour toutes les responsabilités supplémentaires. Comment tout gérer ? La loi Macron demande beaucoup d'analyse.

Je comprends le souhait de répartir les lieux de décision afin d'aménager le territoire. Le problème est celui du recrutement. Le bassin d'emploi du Mans est intéressant pour pourvoir des postes de siège, de greffe et de services généraux. En revanche, les experts sont en région parisienne. Ce sont des ingénieurs des Ponts ou de Polytechnique, des microéconomistes expérimentés, des personnes qui ont déjà travaillé dans la régulation, des experts ferroviaires et des juristes spécialisés en droit de la concurrence ou en droit européen. Je n'ai rien contre le Mans - j'ai ma famille dans cette région. Mais je n'arrive pas à recruter d'experts prêts à faire le trajet tous les jours ou à s'installer là-bas. J'habite moi-même Chanteloup-les-Vignes, en Île-de-France. Je mets entre deux heures et demie et trois heures pour rejoindre Le Mans.

Si douze à quinze personnes travaillent au Mans, les services d'instruction sont à Paris, comme les grandes entreprises autoroutières et ferroviaires. Sinon, les effectifs seraient encore de 45 personnes, ou ne réuniraient que des débutants. En face, la SNCF dispose d'une armée de juristes. L'Arafer est installée à la gare Montparnasse pour être le plus près possible du Mans. Les employés qui y habitent peuvent aujourd'hui y rester deux jours par semaine. La décision d'installer le siège de l'Arafer au Mans par décret ne respectait pas le caractère indépendant de l'autorité. Le déplacement de la localisation des services a été autorisé par la loi Macron. Je l'ai décidé pour que le travail de l'autorité soit efficace.

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