Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Commission des affaires sociales — Réunion du 9 mars 2016 à 9h30
Cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques — Audition du dr alain masclet président de ar2s améliorer les relations soignants-soignés

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Je voudrais vous interroger essentiellement sur les comités de protection de la personne. Lorsque nous avons examiné la proposition de loi Jardé, qui visait à mettre à jour la loi Huriet-Sérusclat de 1988, nous avons eu beaucoup de difficulté à imposer que les comités de protection des personnes soient choisis de façon aléatoire, avec une possibilité de refus du promoteur qui ne peut ensuite refuser le second comité désigné par une commission nationale. On sait très bien que les promoteurs n'étaient pas du tout d'accord avec cette proposition, pour une raison évidente, à laquelle vous avez fait allusion : ils souhaitaient pouvoir choisir eux-mêmes le comité auquel confier leur essai, estimant que certains étaient plus qualifiés que d'autres qui, n'ayant pas le niveau requis de connaissance, demanderaient, le cas échéant, trop de temps pour être formés. Depuis quatre ans, nous attendons les décrets d'application. Nous avons eu une tentative d'explication la semaine passée qui ne m'a pas vraiment convaincu ; c'est un peu facile de renvoyer sur l'Europe les responsabilités. En ne prenant pas les décrets d'application, n'espère-t-on pas finalement pérenniser la situation précédente ? Celle-ci a ses inconvénients : on ne peut certes pas porter d'accusation mais, bien souvent, le promoteur est tellement lié au comité de protection des personnes que l'indépendance de jugement se trouve parfaitement altérée.

Le deuxième point qui m'interroge, sans aller plus avant dans l'affaire de Rennes, est que, selon cette procédure, les volontaires doivent être, selon vos dires, des volontaires sains. Or, il semblerait que cela ne fut pas le cas à Rennes. Des personnes admises dans la cohorte participant à cette recherche auraient eu préalablement des problèmes de santé et n'auraient pas dû y être acceptées.

Troisièmement, vous avez eu raison de soulever la question du profit. Nous avions fait en sorte de limiter la possibilité de rémunération à 4 500 euros par an et de ne pas permettre plusieurs essais simultanément, mais nous constatons sur Internet des publicités de type « Devenez cobaye » qui vantent la perspective de « revenus complémentaires ». Quel est votre sentiment sur cette dérive qui risque de porter gravement préjudice à la fiabilité de la recherche ?

Enfin, les comités de protection des personnes autorisent l'essai mais sont dépourvus par la suite de tout moyen d'investigation ou de contrôle. Ne serait-il pas utile de donner aux comités de protection de la personne la possibilité de suivre les essais qu'ils ont autorisés ?

Dr Alain Masclet, président d'AR2S. - Vous avez quasiment donné les réponses dans vos questions. Effectivement, la loi Jardé a essayé d'apporter un certain nombre de réponses aux questions qui se posent sur l'indépendance des experts. Lorsque l'on fait expertiser son dossier par des gens que l'on connaît, avec lesquels on travaille, se pose alors le problème du consensus d'experts, qui fait loi. Personnellement, j'irais plus loin que la loi Jardé qui dispose simplement que le comité ne doit pas être géographiquement proche du promoteur. Je pense qu'il faut aller vers plus d'indépendance dans la prise de décision et qu'elle ne soit pas uniquement affaire d'experts. Il faut faire intervenir le politique éventuellement ou, par respect de la démocratie sanitaire, les représentants des usagers et des professionnels de santé qui sont peut-être plus à même de former ces fameux jurys. Pareille mise en place serait difficile pour tous les sujets, mais au moins, en ce qui concerne la décision d'AMM, on devrait procéder de cette manière.

S'agissant du contrôle une fois l'autorisation donnée, rien n'interdit à l'ANSM de mettre en place une structure de suivi des expérimentations. Elle en a les moyens, et si elle ne les a pas, peut-être faudrait-il les lui donner. Cela devrait permettre à terme d'éviter les accidents importants qu'on a connus. On parle beaucoup du Médiator, mais il y a eu le Vioxx, l'affaire des cancers du vagin chez les femmes traitées par le distilbène, ou plus actuellement le problème des antiépileptiques. Au stade des essais, que ce soit durant la phase 1, la phase 2 et surtout la phase 3 qui mérite une grande attention, il faut accorder les autorisations dans des conditions strictes après avoir écouté tous les avis et construit une opinion. Au niveau de l'AMM, la décision ne doit pas être prise par un seul individu ou par un groupe d'experts, mais selon une méthode beaucoup plus formalisée comparable à celle d'un tribunal.

La Haute Autorité de santé (HAS) a aussi un rôle à jouer. Elle a une mission d'évaluation globale : évaluation des techniques, dont relève le médicament, évaluation des stratégies, évaluation des structures et certification hospitalière. La plupart des expérimentations ayant lieu à l'hôpital, la HAS devrait spécifiquement certifier les services qui conduisent des expérimentations sur les médicaments. En effet, il se passe des choses pas tout à fait normales, notamment avec les patients cancéreux. On mène auprès de certains d'entre eux des expérimentations de médicaments de phase 1, en leur faisant croire qu'ils peuvent améliorer leur état, une sorte de médicament de la dernière chance, alors qu'il ne s'agit pas du tout de cela. On a même imaginé des essais phase 1/phase 2 destinés à évaluer à la fois la toxicité et la tolérance, ce qui est complètement antinomique. Ainsi, la HAS peut jouer ce rôle. Nos structures existent, les règlements existent. Il faut simplement aller un peu plus loin dans l'indépendance des gens qui prennent les décisions car on voit bien qu'un certain lobbying est toujours présent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion