Merci de votre présence. Nous sommes tous attachés à la protection de notre pays et de son peuple, et convaincus de la nécessité de prendre les mesures adaptées pour l'assurer de façon constante. Pour autant, je ne peux adhérer à ce projet de loi constitutionnelle. Il ne s'agit nullement de posture ou de positionnement moral, mais bien d'un désaccord politique de fond. D'ailleurs, je n'ai pas voté la prolongation de l'état d'urgence. Son inscription dans la Constitution comme celle de la déchéance de nationalité ne sont pas des idées de gauche. L'une des mesures de ce texte a été proposée en son temps par le Front national ! Il y a eu, dans notre histoire, des individus pour résister, pour dire non. Avec mes camarades, je dis non à ce texte. Nombre de juristes, de constitutionnalistes, d'historiens, de sociologues et de simples citoyens partagent notre avis.
Inscrire l'état d'urgence dans la Constitution est dangereux, car cela crée une possibilité large de déroger au fonctionnement normal des pouvoirs dans la durée, hors du contrôle du juge judiciaire. Le cas de « péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » traduit une volonté d'instaurer un régime permanent d'exception. Pourtant, en janvier 2015, vous aviez affirmé que l'État ne plierait jamais, qu'il prendrait des mesures exceptionnelles mais pas des mesures d'exception.
Pourquoi n'avoir pas remplacé le cas de péril imminent par celui d'attaque contre le sol français ou de danger clair et présent, comme cela vous a été proposé par des juristes ? Ces conditions seraient plus objectives. Quant à la déchéance de nationalité, M. Badinter a tout dit en demandant : « Comment la France, qui s'était honorée en supprimant la peine de mort, peut-elle aujourd'hui créer une mort civile avec la déchéance de nationalité ? » La déchéance de nationalité a été appliquée avant ou pendant des conflits - même des communistes en ont fait les frais. Vous proposez la déchéance pour tous, au risque de créer des cas d'apatridie. Certes, la France n'a pas ratifié la convention de 1961 ni celle de 1997, mais l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que « tout individu a droit à une nationalité » et que « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ». Cette déclaration n'a pas de valeur juridique, certes, mais elle a une portée internationale que vous ne retenez pas.
Enfin, la déchéance de nationalité est une sanction qui s'ajoute à celles déjà prévues dans le code civil et dans le code pénal à l'encontre des terroristes. Pourquoi inscrire une sanction dans la Constitution ?