Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 mars 2016 : 1ère réunion
Protection de la nation — Examen du rapport

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

J'ai noté la souffrance de notre rapporteur. Le mieux, pour la faire cesser, est de vous détourner de ce projet de loi !

Sur l'état d'urgence, la rédaction proposée par le rapporteur est incontestablement meilleure que celle du projet gouvernemental, mais le problème subsiste : pourquoi constitutionnaliser un outil qui existe et qui fonctionne bien ? Le ministre de l'intérieur nous a lui-même détaillé tout ce qui avait été fait sous ce régime.

Cela permettrait d'améliorer la précision juridique et le contrôle constitutionnel ? Curieux argument ! Le Gouvernement, s'appuyant sur l'avis du Conseil d'État, invoque le risque d'inconstitutionnalité pour justifier la révision, mais on pourrait tout aussi bien faire valoir qu'en l'état, le Conseil constitutionnel fait son travail : les garanties sont là ! L'argument peut donc être retourné.

On ne constitutionnalise pas l'exception ; l'état d'urgence n'a rien à voir avec l'article 16 ou l'état de siège. Au cours des événements d'Algérie, il y avait des sacs de sable devant les bâtiments officiels : nous en sommes très loin !

Quant à la déchéance de nationalité, la Constitution n'est pas le code pénal. La rédaction du rapporteur n'est pas meilleure, même si elle est plus claire : le texte revient toujours à établir différentes catégories de Français. Certains sont dispensés de déchéance parce que plus exposés au risque d'apatridie... Cela ne tient pas debout. La déchéance de nationalité peut être prononcée au titre du code civil : inutile de la constitutionnaliser.

« Terroriser les terroristes » ? Cette mesure de déchéance n'est pas un message adressé aux terroristes, qui ne se reconnaissent pas dans la nationalité française, mais à l'opinion. On dit que c'est un symbole, mais lequel ? J'ai vu un peuple français rassemblé autour de la République : voilà le symbole, pas besoin de gesticulations. Cette mesure ne concernerait que quelques individus ? Le message envoyé est que certains Français le sont moins que d'autres.

Je ne voterai pas ce texte inutile, dont les effets sont beaucoup plus négatifs qu'on ne le croit, notamment vis-à-vis de l'étranger. Nous ouvrons une boîte de Pandore !

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