Après avoir entendu les deux brillants constitutionnalistes que nous recevions la semaine dernière, je trouve très intéressantes les garanties apportées par le rapporteur pour encadrer l'état d'urgence. Si nous laissons l'état d'urgence dans le champ de la loi ordinaire, n'importe quelle législation pourra revenir sur son contenu. Dès lors que les libertés publiques sont renforcées, il est important de l'inscrire dans la Constitution. Les précisions qu'apporte le rapporteur vont toutes dans le bon sens. Je voterai son texte sans état d'âme.
En revanche, la déchéance de nationalité me pose problème, non comme sanction - qui doit à mon sens être prononcée par le juge, et non relever de l'apanage régalien -, mais parce que j'aurais préféré que l'on renforce d'abord la loi pénale sur ce point, en attendant que le Conseil constitutionnel se prononce le cas échéant, plutôt que de réviser la Constitution.
À Roubaix, j'ai passé beaucoup de temps avec des harkis ou des personnes qui avaient du mal à accéder à la nationalité française. La signification de ce texte dépasse largement son sujet. Sa valeur symbolique fragilise cinq millions de binationaux ! Rappelez-vous, dans L'Étranger de Camus, la distinction entre les Français et les Arabes. Le Premier ministre soutient ces jours-ci Kamel Daoud, menacé en Algérie. Celui-ci a su répondre à Camus. Quand on touche à la nationalité, qui fait l'identité de la personne, il faut rester dans le domaine de la loi et faire confiance au juge. Comment expliquer que l'on retire l'état d'urgence de sa gangue algérienne à l'article 1er, pour y revenir à nouveau à l'article 2 ?