Par ailleurs, nous déplorons d’importantes insuffisances.
L’une des ambitions ayant présidé à l’élaboration de cette proposition de loi consistait à placer le développement durable au cœur de la réflexion sur l’activité maritime. Or il nous semble que la préoccupation environnementale n’est pas assez prise en compte, alors que l’exigence de protection des milieux marins – océans, littoraux et espèces marines – devrait être au cœur de notre réflexion sur la politique maritime et halieutique de la France.
Comment en effet parlerons-nous de compétitivité économique quand les océans seront si pollués qu’ils n’abriteront plus aucun poisson ? Dans un rapport de 2014, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation estimait que près de 90 % des stocks de poissons sauvages étaient pleinement exploités ou surexploités dans le monde. En Europe, en moyenne 40 % des stocks sont surexploités, et cette proportion monte à 90 % en Méditerranée ! Autre chiffre très inquiétant, fourni par le Conseil international pour l’exploration de la mer : on considère que moins de 10 % des stocks de poissons européens sont en relative bonne santé.
C’est pourquoi nous défendrons plusieurs amendements visant à rétablir un équilibre entre la protection de l’environnement marin et les autres ambitions affichées dans cette proposition de loi. Mes chers collègues, vous aurez ainsi l’occasion de nous aider pleinement à promouvoir la préoccupation environnementale !
Nous soulèverons notamment la question des subventions allouées au secteur de la pêche. Il ne s’agit pas de contester le bien-fondé d’une politique de subventionnement public, tant qu’elle permet de préserver la santé de l’environnement marin et les stocks halieutiques dont les activités de pêche dépendent. Simplement, nous constatons aujourd’hui un déficit de transparence et nous demandons au Gouvernement de rendre publiques ces données, ce qui permettrait de rationaliser les dépenses publiques. De fait, il ne serait pas imaginable que l’argent public favorise la surpêche et d’autres comportements portant atteinte aux milieux marins !
Par ailleurs, nous soutiendrons des amendements portant sur l’aquaculture et la conchyliculture, ces activités donnant parfois lieu à des fuites d’antibiotiques ou de pesticides qui mettent en danger les écosystèmes proches. Nous proposerons de mettre en place un contrôle des rejets des fermes aquacoles et d’instaurer des sanctions en cas de pollution. Nous défendrons également deux amendements se rapportant au suivi sanitaire des bassins ostréicoles : l’un concernera l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloserie et visera à améliorer la transparence, l’autre portera spécifiquement sur le suivi sanitaire des bassins, qui est aujourd’hui insuffisant.
Nous proposerons aussi d’interdire toute nouvelle activité d’extraction minière en mer au sein d’un site Natura 2000. En effet, il nous semble qu’autoriser l’extraction minière dans un site qui a pour objectif de préserver la faune et la flore ne fait pas grand sens, en plus d’être tout à fait incohérent par rapport aux engagements pris par la France lors de la COP 21.
Enfin, nous soulèverons la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes. Des données rendues publiques en 2014 par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, confirment les ravages de cette technique de pêche sur la biodiversité. Ainsi, dans l’Atlantique du Nord-Est, les chalutiers européens capturent entre 20 % et 50 % de prises accessoires, appartenant à une centaine d’espèces non ciblées, pour la plupart menacées d’extinction. Sur le plan économique, nous savons aussi, grâce à ces mêmes données de l’IFREMER, que la pêche profonde ne concerne qu’une dizaine de chalutiers français, dont aucun ne pratique cette méthode de pêche à plein temps. Leur reconversion ne serait donc pas si difficile et une interdiction de ce type de pêche ne détruirait aucun emploi.
Mes chers collègues, pour une dizaine seulement de bateaux français concernés, pourquoi continuons-nous à autoriser une technique de pêche aussi destructrice ? J’ajoute que la mobilisation citoyenne sur la question du chalutage en eaux profondes est de plus en plus forte. En 2013 déjà, une pétition de l’ONG Bloom, soutenue par trois cents chercheurs du monde entier, avait recueilli 900 000 signatures. C’est le rôle du débat parlementaire que d’apporter de l’ambition, d’alerter et de relayer les préoccupations des citoyens. L’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue nous donne l’opportunité d’aller dans ce sens !