Je vous le confirme. C'est du triple A sécurisé, qu'ils ne trouvent plus aujourd'hui en Europe, alors qu'ils soutiennent à fond le maintien de l'euro. Bien entendu, il faut atteindre l'équilibre budgétaire. Il ne faudrait céder à certaines facilités françaises, et en tirer prétexte pour ne pas faire le boulot. D'où l'intérêt de poser quelques conditions supplémentaires. Il faut tenir la règle d'or que nous avons signée et que vous avez votée. Nous en sommes encore loin, alors que les Allemands sont en excédent. Il faudra donc poser des verrous. Ce projet d'intérêt général et national peut justifier quelques contraintes supplémentaires.
Cher Jacques Legendre, oui, c'est un premier pas vers une politique européenne de défense. Je suis tout à fait d'accord sur l'analyse de ce qui s'est passé en 1954, dans un contexte tout à fait différent. C'est un moyen de faire travailler tous les Européens ensemble, grâce au financement : là est la clé, qui appartient à la magie de l'Europe. Lorsque nous nous mettons ensemble, nous sommes plus forts, nous obtenons de meilleurs taux, de meilleurs financements. Nous la retrouvons, après qu'elle a été cassée par la crise, par les spreads et par une fameuse réunion de juillet 2007 sur laquelle je ne reviens pas...Nous revenons aux fondements du fonctionnement européen.
J'en viens à la gouvernance. Aux politiques que vous êtes de vous emparer de ce projet. J'ai eu cette idée, je suis un homme seul, c'est pourquoi Jean-Pierre Raffarin m'a proposé de vous en parler. J'ai constaté, dans mes entretiens en tête à tête avec les responsables que j'ai vus, y compris en Allemagne, une formidable réceptivité. Les Allemands, en effet, ont une peur bleue du déclassement de la France. Ils savent très bien que les chiffres que je vous ai cités sont porteurs de risques majeurs. Ils ne sont pas structurés politiquement pour assumer la force politique que leur donne le leadership économique dans lequel nous les avons, par notre incurie, laissés s'enfoncer. C'est de notre faute. Ils ne savent pas le faire, leur Constitution ne les y autorise pas. Ils ont besoin du couple franco-allemand. Les élites allemandes apprécient ce que je propose, qui consiste à se servir du poids de notre endettement comme force positive. On fait du positif avec ce qui était négatif : c'est du sumo ! C'est une formidable opportunité !
Les banques sont associées, je l'ai dit. Je ne pense pas que les taux augmenteront, nous avons fait des simulations, parce que notre fonds dispose d'une profondeur et du savoir-faire acquis grâce au MES.
Est-ce transposable à d'autres projets européens ? Oui, j'ai réfléchi en particulier à la transition énergétique et aux énergies renouvelables, mais il vaut mieux ne pas tout mélanger. Il faut surtout disposer d'une garantie fiscale, afin de bénéficier des taux longs. Je répète qu'il ne s'agit pas d'augmenter la TVA, mais d'en affecter une partie.
Yves Pozzo di Borgo, oui, j'en ai parlé avec Michel Barnier, qui m'aide beaucoup à promouvoir l'idée et qui a été chargé d'une mission par le président Juncker à ce sujet. La proposition d'André Trillard de protéger nos voies d'approvisionnement est très intéressante. Dès que nous lancerons cet outil de financement, les idées fleuriront, pour repeindre des projets aux couleurs de l'Europe. Je me bats pour que ce mécanisme voie le jour. Une fois qu'il sera mis en route, il faudra établir une gouvernance respectée entre les États, c'est un autre sujet compliqué.