Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 15 mars 2016 à 9h30
Questions orales — Responsabilité des entreprises dans l'exposition de leurs salariés à l'amiante

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Je tiens à interpeller le Gouvernement sur un sujet qui m’est particulièrement cher : le combat contre les conséquences de l’utilisation de l’amiante.

Il me paraît bon de le rappeler, ce fléau a causé, et cause encore des maladies mortelles, notamment chez les salariés des grandes industries métallurgiques ou sidérurgiques qui ont été particulièrement touchés. Il suffit de se rendre régulièrement dans les assemblées générales de victimes de l’amiante, comme je le fais, pour réaliser l’ampleur du désastre.

Face à ce scandale sanitaire, les industriels qui ont exposé leurs salariés à l’amiante continuent à user de tous les arguments juridiques pour nier leurs responsabilités. C’est tout le sens de l’arrêt du Conseil d’État du 9 novembre 2015, qui a malheureusement donné gain de cause à la société des Constructions mécaniques de Normandie en condamnant l’État à lui verser 350 000 euros.

Par cet arrêt, la plus haute juridiction administrative a admis qu’un employeur condamné au titre de la faute inexcusable se retourne contre l’État pour réclamer un remboursement partiel des indemnités versées à ses salariés victimes de l’amiante !

Pour les victimes de l’amiante, leurs familles, les associations et les syndicats qui les soutiennent, cet arrêt résonne comme un coup de tonnerre. Elles n’acceptent tout simplement pas que les industriels mettent le prix de leurs fautes à la charge du contribuable. En outre, cet arrêt risque de faire « tache d’huile », puisque les groupes Latty et Eternit ont obtenu des jugements similaires et favorables devant les tribunaux administratifs de Nantes et de Versailles.

Pour entrer rapidement dans le détail de l’arrêt, l’État est condamné pour la période d’avant 1977, date du décret imposant une série de mesures à prendre lors de travaux au contact de l’amiante. Cependant, les règles en vigueur avant 1977 étaient déjà suffisamment précises pour constituer une obligation particulière de sécurité en matière d’amiante. Tout le monde connaissait déjà la dangerosité de ce matériau.

Ainsi, ne va-t-on pas vers une déresponsabilisation des employeurs dans la mise en danger de la santé de leurs salariés ? Si ce revirement jurisprudentiel était confirmé, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour éviter un recul important et dramatique de la responsabilité des entreprises face au fléau de l’amiante ?

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