Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 15 mars 2016 à 9h30
Questions orales — Responsabilité des entreprises dans l'exposition de leurs salariés à l'amiante

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’État et de la simplification :

Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser l’absence de M. le garde des sceaux, qui est retenu par d’autres obligations.

J’en profite pour saluer votre combat constant pour la défense des salariés victimes de l’amiante. Je sais que de nombreuses régions françaises sont concernées, mais votre région, le Nord de la France, a été particulièrement frappée. Permettez-moi d’associer à ce bref hommage mon amie et ancienne collègue Marie-Christine Blandin. Nous avons pu ensemble intervenir sur ces thématiques, qui intéressent à la fois la justice, la solidarité, la santé et l’écologie. Il s’agit donc de luttes que nous menons ensemble !

Vous interpellez le Gouvernement sur la manière dont la jurisprudence traite de la responsabilité des entreprises dans l’exposition de leurs salariés à l’amiante.

Il convient tout d’abord de rappeler un principe : les victimes doivent être indemnisées pour le préjudice qu’elles ont subi, et chacun doit payer à hauteur de sa responsabilité. C’est sur ce principe que se fonde la jurisprudence du Conseil d’État en matière d’exposition à l’amiante.

La responsabilité de l’État pour carence dans la prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante a été reconnue pour la première fois le 3 mars 2004 par le Conseil d’État.

L’arrêt du 9 novembre 2015, que vous évoquez à juste titre, vise uniquement à préciser les conditions du partage de responsabilité entre l’État et l’employeur qui a été condamné par le juge judiciaire à réparer le préjudice résultant d’une exposition aux poussières d’amiante.

Ainsi, et c’est important, pour le Conseil d’État, la circonstance que l’employeur ait été condamné pour « faute inexcusable » ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’État puisse être engagée à raison de la faute commise, à condition qu’il en soit résulté un préjudice « direct et certain », selon les termes précis de l’arrêt.

Pour autant, il ne s’agit pas du tout de déresponsabiliser les employeurs.

D’abord, l’État, qui doit lui aussi être exemplaire, ne voit sa responsabilité engagée que sur les seules fautes liées aux obligations qui lui incombent directement. À ce titre, un recours de l’employeur contre l’État doit prouver la causalité directe entre la faute de l’État et les pathologies des victimes.

Ensuite, en cas de faute « particulièrement grave et délibérée », l’employeur demeure seul redevable de l’indemnisation de la victime et ne peut pas se retourner contre l’État.

Enfin, l’employeur poursuivi par une victime doit l’indemniser intégralement avant d’exercer un recours contre l’État.

Comme vous le voyez, la jurisprudence ne décharge aucunement les employeurs reconnus fautifs pour avoir mis leurs salariés en danger ; ils doivent assumer leurs responsabilités et indemniser les victimes de l’amiante.

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