Intervention de André Vallini

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Otan : protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

André Vallini, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens aujourd’hui vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant l’accession de notre pays au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord, communément appelé « protocole de Paris ».

Laissant de côté les polémiques, je souhaite évoquer devant vous les faits et la réalité de ce texte, qui est avant tout technique puisqu’il définit le cadre juridique applicable aux quartiers généraux de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN, ou reconnus par cette organisation, ainsi qu’aux officiers et soldats issus de pays alliés qui y servent.

Je le dis donc d’emblée : le protocole de Paris n’affecte en rien le positionnement de la France au sein de l’OTAN, pas plus qu’il ne porte atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de notre politique de défense ou à la souveraineté de notre pays.

Revenons un instant sur l’histoire de ce texte, qui nous éclaire sur sa réelle portée.

La France fut, vous le savez, l’un des signataires originels de ce protocole, le 28 août 1952, texte auquel notre capitale a d’ailleurs donné son nom. Le protocole de Paris fut ensuite dénoncé par la France, le 30 mars 1966, lorsque notre pays décida, sur l’initiative du général de Gaulle, de quitter la structure de commandement intégré de l’OTAN.

Le protocole de Paris est indissociablement lié à la participation à la structure de commandement intégré de l’OTAN. Il en constitue en effet la traduction juridique et administrative ; j’y reviendrai ultérieurement.

Un précédent gouvernement ayant pris en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la décision de réintégrer la structure de commandement intégré, une nouvelle accession de la France au protocole de Paris est très vite devenue un développement logique et nécessaire.

Tous les membres de l’OTAN sont parties à ce protocole. La France, elle, a recommencé à accueillir du personnel de l’OTAN dans ses quartiers généraux militaires sans que ces structures et les personnes qui y servent ne bénéficient d’un statut international. À l’inverse, tous les quartiers généraux de l’OTAN ou reconnus par elle et implantés dans les pays alliés bénéficient d’un même statut unifié et homogène.

Quel est le résultat de ce décalage ? Aujourd’hui, les officiers alliés que nous accueillons dans nos structures sont parfois confrontés à de nombreuses difficultés administratives, juridiques et financières, du fait de l’absence de statut harmonisé, difficultés auxquelles ils ne sont pas confrontés dans les autres pays de l’Alliance et auxquelles nos propres officiers en poste dans les structures de nos alliés ne sont pas non plus confrontés, puisqu’ils bénéficient du statut défini par le protocole de Paris.

Cette situation se traduit par des tracasseries bureaucratiques, par un défaut d’attractivité et par une moindre visibilité de nos structures militaires, qui constituent pourtant des relais d’influence précieux auprès de nos alliés et de l’OTAN.

Par conséquent, des travaux interministériels ont été engagés en 2014 en vue de préparer une nouvelle accession de la France au protocole de Paris. La France a ensuite saisi le Conseil de l’Atlantique Nord, qui, le 21 janvier 2015, a approuvé à l’unanimité la demande d’accession française.

Quel est l’objet du protocole de Paris ?

En dépit de la relative technicité de ses dispositions, il est en réalité très simple : il étend l’application de la convention entre les États parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut des forces, dite « SOFA OTAN », signée à Londres le 19 juin 1951, aux quartiers généraux interalliés créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord ou aux « organismes militaires internationaux », ainsi qu’à leurs personnels civils et militaires.

La France est partie au SOFA OTAN depuis l’origine et sans discontinuer puisque, je le rappelle, elle n’a jamais quitté l’OTAN. Ce texte détermine le statut des forces armées des parties lorsque celles-ci se trouvent en service sur le territoire métropolitain d’une autre partie.

Le protocole de Paris s’applique, quant à lui, aux « quartiers généraux suprêmes » de l’OTAN, ainsi qu’à « tout quartier général militaire international créé en vertu du traité de l’Atlantique Nord et directement subordonné à un quartier général suprême ». Il n’existe en fait que deux quartiers généraux suprêmes, et aucun n’est en France : le commandement allié opérations, situé à Mons, en Belgique, et le commandement allié transformation, commandé par notre compatriote le général Denis Mercier et sis à Norfolk, aux États-Unis. Il n’y a pas non plus de quartier général militaire international subordonné à un quartier général suprême sur le territoire français ni de projet d’en installer un.

Toutefois, l’article 14 du protocole de Paris prévoit également – c’est cette disposition qui nous intéresse aujourd'hui principalement – que le Conseil de l’Atlantique Nord peut décider d’appliquer tout ou partie des stipulations du protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale » n’entrant pas dans les définitions de l’article 1er du protocole de Paris. Concrètement, cela signifie qu’un État membre de l’OTAN peut demander au Conseil de l’Atlantique Nord, qui statue à l’unanimité, l’activation d’une de ses structures militaires, afin de lui voir appliquer les dispositions du protocole.

Pour ce qui concerne la France, comme le détaille l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, un certain nombre de structures ont été identifiées comme pouvant bénéficier, si la France le décide, des dispositions du protocole de Paris.

Par leur nature, les stipulations du protocole correspondent largement à celles qu’a établies le SOFA OTAN.

Ainsi, le protocole prévoit, premièrement, des dispositions relatives au privilège de juridiction : les pouvoirs de juridiction en matière pénale et disciplinaire dévolus à l’État d’origine par le SOFA OTAN sont conférés, s’agissant des personnels affectés dans les quartiers généraux, aux autorités de l’État dont la loi militaire peut s’appliquer à la personne intéressée.

Deuxièmement, le protocole contient des dispositions ayant trait au règlement des dommages : les stipulations du SOFA OTAN relatives aux dommages causés ou subis par des membres des forces sont rendues applicables aux employés des quartiers généraux.

Troisièmement, en matière d’exonérations fiscales et douanières, les personnels seront exonérés d’impôt dans l’État d’accueil au titre des traitements et émoluments payés par la force armée à laquelle ils appartiennent ou par laquelle ils sont employés, mais restent imposables par le pays dont ils ont la nationalité. En outre, les quartiers généraux sont exonérés sur le territoire des États parties des droits et taxes afférents aux dépenses qu’ils supportent pour leur avantage officiel et exclusif.

Quatrièmement, le protocole de Paris confère aux quartiers généraux suprêmes la capacité juridique – c’est l’objet de l’article 10. Celle-ci leur permet notamment de contracter, d’acquérir ou d’ester en justice, soit pour eux-mêmes, soit pour tout quartier général subordonné autorisé par eux.

Cinquièmement, le protocole prévoit que les archives et autres documents officiels d’un quartier général interallié conservés dans les locaux de ce QG ou détenus par tout membre de ce QG sont inviolables, sauf dans le cas où ce dernier renonce à cette immunité.

Quel est l’intérêt, pour notre pays, d’accéder de nouveau au protocole de Paris ? Il s’agit non pas d’accueillir de nouveaux quartiers généraux de l’OTAN sur notre sol, mais bien de valoriser les structures, nationales ou multinationales, qui y sont déjà présentes. L’accession de la France au protocole de Paris nous permettrait ainsi de corriger une anomalie, administrative et juridique, qui, aujourd’hui, nous pénalise et n’est pas comprise par nos partenaires. En effet, l’application de ses dispositions aux QG situés sur le territoire français entraînera une simplification et une harmonisation des règles et procédures administratives liées à l’accueil du personnel de l’OTAN, à laquelle nos alliés se montrent particulièrement sensibles.

En favorisant l’accès à ces entités à davantage de personnels, notamment étrangers, l’accession de la France au protocole de Paris contribuera à promouvoir des activités économiques sur le territoire national et à valoriser nos propres structures militaires parmi nos alliés.

Voilà la réalité du protocole de Paris, bien loin des analyses trop rapides qui ont tendu à conférer à ce texte une portée qu’il n’a pas.

Les faits sont là : en aucun cas le protocole de Paris n’affecte ni ne remet en cause les conditions que notre pays avait fixées lors de sa réintégration de la structure de commandement intégré de l’OTAN, en 2009 ; en aucun cas il ne traduit un infléchissement de notre position au sein de l’OTAN, où la France continuera, bien sûr, de faire entendre la voix d’un allié loyal, solidaire, mais indépendant ; en aucun cas il n’amoindrit nos ambitions pour l’Europe de la défense, que la France souhaite toujours plus forte et plus substantielle ; en aucun cas il ne porte atteinte à l’autonomie et à l’indépendance de notre politique de défense et à la souveraineté de notre pays.

C’est pour toutes ces raisons que je vous invite, au nom du Gouvernement, à juger ce protocole pour ce qu’il est, et seulement pour cela : un développement pratique et logique de la décision de réintégrer la structure de commandement de l’OTAN, qui permettra à la France de renforcer son influence au sein de l’Alliance, en proposant un cadre attractif et cohérent à nos partenaires pour l’accueil de leurs personnels au sein de certaines structures militaires françaises.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l’Atlantique Nord, qui fait l’objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre vote.

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