Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Otan : protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques GautierJacques Gautier, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, veuillez m’excuser si mes propos sont souvent redondants avec ceux que vient de tenir M. le secrétaire d'État, dont je partage les analyses.

L’accession de la France au protocole de Paris n’est que la suite logique du retour de la France dans la structure du commandement intégré de l’OTAN, en 2009.

En 1966, sous la présidence du général de Gaulle, la France, pays cofondateur de l’OTAN, se retire du commandement militaire intégré et dénonce le protocole de Paris, ce qui entraîne le départ de 57 000 soldats et employés américains de notre pays et le déménagement en Belgique du grand quartier général des puissances alliées en Europe, qui était jusqu’alors basé à Rocquencourt. La France garde une position particulière : elle est membre de l’Alliance, mais ne met plus de forces à disposition de l’OTAN.

Après un rapprochement entamé au début des années quatre-vingt-dix, la France reprend place au sein du commandement intégré de l’OTAN en avril 2009, à des conditions sur lesquelles je reviendrai.

Symbole de sa place pleine et entière dans le commandement intégré, la France a obtenu l’un des deux commandements stratégiques, avec le poste de commandant suprême allié pour la transformation : après le général Stéphane Abrial et le général Jean-Paul Paloméros, c’est aujourd'hui le général Denis Mercier qui assure cette fonction.

Chacun se souvient des questionnements qui ont accompagné cette réintégration. Pour y répondre, le Président de la République avait demandé à Hubert Védrine, après la dernière élection présidentielle, de réaliser un rapport. Ce rapport, réservé sur la réalité de l’avenir de la défense européenne, approuvait le retour de notre pays au sein du commandement intégré. Depuis, la politique française s’est inscrite dans cette orientation, que l’on retrouve au travers du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Venons-en maintenant au protocole de Paris.

Composé de seize articles, le projet de loi qui nous est soumis est un accord avant tout administratif et technique, qui définit le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux militaires interalliés de l’OTAN et accorde une couverture juridique à leurs personnels. L’adopter, ce n’est pas faire un pas de plus vers l’OTAN : ce n’est que la conséquence logique de notre réintégration. En effet, ce protocole ne modifie en rien les conditions posées par la France à son retour dans les structures de commandement intégré, qui sont essentiellement les suivantes : la préservation d’une liberté d’appréciation totale pour la contribution de la France aux opérations de l’OTAN, le maintien de notre indépendance nucléaire et la garantie qu’aucune force française ne serait placée en permanence sous un commandement de l’OTAN en temps de paix. J’ajoute que nous ne voulons pas payer pour ce qui a été décidé avant notre retour au sein du commandement intégré.

Les quartiers généraux et leurs personnels se voient conférer une grande partie des droits et obligations que la convention dite « SOFA – status of forces agreement – OTAN » ratifiée par la France en 1952 confère aux États d’origine et à leurs forces lorsque celles-ci séjournent en France.

L’application du protocole facilitera la vie quotidienne des personnels militaires et civils envoyés par les autres pays de l’Alliance dans les quartiers généraux situés en France, ainsi que celle des personnes à leur charge, en leur octroyant notamment les traditionnels privilèges diplomatiques en matière de juridictions, d’exonérations fiscales ou douanières et le bénéfice des règles protectrices concernant les dommages commis ou subis, c’est-à-dire, en fait, en leur donnant les mêmes droits que ceux dont disposent les militaires français travaillant dans les quartiers généraux de l’OTAN. Aujourd’hui, l’accueil de ces personnels étrangers se fait sur la base d’arrangements techniques qui offrent moins de sécurité juridique et d’harmonisation.

Signalons que seuls 240 militaires issus des pays membres de l’OTAN sont actuellement affectés en France et seraient donc susceptibles de bénéficier de l’application du protocole de Paris.

La ratification du protocole facilitera aussi la résolution des difficultés que rencontrent aujourd’hui les conjoints des militaires français affectés dans les QG de l’OTAN. Par exemple, les Américains sont moins enclins à autoriser le travail du conjoint d’un militaire français basé à Norfolk que celui du conjoint de n’importe quel autre militaire dont le pays a ratifié le protocole. Le protocole marque donc une avancée sur ce plan.

L’accession à ce protocole simplifiera également le travail des personnels de l’OTAN appelés à venir ponctuellement sur le territoire français en dehors des exercices déjà couverts par le SOFA OTAN. Les difficultés rencontrées pour l’organisation à Paris, en 2014, d’un séminaire de l’OTAN, à propos de simples questions de droits de douane et de TVA dont le ministère de la défense et Bercy avaient une vision différente, n’ont pas donné une image positive de notre pays. La ratification du protocole apportera une solution.

Elle améliorera aussi le fonctionnement des quartiers généraux, en les dotant de la capacité juridique, en leur octroyant des exonérations fiscales et douanières ainsi que la possibilité de détenir des devises et d’avoir des comptes dans n’importe quelle monnaie, en simplifiant les règles applicables au foncier et en garantissant – c’est la moindre des choses – l’inviolabilité des archives. De fait, le champ d’application du protocole restera limité, puisqu’il n'y a actuellement, en France, aucun des quartiers généraux répondant à la définition figurant à l’article 1er du protocole, à savoir le SHAPE de Mons, le quartier général du commandement allié transformation de Norfolk, les commandements des forces interarmées de Brunssum et de Naples, ainsi que les commandements alliés aérien de Ramstein, maritime de Northwood et terrestre d’Izmir.

L’article 14 permet au Conseil de l’Atlantique Nord d’étendre le champ d’application du protocole, à la demande du pays hôte et sous réserve de l’unanimité du Conseil, à tout quartier général ou organisation militaire internationale. À ce titre, dans le futur, la France pourrait demander à bénéficier d’une décision dite « d’activation » pour les quartiers généraux du corps de réaction rapide-France de Lille, du corps de réaction rapide européen de Strasbourg, de l’état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide de Toulon et pour le centre d’analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes de Lyon-Mont Verdun. Cette liste est limitative, et il n’est pas certain que nous solliciterons ces agréments.

Peut-être pourra-t-on enfin créer un centre d’excellence certifié OTAN pour valoriser l’expertise, par exemple, du service des essences des armées, car, sur vingt-quatre centres d’excellence OTAN, il n’y en a pour l’instant qu’un seul en France. En effet, il est plus simple pour les alliés de s’installer dans des pays ayant signé le protocole.

En conclusion, je recommande l’adoption de ce texte.

L’accession au protocole de Paris simplifiera la vie des personnels étrangers dans les quartiers généraux situés sur le territoire national et permettra d’harmoniser les statuts, ce à quoi nos alliés sont très attentifs. Comme M. le secrétaire d'État l’a rappelé, l’attractivité de la France devrait s’en trouver renforcée et, au-delà, son influence au sein de l’OTAN. La réadhésion à ce protocole ne porte aucunement atteinte à la règle du contrôle politique permanent de l’emploi des forces françaises, puisque le placement des quartiers généraux sous commandement de l’OTAN ne pourra résulter que d’une décision politique française.

Enfin, il est normal que la France, qui est le troisième contributeur au budget de l’OTAN, puisse avoir les moyens d’exercer pleinement son influence. En 2014, la participation française s’est élevée à 211 millions d’euros. Même lorsque nous n’étions plus présents au sein du commandement militaire intégré, nous versions cette contribution. Désormais, nous avons les moyens d’agir et de peser, nous faisons partie des organes décisionnels de l’OTAN, nous participons aux structures intégrées de commandement, nous détenons le poste de commandant suprême allié transformation. Nous avons pesé sur la réduction du nombre des agences de l’OTAN, qui était trop élevé. Cela a permis de diminuer les coûts.

Cette influence de la France est mesurable et quantifiable. Dans le cadre du projet Smart Defence de l’OTAN, 12 % des commandes ont échu à des groupes industriels français : ce pourcentage est plus élevé que notre part au budget de l’OTAN.

En réalité, ce texte est un texte d’adaptation d’un SOFA, comme nous en signons régulièrement avec de nombreux pays. N’empêchons pas nos partenaires allemands, italiens, britanniques, belges et, plus rarement, américains de venir travailler dans les commandements français en ayant une couverture juridique, administrative et fiscale identique à celle dont bénéficient les Français en poste dans les quartiers généraux de l’OTAN situés à l’étranger.

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