Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 15 mars 2016 à 14h30
Otan : protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation d’une nouvelle adhésion de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux.

Il s’agit en effet d’une nouvelle adhésion, puisque ce protocole avait été dénoncé en 1966, lorsque la France du général de Gaulle s’était retirée du commandement militaire intégré de l’OTAN. C’est, bien sûr, dans le contexte bien particulier de la « guerre froide » entre les puissances occidentales et les pays rassemblés autour de l’Union soviétique. Je rappelle que le général de Gaulle était un allié loyal des États-Unis, mais qu’il souhaitait affirmer la souveraineté de la France et son autonomie stratégique par rapport à une organisation politico-militaire qu’il estimait inféodée à ceux-ci.

Le contexte géopolitique a bien entendu radicalement changé depuis cinquante ans, mais il faut avoir en mémoire ces éléments historiques pour comprendre la situation d’aujourd’hui et la démarche qui sous-tend cette réadhésion.

Accéder à nouveau à ce protocole pourrait sembler n’être qu’une formalité et une simple régularisation juridique, car c’est la conséquence logique de la décision prise par le Président Sarkozy, en 2009, de réintégrer pleinement la structure de commandement militaire de l’OTAN.

Il est vrai qu’il s’agit d’un texte technique qui ne pose pas beaucoup de problèmes en lui-même, puisque le protocole a avant tout pour objet de garantir un statut aux quartiers généraux et une couverture juridique aux personnels des pays alliés en poste en France.

L’exposé des motifs du projet de loi met l’accent sur la simplification de la vie des personnels étrangers dans les quartiers généraux situés sur le territoire national. En retour, l’attractivité de la France aux yeux des pays tiers s’en trouverait renforcée, ainsi que son influence au sein de l’OTAN.

Or j’estime que, dans le contexte géopolitique actuel, avec toutes les situations de crise dans lesquelles l’OTAN est directement ou indirectement impliquée, une telle adhésion revêt une signification particulière et une dimension qui va bien au-delà de ces avantages supposés. Accéder au protocole serait implicitement approuver les objectifs politiques d’une organisation dont nous considérons qu’elle n’a plus de raison d’être depuis la fin de la « guerre froide ».

Contre le gouvernement de François Fillon, nous avions présenté en 2009 une motion de censure qui condamnait cette réintégration dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. Plus largement, cette motion dénonçait, selon l’expression de l’orateur du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, « l’agressivité d’une alliance militaire qui se transforme en organisation politique de l’Occident ».

Les événements de ces dernières années ne sont pas de nature à nous faire changer d’avis. Au contraire, ils nous confortent dans notre analyse.

Pendant quelques années, l’OTAN s’est interrogée sur sa vocation et a tenté de définir un « nouveau concept stratégique », des officiers généraux français se trouvant d’ailleurs à la tête de cette réflexion.

Nous nous opposons fermement à un certain nombre de ses orientations stratégiques, et tout particulièrement à sa dangereuse politique d’élargissement et de renforcement de ses moyens, en direction de pays qui faisaient auparavant partie de la zone d’influence de l’ex-Union soviétique.

La crise ukrainienne en est une illustration. L’on a pu mesurer combien l’OTAN contribuait à attiser les tensions avec la Russie, quand la France et l’Allemagne cherchaient elles, au contraire, une solution politique.

Le dernier exemple concret de cette politique agressive a été fourni, en février dernier à Bruxelles, par la présentation aux membres de l’Alliance par le secrétaire d’État américain à la défense d’un plan dit de « réassurance européenne ». Celui-ci consiste principalement en un projet d’investissement de plus de 3 milliards de dollars destiné à renforcer, dans le cadre de l’OTAN, la présence américaine en Europe avec un prépositionnement de forces en Pologne et dans les États baltes.

C’est la mise en œuvre de ce type de projets que nous ne voulons aucunement faciliter. Il y a une contradiction majeure entre l’appartenance à cette organisation politico-militaire qui met principalement en œuvre des stratégies agressives et la volonté – tout au moins affichée – du Gouvernement de chercher d’abord des solutions politiques aux conflits.

Pour cet ensemble de raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de loi autorisant l’accession de la France au protocole dit « de Paris ».

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