Intervention de Elisabeth Pochon

Commission mixte paritaire — Réunion du 10 février 2016 à 12h35
Commission mixte paritaire

Elisabeth Pochon, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Avant de présenter mon point de vue, je souhaite rappeler que si j'ai été désignée rapporteure des deux propositions de loi en discussion le 17 février dernier, M. Jean-Jacques Urvoas en était, à l'origine, non seulement le rapporteur, mais aussi l'auteur. Ces deux textes constituent ainsi un bel exemple d'initiative parlementaire - sur un sujet intéressant pourtant directement le pouvoir exécutif !

Comme le veut l'usage, en vue de préparer notre réunion, le rapporteur du Sénat et moi-même nous sommes rencontrés la semaine dernière. Il est rapidement apparu qu'aucun accord ne s'avérait possible - ce que je regrette. Deux principaux points de divergence sont impossibles à surmonter.

Le premier, aux articles 4 A et 4 de la proposition de loi organique, porte sur la répartition des temps de parole médiatique des candidats pendant la période dite « intermédiaire » d'environ 20 jours qui commence quand la liste des candidats est établie et qui prend fin avec le début de la campagne officielle. Le texte adopté par l'Assemblée nationale visait, au cours de cette période intermédiaire, à remplacer la règle d'égalité des temps de parole par un principe d'équité, fondé sur plusieurs critères définis dans la loi organique. Il se bornait à reprendre les recommandations formulées, depuis 2007, non seulement par les chaînes de radio et de télévision, mais aussi et surtout par l'ensemble des organismes de contrôle de l'élection présidentielle : le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). La Commission présidée par M. Lionel Jospin s'était prononcée dans le même sens en 2012.

Ce dispositif avait d'ailleurs été approuvé par la commission des Lois du Sénat le 10 février dernier. Le rapporteur du Sénat s'en était même fait l'excellent avocat - je me permets de le citer : « Lors des dernières élections, dix candidats se sont partagés 10 % du temps d'antenne, cela a conduit à figer la dynamique de campagne de Jean-Luc Mélenchon et de François Bayrou. L'équité, avec le critère d'animation du débat, leur aurait profité. Regardez les rapports du CSA, de la Commission de contrôle de la campagne électorale et du Conseil constitutionnel ; ils sont tous unanimes. Loin de favoriser le bipartisme comme la primaire, le temps d'antenne serait mieux partagé ! »

Pourtant, une semaine plus tard, en séance publique, à l'initiative de M. Alain Anziani, le Sénat a adopté un point de vue diamétralement opposé, consistant à maintenir la règle actuelle de l'égalité et à réduire la période intermédiaire d'une semaine. Autrement dit, au lieu de régler la question de fond du traitement médiatique des candidats, le texte du Sénat se contente de limiter dans le temps l'ampleur du problème posé. Cette diminution de la durée de la période intermédiaire aboutirait à revenir sur la modification du calendrier de l'élection présidentielle décidée par le législateur organique en 2006 à l'initiative du ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Nicolas Sarkozy. Or, le nouveau calendrier a permis de faciliter la confection, le contrôle et l'acheminement du matériel électoral, mais aussi de réduire la période d'incertitude pendant laquelle le CSA doit faire respecter le pluralisme à l'égard de candidats simplement déclarés ou présumés, mais qui n'ont pas nécessairement recueilli les 500 signatures requises.

Au final, le texte du Sénat sur ce point est contraire à l'esprit même de la proposition de loi organique, ainsi qu'à l'ensemble des recommandations des différents organes de contrôle que j'ai cités tout à l'heure.

Le deuxième point de divergence porte sur l'horaire de fermeture des bureaux de vote. Alors que cette fermeture s'échelonne aujourd'hui entre 18 heures, 19 heures et 20 heures, au risque de favoriser la diffusion de résultats partiels avant même la clôture du scrutin, l'Assemblée nationale suggère, à l'article 7 de la proposition de loi organique, de fixer cet horaire à 19 heures, moyennant la possibilité pour le préfet de le repousser à 20 heures dans certaines villes. La durée séparant les premières des dernières fermetures de bureaux de vote serait ainsi ramenée à une heure au lieu de deux aujourd'hui.

Le Sénat, de son côté, a préféré retenir un horaire uniforme de 19 heures sur l'ensemble du territoire. Ce choix a le mérite de la simplicité, mais il risque de nuire à la participation électorale, en particulier dans les grandes villes, où l'habitude a été prise de pouvoir voter jusqu'à 20 heures.

Je pourrais citer d'autres points de divergence, comme la liste des auteurs de parrainages de candidats à laquelle le Sénat a ajouté les vice-présidents des conseils consulaires, la question de la durée de la période couverte par les comptes de campagne, ou encore l'introduction par le Sénat de dispositions reprenant, dans sa quasi-intégralité, une proposition de loi sur les sondages qui n'a jamais été examinée par l'Assemblée nationale sous cette législature. Mais je ne crois pas nécessaire d'entrer davantage dans les détails sur ces différentes questions, dès lors que l'écart qui sépare nos assemblées sur ces propositions de loi me semble impossible à combler aujourd'hui.

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