Intervention de Manuel Valls

Réunion du 16 mars 2016 à 14h30
Protection de la nation — Question préalable

Manuel Valls, Premier ministre :

Il y a plusieurs manières de répondre à une telle attaque, parmi lesquelles, bien sûr, les mesures de sécurité, mais le chef de l’État a estimé, et cela me paraissait aussi indispensable, qu’il fallait inscrire une partie de cette réponse dans la Constitution.

La constitutionnalisation de l’état d’urgence est un sujet majeur, plusieurs fois débattu, vous le savez. Elle a été demandée par le comité Vedel en 1993 et, je le rappelais il y a un instant, par le comité présidé par Édouard Balladur en 2008, sans qu’à l’époque cette proposition soit retenue. Dois-je ici à nouveau rappeler, comme je l’ai fait en d’autres lieux, le constat formulé par le comité Balladur ? Le comité s’étonnait que deux états de crise, celui de l’article 16 et l’état de siège, figurent dans la Constitution, tandis que le troisième, amené à être utilisé plus fréquemment sous la Ve République – ça a été le cas – ne l'est pas.

Constitutionnaliser l’état d’urgence pour mieux garantir son encadrement par la loi fondamentale, dans le cadre de notre État de droit, oui, monsieur Laurent, c’est assurer davantage nos libertés !

Vient ensuite la question de la déchéance de la nationalité.

Je rappellerai uniquement que la déchéance de nationalité est une sanction républicaine. Créée en 1848, d’abord contre les esclavagistes, elle a été chaque fois utilisée ensuite avec le souci impérieux de punir les ennemis de la République : en 1915, en 1917, en 1927, en 1938, en 1945 ; plus récemment, en 1973, en 1993, en 1996, en 2006.

Je vous vois sourire, monsieur Laurent, parce que vous pensez à une autre période, mais cette période n’était pas la République. C’était Vichy, et, précisément, quand le général de Gaulle, en 1945, rétablit ces dispositions, il le fait au nom de la République. Puis il y a eu les lois de 2003 et de 2006.

Ce qu’affirme cette sanction, en négatif, c’est que le fondement de la République est le serment qui lui est chaque fois renouvelé. C’est cela, d’une certaine manière, la fraternité, car, la République en partage, ce n’est pas seulement le sang ni seulement le sol. Quand ce serment est brisé, cassé, parce que les armes ont été retournées contre la France, alors, oui, le lien est rompu, et il y a une logique à ce que l’on soit déchu de la nationalité.

Il ne s’agit pas de chercher des boucs émissaires, de mettre en cause tel ou tel. Un tel objectif peut, évidemment, exister dans l’esprit de certains, mais il n’est en aucun cas dans l’esprit des républicains.

C’est une décision très grave, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'État a estimé que la Constitution devait l’encadrer. Voilà le sens de ces mesures – même si elles soulèvent, bien sûr, beaucoup de questions.

L’autre réponse, monsieur Laurent, et c’est là qu’il y a, je vous le dis avec le plus grand respect, un manque de cohérence de votre part, est que ce n’est pas une nouvelle doctrine sécuritaire, un Patriot Act

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