Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, je voudrais essayer de répondre à deux questions.
La première me semble essentielle : faut-il réviser la Constitution ? Si la réponse est positive, que faut-il y inscrire ?
Comme il vient d’être dit, une loi relative à l’état d’urgence existe déjà. D'ailleurs, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, vous vous en servez tous les jours : c’est la loi de 1955, modifiée en novembre dernier. Le Conseil constitutionnel a indiqué que les principales mesures mises en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence – les perquisitions ou les assignations à résidence – n’étaient pas contraires à la Constitution. Nous avons donc un instrument législatif efficace.
S’agissant de la perte ou de la déchéance de la nationalité, les articles 23-7 et 25 du code civil vous donnent les moyens d’agir. Vous nous avez rappelé, monsieur le Premier ministre, que vous-même et le ministre de l’intérieur aviez pris, à plusieurs reprises, des décrets après avis conforme du Conseil d’État pour prononcer des déchéances de nationalité. Nous avons donc là aussi les outils législatifs.
Mes chers collègues, ne sommes-nous que des législateurs aujourd'hui ? Si tel est le cas, M. Badinter a raison : il suffit de modifier d’un mot l’article 25 du code civil. Or, sur proposition du Gouvernement, le Président de la République ayant fait un choix, nous sommes une partie du pouvoir constituant.
Si l’on se place de ce point de vue, il est évident que ce ne sont pas les lois, prises une par une, dont il nous faut parler. Le ministre de l’intérieur a devant lui le code civil, qui compte plusieurs milliers d’articles. Je pense que tous sont conformes à la Constitution. Ce n’est donc pas la question de la conformité de la loi à la Constitution qui se pose. Nous avons à nous demander s’il faut encadrer des mesures particulièrement graves par la Constitution. Faut-il construire un cadre dans lequel s’exerceront les pouvoirs que l’État doit mettre en œuvre en période exceptionnelle ? Faut-il construire un cadre dans lequel les pouvoirs publics prononceront, d’une façon ou d’une autre, la déchéance de nationalité ? C’est à ces questions que nous devons d’abord répondre.
Je pense que ces mesures sont suffisamment graves et lourdes de conséquences pour les libertés publiques pour que nous répondions : oui, il faut réviser la Constitution ! C’est en tout cas la raison qui me fait accepter d’entrer dans ce processus. Nous devons construire un cadre pour préserver les libertés et faire en sorte que le législateur agisse dans ce cadre. Je suis sûr que tous les républicains seront d’accord avec moi.
Réviser la Constitution est la seule hypothèse dans laquelle le Sénat dispose d’un pouvoir égal à celui de l’Assemblée nationale. Je vous rappelle, monsieur le Premier ministre, que c’est un pouvoir constitutionnel complet.