Intervention de Michel Mercier

Réunion du 16 mars 2016 à 14h30
Protection de la nation — Discussion générale

Photo de Michel MercierMichel Mercier :

On peut tout à fait ne pas en convenir, monsieur le garde des sceaux, dans la mesure où chacune est détaillée dans une section spécifique du code civil, sections que je connais assez bien.

En fait, deux grands problèmes se posent : la relation entre les personnes et l’État, puis la relation entre l’État et les personnes. La nationalité se trouve au croisement du droit public et du droit privé, des questions personnelles et du rôle souverain de l’État. Pour ce qui concerne l’apatridie et sa prévention – c’est sur ce point que je fonderai mes positions –, nos textes ne comportent peut-être pas un principe général, mais il existe un usage républicain constant.

Ainsi, aux termes de l’article 23-7 du code civil, une personne qui se montre déloyale vis-à-vis de l’État dont elle est le national peut perdre la nationalité de cet État si elle a la nationalité d’un autre État : il n’y a donc pas d’apatridie possible !

Aux termes de l’article 25 du même code, si quelqu’un a été condamné pour un crime ou un délit grave portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, il peut être déchu de sa nationalité à la condition que cette déchéance n’ait pas pour résultat de le rendre apatride. Cette disposition résulte de la loi du 16 mars 1998, défendue par Mme Guigou.

On peut donc constater un continuum dans notre droit, un principe républicain essentiel.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui ne comporte rien d’autre. Voilà pourquoi il vous serait facile, monsieur le Premier ministre, de construire avec nous ce consensus. Vous nous affirmez qu’on réglera le problème par la ratification future d’une convention internationale qui devrait peut-être permettre un certain flou.

Toutefois, pour parvenir au résultat que vous appelez de vos vœux, il faudrait que quelqu’un propose d’enlever des articles 23-7 et 25 du code civil l’interdiction de créer des apatrides en cas de perte ou de déchéance de la nationalité. Je reste persuadé que quiconque proposera cela n’est pas encore né !

Ce principe de prévention de l’apatridie existe dans notre droit : autant le dire clairement. En effet, ce n’est pas la ratification d’une convention internationale qui changera quoi que ce soit. Aujourd’hui, les seules obligations qui s’imposent à nous en matière de prévention et d’interdiction de l’apatridie sont des règles de droit interne, non des règles de droit international : nous n’avons encore ratifié aucune convention internationale qui nous interdirait de faire des apatrides.

J’évoquerai à présent un second point, peut-être moins important, mais à coup sûr plus symbolique. Il s’agit de savoir comment prononcer la déchéance et qui doit le faire.

Vous nous expliquez, monsieur le Premier ministre, que ce sera une sorte de peine complémentaire, annexe à une condamnation pénale définitive, et qui sera prononcée par le juge judiciaire.

Pour ma part, je ne partage pas ce sentiment. Selon moi, l’État, ou plutôt le pouvoir exécutif – je n’ignore pas que l’autorité judiciaire aussi représente l’État –, quand il octroie au citoyen la nationalité française, lui accorde en même temps sa protection.

Michelet a clairement exprimé cette idée, quoique d’une façon quelque peu romantique.

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