Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, moins d’un an après l’attentat visant Charlie Hebdo, le 13 novembre, un groupe terroriste comprenant en son sein des nationaux français a commis un acte monstrueux, anéantissant des vies innocentes au moment où ces victimes exprimaient leur appétit de vivre, un acte destiné à frapper la France en son cœur, la France et son image insupportable pour ceux qui prétendument au nom de Dieu ont pour croyance la haine et l’intolérance.
La France, dans un élan spontané d’unité nationale, a exprimé d’une seule voix dans chaque commune, dans chaque ville son rejet de tels actes et son attachement aux valeurs fondamentales de la République. L’union sacrée, un siècle après, a toujours le même sens : c’est la révolte contre l’agression à l’encontre de la Nation et de ses enfants.
Le chef de l’État, quelques heures après l’odieux attentat, a réuni le Parlement en Congrès. Il a eu raison de provoquer ce moment au cours duquel, au-delà des sensibilités diverses, la représentation nationale a fait bloc dans l’émotion. Les applaudissements et La Marseillaise chantée à l’unisson consacraient ce moment fort sans préjuger d’initiatives à venir.
Passé ce moment, fallait-il transposer cette émotion dans un texte constitutionnel ? L’union était faite dans l’opinion ; était-il opportun de risquer de la fissurer par des propositions potentiellement clivantes et un débat coupé des préoccupations des Français ?
Dans mon intervention devant le Congrès, j’avais clairement affirmé « l’impérieuse nécessité, plutôt que de légiférer constamment en réaction aux événements, d’appliquer les lois existantes dont l’arsenal est la plupart du temps suffisant ». J’ajoutais : « aujourd’hui, nos concitoyens n’attendent pas de nouvelles lois, mais de l’action en exécution des lois existantes de la République ». Nos concitoyens veulent de la sécurité, de l’emploi, du pouvoir d’achat.
Nous comprenons la volonté exprimée par l’exécutif, à commencer par vous, monsieur le Premier ministre, qui avez su faire face dans l’épreuve avec M. le ministre de l’intérieur, de rassembler et de rassurer les Français, et l’on peut comprendre ce texte constitutionnel comme un message à nos concitoyens. Cependant, ce message a-t-il aujourd’hui la capacité d’être un instrument de rassemblement et d’unité ? N’est-il pas devenu un instrument de division à l’intérieur même de chacune des familles politiques de la Nation ?
Face à ces questions, le groupe que j’ai l’honneur de présider émettra une réponse majoritairement négative sur l’ensemble du texte, quelle que soit sa version. Certains de ses membres souhaitent pouvoir adresser un message de soutien au Gouvernement ou tout simplement restent convaincus de l’opportunité de ce texte. Ces expressions diverses sont profondément respectables.
Je vais maintenant exposer les raisons pour lesquelles mon groupe n’approuve pas majoritairement le projet de révision de la Constitution sous ses diverses formulations. J’ouvrirai préalablement une parenthèse importante pour dire au président Philippe Bas le respect que nous avons pour la qualité de son rapport et l’amélioration qu’il constitue par rapport au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.