Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 16 mars 2016 à 14h30
Protection de la nation — Discussion générale

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

… mais il est urgent que certains se consacrent à la transition énergétique et non à la transition communautariste !

Que chacun vive sa religion ou son athéisme dans la sphère privée en pleine liberté, mais notre société, notre nation n’ont en aucun cas à adapter leurs règles ou coutumes aux injonctions de quelque religion que ce soit !

Lorsque le Gouvernement a mis en place l’état d’urgence, il nous a trouvés à ses côtés. La vraie difficulté est d’en sortir sans l’instaurer dans la loi de tous les jours. Lorsque le Gouvernement consacre de nouveaux moyens humains et matériels à la lutte antiterroriste, nous sommes à ses côtés ; c’est cela qu’attendent les Français, non la constitutionnalisation de l’état d’urgence et de la déchéance de nationalité.

Nous considérons majoritairement que ce projet de loi constitutionnelle est inutile, peut-être délétère. On ne peut passer sous silence les positions critiques de très nombreux universitaires, de juristes, d’anciens présidents du Conseil constitutionnel, ni les obstacles et conséquences à l’échelon international des traités signés et non ratifiés ; je pense également aux réactions de pays concernés par le nombre important de binationaux.

Revenons à l’origine de ce projet de loi, soyons précis ! Que disait le chef de l’État à Versailles ? Qu’il fallait « disposer d’un outil approprié afin que des mesures exceptionnelles puissent être prises pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence ni compromettre l’exercice des libertés publiques. » Copie rejetée par le Conseil d’État et donc première contradiction avec le Congrès de Versailles : on met l’état d’urgence dans la Constitution !

Quant à la déchéance de nationalité, le Président de la République n’a aucunement parlé de sa constitutionnalisation dans le discours applaudi par nous tous. Évitez l’argument selon lequel, ayant applaudi à Versailles, nous étions d’accord sur ce projet : ce n’est pas la réalité !

Quant au Conseil d’État, rappelons que, en 2008, il s’était opposé au projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence proposé par le comité Balladur.

Devant la commission des lois, le président Sauvé a souligné son opposition à l’extension de la déchéance aux délits et, en réponse à l’une de mes questions, il a déclaré : « Faut-il une révision constitutionnelle ? Ce n’est pas nécessaire au regard du principe d’égalité. Mais le Conseil d’État a considéré qu’il y aurait un risque suffisamment sérieux à s’en dispenser. » Il a ajouté : « Dans la question qui nous était posée, l’apatridie était exclue. Le problème est donc absent de notre avis. »

Dans ces conditions, se prévaloir de la bénédiction du Conseil d’État est pour le moins téméraire, voire spécieux !

Monsieur le président de la commission des lois, s’il fallait bâtir un socle pour rejeter ce projet de loi constitutionnelle, on trouverait le béton le plus solide dans votre rapport.

Permettez-moi de vous citer des extraits de votre excellent travail, figurant à la page 104 et suivantes de votre rapport : « Première question : cette révision constitutionnelle est-elle nécessaire ? Si nous étions des universitaires appelés à donner un point de vue juridique, nous aurions les plus grands doutes. Mais il ne s’agit pas ici que de droit. » Cela pourrait d’ailleurs m’inquiéter !

Sur le refus de consultation du Conseil constitutionnel en amont sur la conformité de la loi de 1955 à la Constitution, vous ajoutez : « Néanmoins, le Conseil constitutionnel a depuis été saisi à trois reprises par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité. Il avait, auparavant, déjà estimé que la Constitution de 1958 n’avait pas pour effet implicite d’abroger l’état d’urgence ; cette fois, il a jugé conformes à la Constitution les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence depuis novembre, qu’il s’agisse des assignations à résidence, des limitations apportées à la liberté de réunion et de manifester ou des perquisitions ; seule la possibilité de saisir des données informatiques a été censurée, car jugée trop intrusive.

« Par conséquent – ajoutez-vous –, l’état d’urgence ne présente clairement aucun risque d’inconstitutionnalité. »

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