L’état d’urgence n’est pas un état anodin. Il bouleverse les équilibres de notre État de droit, la séparation des pouvoirs, les libertés fondamentales. Depuis sa mise en œuvre, au mois de novembre dernier, après les monstrueuses attaques qui ont touché notre pays, des vies ont été bouleversées, des dérives constatées, parfois même condamnées, notamment pendant sa prolongation.
La constitutionnalisation de l’état d’urgence n’est pas une affaire de juristes. C’est une question éminemment politique, dont les citoyens doivent se saisir, malgré le caractère complexe des enjeux, une complexité très souvent entretenue. Il est de notre devoir de parlementaires de « déminer » la peur légitime de nos concitoyens, et certainement pas de l’alimenter. Or la constitutionnalisation de l’état d’urgence y contribue fortement.
Notre arsenal législatif est déjà très important, cela a été rappelé. Les deux mesures phares mises en avant, perquisitions et assignations à résidence, existent dans notre droit pénal antiterroriste. Certes, elles existent différemment. Et c’est justement dans cette différence que se trouve la dangerosité des mesures proposées.
Sur les assignations à résidence, la justice pénale est armée dans les situations les plus graves, mais cela se fait dans un cadre procédural clair, avec un juge indépendant.
L’état d’urgence a engendré des abus, comme l’a prouvé l’utilisation de ses dispositions contre les militants de la COP 21. Enfin, rappelons que les 3 000 perquisitions ont donné matière à l’ouverture de quatre enquêtes antiterroristes !
Les mesures restrictives de liberté ne peuvent et ne doivent être prises que dans un cadre clair, à l’issue d’une procédure contradictoire. C’est finalement l’inverse qui nous est proposé dans cet article 1er. En ce sens, il nous apparaît dangereux pour nos libertés individuelles et collectives. Nous ne pouvons pas le soutenir.