De nombreux gouvernements pourraient revendiquer la palme des projets de loi inutiles…
Mais proposer d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, alors qu’il est en vigueur, qu’il a été prolongé à deux reprises et que, le 22 décembre dernier, le Conseil constitutionnel a jugé les neuf premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence conformes à la Constitution, c’est une grande première ! Cela donne à votre gouvernement une bonne chance de figurer dans le Guinness Book des records, monsieur le garde des sceaux !
La seule justification d’une inscription dans la Constitution serait d’apporter des modifications, des précisions ou des garanties à la loi de 1955. Mais vous ne proposez rien de tout cela. L’article 1er, que nous examinons, reprend mot pour mot les très vagues conditions de déclenchement figurant dans cette loi.
La dernière mouture du texte que vous nous proposez, après en avoir tenté dix autres, prévoit que la loi « fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements ».
Le Conseil constitutionnel sera donc dans l’impossibilité de tirer de cette révision le moindre élément permettant ou lui imposant un début de commencement d’ébauche de modification de sa jurisprudence.
Comme dans la publicité, c’est la révision qui fait « pschitt » ! D’ailleurs, cela n’a rien d’étonnant, puisqu’il s’agit précisément d’un coup de pub !
La constitutionnalisation de l’état d’urgence ne changera rien à la lutte contre le terrorisme et, par conséquent, à la protection de la Nation. Si la prévention du terrorisme passait par des lois, les quatre lois sur le terrorisme et le renseignement votées depuis 2014 auraient apporté la preuve de leur efficacité. Cette preuve, nous l’attendons encore, hélas !
Il existe désormais un trop-plein de textes en la matière. Vous nous proposez de l’augmenter.
En France, quand on ne sait pas quoi faire, on peut toujours réviser la Constitution ! Ni les Anglais après les attentats de Londres, ni les Américains après le 11 septembre, ni les Espagnols après les événements de Madrid ne l’ont fait. Mais, chez nous, il nous faut des symboles, des serments, pour reprendre certains propos du Premier ministre. Il faut montrer que l’on se bouge. Ce n’est pas du socialisme ; ce n’est pas de l’antiterrorisme ; ce n’est même pas de l’activisme. C’est du « bougisme » !
Monsieur le garde des sceaux, l’état d’urgence est dans la loi, et il y est très bien. Laissez-le donc là où il est !