Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 mars 2016 à 9h30
Renforcer la lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale — Examen du rapport pour avis

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur pour avis :

Notre commission a souhaité se saisir pour avis du projet de loi de lutte contre le financement du crime organisé et du terrorisme, examiné au fond par la commission des lois sur le rapport de Michel Mercier. Les dispositions entrant dans notre champ de compétence figurent aux articles 12 à 16 quinquies et à l'article 33 du projet de loi, soit douze articles.

Dans le courant des années 2000, de nombreuses mesures ont été prises au niveau international, européen et national, afin de lutter contre les circuits de financement du terrorisme et du crime organisé. Le Groupe d'action financière (GAFI) a élaboré des recommandations, l'Union européenne a adopté plusieurs paquets anti-blanchiment qui ont été transposés en droit français. La transposition complète de la quatrième directive anti - blanchiment du 20 mai 2015 est prévue par habilitation dans le présent projet de loi.

La France dispose d'outils juridiques élaborés et de services spécialisés, qu'il s'agisse des services des douanes ou de la cellule de renseignement financier Tracfin, auquel la présidente Michèle André et moi-même avons rendu visite le 20 janvier dernier, saluant à cette occasion son professionnalisme. L'évolution des risques et les enseignements tirés des deux vagues d'attentats commis en 2015 incitent toutefois le Gouvernement à proposer de nouvelles dispositions législatives sur le financement du terrorisme et du crime organisé, qui présentent des liens bien connus. Ces initiatives interviennent alors que la Commission européenne, sous l'impulsion de notre pays, s'est engagée à proposer, à la fin du deuxième semestre 2016 au plus tard, une nouvelle série de dispositions que le présent projet de loi anticipe.

L'article 12 crée une nouvelle infraction réprimant le trafic de biens culturels depuis des zones où agissent des terroristes. On voit bien tout l'intérêt de cette disposition qui trouve sa source dans la connaissance des modalités de financement du groupe Daech.

L'article 13 plafonne la capacité d'emport des cartes prépayées et renforce leur traçabilité, prenant ainsi acte de l'utilisation de ces moyens de paiement, souvent anonymes, pour financer des opérations terroristes. Sur ce point, malgré nos efforts, une harmonisation européenne sera évidemment nécessaire. Je vous proposerai un amendement plafonnant plus précisément les mouvements réalisés « en monnaie électronique anonyme et en espèces » sur ces cartes.

L'article 14 permet à Tracfin de signaler aux établissements de crédit des situations générales mais aussi des situations individuelles présentant des risques élevés. Il s'agit d'un renversement de la procédure habituelle, car aujourd'hui Tracfin se contente de recevoir des déclarations de soupçons, même si des appels généraux à vigilance ont pu être diffusés par le passé.

Si cette mesure est particulièrement utile, les signalements individuels pourraient conduire les établissements financiers à fermer les comptes concernés, ce qui irait à l'encontre des objectifs poursuivis. Je vous proposerai donc un amendement autorisant Tracfin à interdire ces fermetures tout en exonérant les établissements de responsabilité civile et pénale s'ils remplissent leurs obligations. L'article 14 bis introduit par l'Assemblée nationale, étend d'ailleurs le régime d'irresponsabilité pénale en cas d'ouverture de compte sur désignation de la Banque de France.

L'article 15 étend le droit de communication de Tracfin aux gestionnaires d'un système de cartes de paiement ou de retrait, tels que le Groupement des cartes bancaires ou les sociétés Visa et Mastercard ; soit. Mais je vous proposerai un amendement pour aller plus loin et inclure les plateformes de monnaies virtuelles dans la liste des personnes assujetties aux obligations de vigilance, en les soumettant au statut de prestataire de services de paiement ; j'aimerais entendre le Gouvernement sur ce point.

L'article 15 bis étend l'accès direct des agents habilités de Tracfin au fichier de traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), alors que cet accès était limité à la prévention du terrorisme. Je vous proposerai un amendement harmonisant la rédaction inscrite dans le code monétaire et financier et celle du code de la sécurité intérieure. Je vous proposerai également un article additionnel donnant aux établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique un accès aux informations relatives aux numéros des documents d'identité perdus, volés ou invalidés, afin qu'ils puissent vérifier les éléments d'identification fournis par leurs clients.

L'article 16 instaure une présomption d'origine illicite des fonds en matière de délit douanier. Je vous proposerai de l'étendre à « tout crime ou délit ».

L'article 16 bis simplifie le droit existant en autorisant les agents de la douane à prélever des échantillons dans le cadre de leurs missions. L'article 16 ter autorise l'utilisation d'un pseudonyme par les agents des douanes qui recherchent et constatent des infractions sur Internet, les cyberdouaniers, à qui nous avions rendu visite avec Philippe Dallier pour notre rapport sur la fraude à la TVA. Ces dispositions sont bienvenues, compte tenu de l'utilisation massive d'internet et du développement des risques de fraude organisée via le commerce électronique, comme l'a souligné le rapport du groupe de travail de notre commission sur le recouvrement de l'impôt à l'heure de l'économie numérique. Toutefois, je vous proposerai de mieux encadrer cette possibilité en limitant le champ d'application aux seuls délits douaniers, en imposant une habilitation des agents et en informant le Procureur de la République qui pourra s'y opposer.

L'article 16 quater institue une obligation de justification de la provenance des sommes transférées en liquide vers ou depuis l'étranger, dès lors qu'elles dépassent un certain seuil fixé par décret. Les défauts de déclarations - incluant les déclarations incomplètes ou incorrectes - seront sanctionnées à hauteur de 50 % des sommes, contre 25 % aujourd'hui en vertu de l'article 16 quinquies. Je vous proposerai de fixer par la loi, et non par décret, le seuil de 50 000 euros à partir duquel les justificatifs sont nécessaires et de permettre que les documents justificatifs soient « tenus à disposition » des douanes, au lieu de leur être systématiquement présentés. Imaginons qu'une personne transporte légitimement le produit d'une vente ; il n'est pas forcément facile d'avoir l'acte avec soi.

Enfin, l'article 33 habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance diverses mesures relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et notamment à transposer les dispositions les plus techniques de la quatrième directive anti-blanchiment. L'habilitation sollicitée prévoyait également que le Gouvernement soit autorisé à adopter, le cas échéant, des « dispositions plus strictes ». Cette possibilité a été supprimée à juste titre par l'Assemblée nationale.

Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces articles, sous réserve de l'adoption de mes amendements.

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