C'est un honneur pour moi d'être auditionné par votre commission. J'ai cinquante-quatre ans et je suis ingénieur général des ponts et chaussées. Docteur en physique, j'ai travaillé pendant dix ans dans la recherche fondamentale en mécanique quantique des champs. Depuis une vingtaine d'années, je me consacre à l'évaluation et à la gestion des risques, notamment d'origine radioactive. J'ai passé quatre ans au ministère de l'Équipement comme sous-directeur en charge du contrôle de la sûreté des installations autres que les réacteurs, puis dix ans à l'IRSN où j'ai exercé diverses fonctions, dont celles de directeur de l'expertise et de directeur de la stratégie. J'ai ensuite été responsable de la mission « Stratégie » du ministère de l'Équipement. Enfin, il y a neuf ans, je suis devenu directeur général de l'ASN, fonction que j'occupe encore aujourd'hui.
Mon itinéraire a été marqué par le dialogue avec les parties prenantes dans les territoires, qu'il s'agisse des élus, des commissions locales d'information (CLI) ou des organisations non gouvernementales. Lors de mon passage à l'IRSN, j'avais préparé le premier accord entre l'Institut et l'Association nationale des commissions locales d'information (ANCLI), devenue depuis l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI). Une autre particularité de mon parcours est d'avoir exercé des activités à forte composante technique et scientifique. J'ai été confronté à des crises, comme celle de Fukushima en 2011. Au sein de l'ASN, j'ai également traité les suites des sur-irradiés d'Épinal. J'ai toujours évolué dans un environnement marqué par une implication internationale forte. Je suis président du comité de l'OCDE des autorités de sûreté nucléaire. J'étais à l'IRSN quand le nouvel Institut a été créé et je suis arrivé à l'ASN au moment de sa création, en 2007. J'ai managé des équipes importantes. Enfin, pour avoir évolué dans la sphère publique depuis toujours, j'ai une bonne connaissance des mécanismes budgétaires et administratifs.
En tant qu'autorité de sûreté, l'ASN prend les décisions réglementaires, tandis que l'IRSN fournit l'expertise technique sur laquelle les autorités publiques s'appuient pour prendre leurs décisions. À l'IRSN, je me suis consacré à des activités variées : sûreté nucléaire, radioprotection, protection de l'environnement, sécurité, expertise, recherche, gestion de programmes, stratégie. Cette expérience m'a donné une connaissance profonde du fonctionnement d'un établissement public industriel et commercial à vocation scientifique et technique.
L'IRSN est l'expert public des risques nucléaires et radiologiques. Il contribue à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la sûreté et à la sécurité nucléaires, comme par exemple la protection contre les rayons ionisants en matière de santé et d'environnement. L'établissement est placé sous la tutelle des cinq ministères concernés par la sûreté et la radioprotection. Son statut a été conforté par la loi sur la transition énergétique et par le décret de mars 2016.
L'IRSN a quatre missions. La recherche sur les risques nucléaires et radiologiques mobilise 40 % de son budget. L'appui par l'expertise aux autorités publiques s'exerce particulièrement en situation de crise. L'Institut exerce aussi des missions d'intérêt public, comme la surveillance de la radioactivité dans l'environnement et la gestion des données dosimétriques des travailleurs. Enfin, l'IRSN est un établissement public industriel et commercial qui exerce à ce titre des prestations diverses.
L'IRSN recense 1 750 collaborateurs dont les trois quarts sont des experts ou des chercheurs. L'Institut vous rend régulièrement compte de ses activités. Il interagit avec les exploitants, les autorités publiques et la société civile. Il est très impliqué au niveau européen, au travers de l'association European technical safety organisation network (ETSON).
Les enjeux de sécurité nucléaire seront importants dans les années à venir, avec notamment la prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans, le réexamen de sûreté des installations du cycle du combustible, les démantèlements, la construction d'installations nouvelles comme EPR, Cigéo, ITER, ou le réacteur Jules Horowitz. La loi sur la transition énergétique a renforcé la sûreté nucléaire et l'information du citoyen. L'évolution des pratiques médicales induit une exposition croissante des patients et des travailleurs. Même si c'est pour un meilleur soin, les risques sont accrus, et la vigilance reste de mise notamment sur les nouvelles techniques utilisées en radiothérapie. Les Français restent préoccupés par les sujets d'environnement. Enfin, la sécurité et la protection contre les actes de malveillance prennent une importance grandissante.
J'entends développer la stratégie scientifique de l'IRSN, telle qu'elle a été rendue publique en janvier 2016, avec pour objectifs de contribuer à l'amélioration des connaissances pour la sûreté nucléaire et la radioprotection, la protection de l'environnement et la sécurité, de développer l'expertise avec les meilleures connaissances du moment, et enfin de maintenir une culture scientifique et technique de haut niveau à l'Institut. Ces objectifs devront s'intégrer dans la stratégie nationale française et dans l'agenda européen, grâce à des partenariats noués avec nos homologues, les organismes de recherche et les industriels, en veillant cependant à préserver l'indépendance de l'IRSN.
Je m'engage à renforcer la cohérence stratégique entre les autorités publiques, notamment l'ASN et l'IRSN, tout en préservant encore une fois l'indépendance de l'Institut. Il faut arriver à une programmation partagée pour une expertise incontestable, opérationnelle et proportionnée au risque.
Je souhaite également renforcer la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, et plus généralement en matière de gestion des risques. Nous mettrons notamment en oeuvre la publication de l'ensemble des avis rendus par l'IRSN sauf lorsque le secret défense ou le secret médical s'y opposeront, comme le préconise la loi sur la transition énergétique. Je poursuivrai aussi les actions déjà engagées auprès des publics scolaires.
Enfin, je valoriserai le potentiel humain de l'Institut. La qualité, la compétence et le professionnalisme des hommes et des femmes qui travaillent à l'IRSN sont reconnus en France et à l'étranger. Je voudrais travailler à la création d'itinéraires professionnels variés, incluant des allers retours entre l'IRSN et ses partenaires. Dans cette période où les finances sont contraintes, il me reviendra d'assurer un fonctionnement efficace de l'Institut et une gestion écologiquement responsable des moyens dont il dispose.
Ces orientations feront l'objet d'échanges approfondis avec la présidente de l'IRSN, Dominique Le Guludec et les autres parties prenantes, tutelles, autorités compétentes et personnel. Je mettrai tout en oeuvre pour que l'Institut poursuive ses missions.