Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 17 mars 2016 à 15h00
Protection de la nation — Article 2

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Le Premier ministre est un magicien. Je le dis sincèrement : bravo, l’artiste ! Depuis quatre mois, il doit ni plus ni moins résoudre la quadrature du cercle : soit les binationaux sont concernés par la déchéance, et il perd une grande partie de sa majorité ; soit on crée des apatrides, et il perd une grande partie de l’opposition. Dans les deux cas, il n’arrive pas à réunir la majorité des trois cinquièmes au Congrès.

Personne ne pensait qu’il pourrait s’en sortir et, pourtant, il a réussi. Comme toutes les grandes idées, la solution était en fait si simple qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant. Il suffisait de tout enlever de l’article : plus de binationaux, plus d’apatrides ; il n’y a plus rien dans le texte, absolument rien, du vent !

L’actuel article 34 dispose que la loi fixe les règles concernant la nationalité, c’est-à-dire tout ce qui touche à son acquisition ou à sa déchéance. Le nouveau texte prévoit que la loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française. Cette nouvelle rédaction n’apporte pas une virgule de plus à ce qui existe dans l’ancienne. Comme avant, c’est la loi qui définira les conditions de la déchéance, sans que la moindre précision soit apportée par la Constitution.

Ce vide constitutionnel est tellement évident que – chose incroyable, monsieur le garde des sceaux – vous avez été obligé de présenter, par avance, à votre majorité et à l’opposition le texte de la future loi d’application. En faisant cela, vous avez apporté la preuve que le texte constitutionnel était vide et permettait toutes les interprétations dont, bien sûr, celles qui pourraient être tout à fait différentes de celle que vous proposez aujourd’hui et qu’une majorité simple pourra demain changer à son gré… Vous rendez-vous compte de la monstruosité législative que vous nous proposez pour tenter de réussir cette manœuvre politicienne ? Une révision fantôme ! Pensez-vous que le Parlement, la presse et l’opinion vont marcher dans la combine ? Évidemment, personne ne marche et, chaque jour un peu plus, les Français se moquent de ce feuilleton législatif dont ils ont compris, depuis longtemps, qu’il n’aurait aucune utilité contre le terrorisme.

L’ennui, avec ce genre de fausse habilité et d’entrechats sémantiques qui ne débouchent sur rien, c’est que toute la classe politique est en train, depuis quatre mois, de perdre son crédit par votre faute.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion